Vu le recours, enregistré le 6 décembre 2012, présenté par le ministre de l'économie et des finances, lequel demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1002604 du 6 août 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de retenue à la source ainsi que des pénalités y afférentes, qui ont été assignées à la SA Les Oliviers au titre de l'exercice 2006 ;
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 modifiée tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôt sur le revenu ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2015,
- le rapport de M. Martin, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public ;
1. Considérant que la SA Les Oliviers a transféré, à compter du 20 janvier 2006, son siège social du Panama au Luxembourg ; que cette société est propriétaire depuis 1978, sur le territoire de la commune de Nice, d'un bien immobilier constitué, sur un terrain d'une superficie de 4 445 m2, d'une maison de maître et d'une maison de gardien ; que la SA Les Oliviers a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur l'exercice 2006, le service constatant alors que le transfert de son siège social avait eu pour effet de la faire sortir du champ d'application de l'impôt sur les sociétés ; que, par suite et en application des dispositions de l'article 221 bis du code général des impôts, l'administration fiscale a taxé à l'impôt sur les sociétés la plus-value latente assise sur la valeur de l'immeuble en cause ; que l'administration a également réclamé à cette société la retenue à la source à raison des revenus réputés distribués à ses associés ; que, cependant, la SA Les Oliviers a obtenu du tribunal administratif de Nice, par jugement du 6 août 2012, la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés et de la retenue à la source ainsi réclamés au titre de l'exercice 2006 pour un montant total, droits et pénalités confondus, de 434 110 euros (297 144 euros au titre de l'impôt sur les sociétés, 136 966 euros au titre de la retenue à la source) ; que le ministre de l'économie et des finances relève appel de ce jugement ;
Sur l'impôt sur les sociétés :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57 et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) " ; que selon l'article 4.1 de la convention franco-luxembourgeoise susvisée : " Les revenus des entreprises industrielles minières, commerciales ou financières ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel se trouve un établissement stable. (...) " ; que selon le 1er alinéa de l'article 2.3 de cette même convention : " Le terme " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires dans laquelle l'entreprise exerce tout ou partie de son activité " ;
3. Considérant qu'il est constant que la SA Les Oliviers était passible jusqu'à la date du transfert de son siège social au Luxembourg de l'impôt sur les sociétés à raison de l'immeuble dont elle est propriétaire à Nice ; que les parties s'accordent sur le fait que, depuis la date de ce transfert, les revenus que cette société tire de cet immeuble relèvent de la catégorie des bénéfices industriels ou commerciaux visés par l'article 4 précité de la convention franco-luxembourgeoise mais ne proviennent pas d'un établissement stable au sens de l'article 2.3 de la même convention ; que les stipulations de la convention franco-luxembourgeoise primant sur les dispositions de l'article 209 du code général des impôts, il en résulte que la société Les Oliviers a cessé, à compter de la date de transfert de son siège social au Luxembourg, d'être passible, sur le territoire français, de l'impôt sur les sociétés ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 201 du code général des impôts : " 1. Dans le cas de la cession, en totalité ou en partie, d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou minière... l'impôt sur le revenu dû en raison des bénéfices réalisés dans cette entreprise... et qui n'ont pas encore été imposés est immédiatement établi. " ; que selon les dispositions de l'article 221 du même code : " (...) 2. En cas de dissolution, de transformation entraînant la création d'une personne morale nouvelle, d'apport en société, de fusion, de transfert du siège ou d'un établissement à l'étranger, l'impôt sur les sociétés est établi dans les conditions prévues aux 1 et 3 de l'article 201. Il en est de même, sous réserve des dispositions de l'article 221 bis, lorsque les sociétés ou organismes mentionnés aux articles 206 à 208 quinquies, 239 et 239 bis AA cessent totalement ou partiellement d'être soumis à l'impôt sur les sociétés au taux prévu au deuxième alinéa du I de l'article 219 (...) " ; qu'aux termes de l'article 221 bis dudit code : " En l'absence de création d'une personne morale nouvelle, lorsqu'une société ou un autre organisme cesse totalement ou partiellement d'être soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal, les bénéfices en sursis d'imposition, les plus-values latentes incluses dans l'actif social et les profits non encore imposés sur les stocks ne font pas l'objet d'une imposition immédiate, à la double condition qu'aucune modification ne soit apportée aux écritures comptables et que l'imposition desdits bénéfices, plus-values et profits demeure possible sous le nouveau régime fiscal applicable à la société ou à l'organisme concerné. " ;
5. Considérant que la décision de la société Les Oliviers par laquelle celle-ci a transféré son siège social du Panama au Luxembourg a impliqué un changement de régime fiscal, lequel doit être regardé comme ayant eu pour effet une cessation d'entreprise au sens du deuxième alinéa de l'article 221-2 précité du code général des impôts ; que dans un tel cas de figure et sans que puissent être opposées à l'administration les dispositions, non opérantes, des articles 209 et 164 B du code général des impôts, les plus-values latentes incluses dans l'actif social font l'objet d'une imposition immédiate hors le cas où la société en cause, en l'absence de création d'une personne morale nouvelle, peut bénéficier de l'atténuation prévue à l'article 221 bis précité du code général des impôts, dès lors que les deux conditions cumulatives que ce dernier article contient sont satisfaites ;
6. Considérant qu'il est constant que la société Les Oliviers n'a pas changé de personnalité morale à l'occasion du transfert de son siège social ; qu'il résulte toutefois de l'instruction qu'à la date dudit transfert, les stipulations de la convention fiscale franco-luxembourgeoise s'opposaient, s'agissant des établissements non stables, à l'imposition des éventuelles plus-values immobilières par le pays du lieu de situation des immeubles ; que, par suite, et sans qu'il y ait lieu de rechercher si les écritures comptables auraient ou non été modifiées, l'administration est bien fondée à soutenir que la société Les Oliviers, qui ne remplissait pas la seconde condition prévue par l'article 221 bis précité, ne pouvait bénéficier du sursis d'imposition des plus-values latentes prévu par cet article ; que, dès lors, il y a lieu de remettre à la charge de la société Les Oliviers, pour un montant en droits et pénalités de 297 144 euros, la cotisation d'impôt sur les sociétés à raison la plus-value latente assise sur la valeur non contestée de l'immeuble dont est propriétaire la SA Les Oliviers ;
Sur la retenue à la source :
7. Considérant qu'aux termes de l'article 111 bis du code général des impôts : " Lorsqu'une personne morale soumise à l'impôt sur les sociétés cesse d'y être assujettie, ses bénéfices et réserves, capitalisés ou non, sont réputés distribués aux associés en proportion de leurs droits. " ;
8. Considérant que la SA Les Oliviers devant être imposée à l'impôt sur les sociétés ainsi qu'il est dit au point 6, il s'ensuit que ses bénéfices et réserves doivent être regardés comme des revenus distribués entre les mains de ses associés au prorata de leurs droits dans ladite société en application des dispositions de l'article 111 bis précité du code général des impôts ; que, par suite, il y a lieu de remettre à la charge de la société Les Oliviers, pour un montant en droits et pénalités de 136 966 euros, la retenue à la source à raison des revenus réputés distribués à ses associés ;
9. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice, par son jugement du 6 août 2012, a fait droit à la demande de la SA Les Oliviers ; que, par suite, il y a lieu d'annuler ce jugement et de remettre à la charge de l'intimée les suppléments d'impôt sur les sociétés et la retenue à la source réclamés au titre de l'exercice 2006 pour un montant total, droits et pénalités confondus, de 434 110 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SA Les Oliviers demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 6 août 2012 est annulé.
Article 2 : Des suppléments d'impôt sur les sociétés et de retenue à la source sont remis à la charge de la SA Les Oliviers au titre de l'exercice 2006 pour un montant total, droits et pénalités confondus, de 434 110 (quatre cent trente-quatre mille cent dix) euros.
Article 3 : Les conclusions de la SA Les Oliviers tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des finances et des comptes publics et à la SA Les Oliviers.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
''
''
''
''
N° 12MA04625 2
mtr