Vu I) sous le n° 13MA04158, la requête, enregistrée le 28 octobre 2013, présentée pour M. A... E...F..., demeurant..., par Me B... ; M. E... F...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1302656 du 27 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 22 mai 2013 refusant de lui délivrer une carte de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant l'Espagne comme pays de destination de la mesure d'éloignement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
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Vu II) sous le n° 13MA04561, la requête, enregistrée le 27 novembre 2013, présentée pour Mme C...D...épouseE..., demeurant..., par Me B... ; Mme D...épouse E...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1301744 du 27 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 14 février 2013 du préfet des Pyrénées-Orientales refusant de lui délivrer une carte de séjour ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le jugement et la décision attaqués ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 février 2015 le rapport de Mme Menasseyre, rapporteure ;
1. Considérant que les requêtes susvisées n° 13MA04158 présentée par M. E... F...et n° 13MA04561 présentée par Mme D...épouse E...présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant que, sous le n° 13MA04158, M. E...F..., de nationalité espagnole, relève appel du jugement du 27 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 22 mai 2013 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a refusé, dix-huit mois après sa demande formée le 14 septembre 2011, la délivrance d'une carte de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que, sous le n° 13MA04561, Mme D...épouseE..., de nationalité marocaine, relève appel du jugement du 27 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 14 février 2013 par laquelle le préfet des Pyrénées-Orientales lui a refusé la délivrance d'une carte de séjour ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet des Pyrénées-Orientales :
3. Considérant que la circonstance que Mme D...épouse E...ait déposé sa demande de titre de séjour plus de deux mois après son arrivée en France n'a d'influence ni sur la recevabilité de la demande présentée en première instance ni sur la recevabilité de sa requête d'appel ; qu'ainsi le préfet des Pyrénées-Orientales n'est pas fondé à soutenir qu'elle aurait déposé une requête manifestement tardive ;
Sur le bien-fondé des décisions contestées :
En ce qui concerne M. E...F... :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France " ; qu'aux termes de l'article R. 121-10 du même code : " Les ressortissants mentionnés au 1° de l'article L. 121-1 qui ont établi leur résidence habituelle en France depuis moins de cinq ans bénéficient à leur demande d'un titre de séjour portant la mention : " UE-toutes activités professionnelles ". La reconnaissance de leur droit de séjour n'est pas subordonnée à la détention de ce titre. / (...) Sa délivrance est subordonnée à la production par le demandeur des justificatifs suivants : / 1° Un titre d'identité ou un passeport en cours de validité ; / (...) une preuve attestant d'une activité non salariée " ;
5. Considérant qu'il ressort de la lecture de l'arrêté contesté que le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé la délivrance du titre sollicité au motif que l'appelant n'avait pas été en mesure de justifier de l'exercice d'une activité professionnelle, qu'elle fût salariée ou non salariée ; que M. E...F...a, dans le cadre de la présente instance, versé aux débats un certificat d'inscription au répertoire des entreprises et des établissements daté du 13 février 2013 pour une activité de commerce de détail de textiles, d'habillement et de chaussures sur éventaires et marchés prenant effet au 1er février 2013, une attestation du directeur du centre de paiement du RSI de Montpellier certifiant à la date du 4 juin 2013 que l'intéressé est à jour de ses déclarations et paiements de cotisations de sécurité sociale ; qu'il produit un document établi par le RSI mentionnant un chiffre d'affaires de 1 330 euros pour la période du 1er février au 31 mars 2013 et un document de même nature mentionnant un chiffre d'affaires de 2 200 euros pour le deuxième trimestre 2013 ; qu'il versé également sa déclaration de chiffre d'affaires du deuxième trimestre de l'année 2013, mentionnant le même chiffre d'affaires ; qu'au vu de ces éléments il est établi qu'à la date de l'arrêté contesté, le 22 mai 2013, date à laquelle il convenait que le préfet se place pour apprécier la situation de M. E...F..., celui-ci exerçait effectivement une activité professionnelle, laquelle était génératrice d'un chiffre d'affaires ; qu'il entrait, par suite, dans les prévisions du 1° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que contrairement à ce que soutient le préfet des Pyrénées-Orientales le montant des revenus que l'intéressé pouvait tirer de l'exercice de cette activité ne peut utilement lui être opposé pour apprécier son droit au séjour au titre du 1° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne Mme D...épouseE... :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) tout citoyen de l'Union européenne (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : (...) 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie (...) 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 121-3 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois. S'il est âgé de plus de dix-huit ans ou d'au moins seize ans lorsqu'il veut exercer une activité professionnelle, il doit être muni d'une carte de séjour. Cette carte, dont la durée de validité correspond à la durée de séjour envisagée du citoyen de l'Union dans la limite de cinq années, porte la mention : " carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union " (...) " ;
7. Considérant que les conditions dans lesquelles les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne et leur conjoint ressortissant d'un Etat tiers peuvent exercer leur droit au séjour sur le territoire français et se voir délivrer, le cas échéant, un titre de séjour, sont régies par les dispositions du titre II du livre premier du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui dérogent aux dispositions de droit commun du livre troisième du même code ; qu'ainsi la circonstance, invoquée par le préfet des Pyrénées-Orientales, selon laquelle la demande de titre de séjour formée par Mme D...n'aurait pas été déposée dans les délais prévus par l'article R. 311-2 du même code est sans influence sur la recevabilité de cette demande ;
8. Considérant qu'il ressort de la lecture de la décision du 14 février 2013 que le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé la délivrance du titre sollicité par Mme D...épouse E...au motif, notamment, que l'époux de l'appelante n'avait pas été en mesure de justifier d'un droit au séjour en France ; que M. E...F...a, dans le cadre de l'instance n° 13MA04158, versé aux débats les documents énumérés au point 5, qui ont été communiqués au préfet des Pyrénées-Orientales et au vu desquels il est établi qu'à la date du 14 février 2013, date à laquelle il convenait que le préfet se place pour apprécier la situation de Mme D...épouseE..., son époux venait de commencer à exercer effectivement une activité professionnelle, laquelle allait se révéler génératrice d'un chiffre d'affaires ; qu'il entrait, par suite, dans les prévisions du 1° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et son épouse dans les prévisions susmentionnées de l'article L. 121-3 du même code ;
9. Considérant au surplus, et en toute hypothèse, que les dispositions susmentionnées des articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile confèrent au ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, en sa qualité de citoyen de l'Union, ainsi que, par voie de conséquence, au ressortissant d'un Etat tiers, conjoint de ce ressortissant, un droit de séjour dans l'Etat membre d'accueil à la double condition que le ressortissant de l'Union soit couvert par une assurance maladie appropriée et qu'il dispose pour lui et sa famille de ressources suffisantes ; qu'il ressort des pièces versées au dossier devant le tribunal que, pour la période comprise entre le 6 mars et le 3 décembre 2012, l'époux de l'appelante a perçu une somme de 7 692,14 euros au titre d'une allocation d'aide au retour à l'emploi ; qu'il a perçu, au titre des missions d'intérim, des salaires de 173,03 euros en février 2012, 1 064,48 euros en avril 2012, 1 164,45 euros en mai 2012, 362,41 euros en juin 2012, 282,89 euros en juillet 2012, 418,57 euros en septembre 2012, 65,88 euros en octobre 2012 et 205,44 euros en décembre 2012 soit, pour la période de dix mois précédant immédiatement la décision attaquée, des ressources de 11 429,29 euros correspondant à 1 143 euros mensuels ; qu'ainsi qu'en attestent les fiches de paie versées au dossier, les cotisations de sécurité de sociale que lui et son employeur acquittent ou ont acquittées lui ouvrent droit à l'assurance maladie ; que si il est admis au bénéfice de l'aide médicale d'Etat, ce n'est qu'à défaut, en l'absence de titre de séjour, de bénéficier de la couverture d'assurance maladie qu'il est en droit d'avoir ; que, dans ces conditions, M. E...et sa famille de trois enfants ne sauraient être regardés comme faisant peser une charge déraisonnable sur les finances publiques françaises et comme ne disposant pas de ressources suffisantes au sens des dispositions précitées ; qu'il entrait, par suite, également dans les prévisions du 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et son épouse dans les prévisions susmentionnées de l'article L. 121-3 du même code ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens des requêtes, que M. E... F...et Mme D...épouse E...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande ; que, par suite, les jugements et l'arrêté et la décision contestés du préfet des Pyrénées-Orientales doivent être annulés ;
Sur l'injonction :
11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales, selon la demande de M. E...F..., et de Mme D...épouse E...de réexaminer leur demande de titre de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. E... F...de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, tant en première instance qu'en appel et de mettre également à sa charge le versement à Mme D...épouse E... de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, tant en première instance qu'en appel ; que les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par le préfet des Pyrénées-Orientales ;
D E C I D E :
Article 1er : Les jugements n° 1302656 et n° 1301744 du tribunal administratif de Montpellier du 27 septembre 2013, la décision du préfet des Pyrénées-Orientales du 14 février 2013 et son arrêté du 22 mai 2013 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Pyrénées-Orientales de réexaminer la situation de M. E... F...et de Mme D...épouse E...dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. E... F...une somme de 1 000 (mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à Mme D...épouse E...une somme de 1 000 (mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E...F..., à Mme C...D...épouse E...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet des Pyrénées-Orientales et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Perpignan.
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N° 13MA04158, 13MA04561 2
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