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23/04/2015 | FRANCE | N°13MA02668

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 23 avril 2015, 13MA02668


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS d'aménagement d'Isola 2000 a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner le Syndicat mixte des stations du Mercantour (SMSM) à lui verser la somme provisionnelle de 1 298 500 euros dans le dernier état de ses écritures, au titre des travaux de réparation des dommages causés à sa propriété par la réalisation d'une retenue collinaire ainsi qu'une somme de 100 000 euros par an à compter du 18 juin 2005 et jusqu'à l'achèvement des travaux de remise en état du golf, majorées des intér

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS d'aménagement d'Isola 2000 a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner le Syndicat mixte des stations du Mercantour (SMSM) à lui verser la somme provisionnelle de 1 298 500 euros dans le dernier état de ses écritures, au titre des travaux de réparation des dommages causés à sa propriété par la réalisation d'une retenue collinaire ainsi qu'une somme de 100 000 euros par an à compter du 18 juin 2005 et jusqu'à l'achèvement des travaux de remise en état du golf, majorées des intérêts à compter de l'arrêt à intervenir, en réparation de son préjudice de jouissance.

Par un jugement n° 0904796 du 7 mai 2013, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 5 juillet 2013 et les 4 février et 18 mars 2015, la SAS d'aménagement d'Isola 2000, représentée par Me A...dans le dernier état de ses écritures, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904796 du 7 mai 2013 du tribunal administratif de Nice ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre les dépens à la charge du SMSM ainsi qu'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'action a bien été engagée par la présidente en exercice de la société, propriétaire de la parcelle cadastrée section G n° 728 ;

- l'exécution des travaux de réalisation d'une retenue collinaire s'est accompagnée de dégradations importantes et d'empiètements sur une partie de son golf, préjudice dont elle a suffisamment justifié ;

- le tribunal aurait dû prendre des mesures d'instruction et non se borner à juger qu'elle ne justifiait pas suffisamment de la réalité de son préjudice ;

- le SMSM, maître de l'ouvrage, doit répondre, même sans faute, des préjudices résultant de cette opération de travaux publics ;

- les travaux de remise en état du golf s'élèvent à 1 298 500 euros ;

- elle subit un préjudice de jouissance qui doit être évalué à 100 000 euros par an ;

- ce trouble de jouissance ne correspond pas à un préjudice d'exploitation, elle subit un trouble dans son droit de jouir de son bien.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juin 2014 le SMSM conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la SAS d'aménagement d'Isola 2000, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la requête est irrecevable faute pour la société de justifier de ses droits de propriété sur la parcelle et d'avoir été introduite par une personne ayant qualité pour la représenter ;

- la retenue collinaire n'est pas implantée sur un parcours de golf ;

- aucune des pièces versées aux débats ne permet de justifier du dommage invoqué par la société.

Par application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen, relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées par la SAS d'aménagement d'Isola 2000 tendant à la réparation de troubles de jouissance résultant de la privation d'exploitation commerciale dès lors que cette société ne justifie pas avoir la qualité d'exploitante du golf.

Un mémoire présenté par le SMSM a été enregistré le 30 mars 2015, postérieurement à la clôture d'instruction.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de MmeB...,

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,

- et les observations de Me A...pour la SAS d'aménagement d'Isola 2000.

Une note en délibéré présentée par la SAS d'aménagement d'Isola 2000 a été enregistrée le 3 avril 2015.

1. Considérant que la SAS d'aménagement d'Isola 2000 relève appel du jugement du 7 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation du syndicat mixte des stations du Mercantour (SMSM) à réparer les préjudices résultant pour elle de l'opération de travaux publics qui s'est déroulée en 2005 et consistant en la réalisation d'une retenue collinaire au lieudit " Le Gourc de la Peur " à Isola 2000 ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que pour refuser de faire droit aux prétentions indemnitaires de la société appelante, le tribunal s'est borné à constater qu'elle n'établissait pas la réalité du préjudice, lié à la réalisation de la retenue collinaire, qu'elle prétendait avoir subi depuis 2005 ; que si le juge qui reconnaît la responsabilité de l'administration et ne met pas en doute l'existence d'un préjudice ne peut, sans méconnaître son office ni commettre une erreur de droit, rejeter les conclusions indemnitaires dont il est saisi en se bornant à relever que les modalités d'évaluation du préjudice proposées par la victime ne permettent pas d'en établir l'importance et de fixer le montant de l'indemnisation alors qu'il lui appartient d'apprécier lui-même le montant de ce préjudice, en faisant usage, le cas échéant, de ses pouvoirs d'instruction, il n'en va pas de même lorsqu'il se borne à constater que la réalité même du préjudice invoqué n'est pas démontrée ; qu'ainsi la SAS d'aménagement d'Isola 2000 n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient manqué à leur office en ne procédant pas aux mesures d'instructions nécessaires pour suppléer à sa carence dans l'administration de la preuve de l'existence du préjudice invoqué ;

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Considérant qu'il résulte des écritures de la société que le préjudice dont elle demande réparation correspond d'une part à la réparation d'un préjudice qu'elle qualifie de " trouble de jouissance ", qu'elle évalue à la somme de 100 000 euros par an, correspondant " au trouble de jouissance résultant des dommages occasionnés à son bien " et, d'autre part, au coût des travaux nécessaires pour remettre en état un golf dont elle indique qu'elle était propriétaire et qu'elle ne l'exploitait pas ; qu'en réponse à l'information qui lui a été adressée en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, la société appelante a précisé qu'elle n'entendait pas demander la réparation d'un préjudice d'exploitation ;

4. Considérant qu'il appartient à la société, qui entend bénéficier du régime de responsabilité sans faute applicables aux victimes d'une opération de travaux publics ayant la qualité de tiers par rapport à cette opération, de faire la démonstration d'un lien de causalité entre les travaux incriminés et les préjudices allégués, lesquels doivent présenter un caractère anormal et spécial ;

5. Considérant que, pour démontrer que son parcours de golf aurait été détérioré à l'occasion de l'opération de travaux publics critiquée, la société appelante produit un procès-verbal de constat d'huissier dressé le 3 août 2005 et un " rapport sur la restauration du golf d'Isola 2000 " établi par une entreprise spécialisée dans la construction et l'aménagement de golfs ; que le premier document se borne à constater l'exécution de travaux et de terrassement sur la parcelle cadastrée section G n° 728, la présence de nombreux engins de chantier, la réalisation d'une partie de ces travaux sur l'emprise du golf, l'arrachage de nombreuses souches d'arbre et l'abattage de nombreux arbres entreposés sur une piste ; que ce document est toutefois dépourvu de toute précision sur la nature et l'ampleur des travaux réalisés sur l'emprise du golf alors qu'il ressort des pièces versées aux débats que la retenue collinaire a été réalisée en limite du golf ; que le constat d'huissier produit par la société, dans les termes où il est rédigé, ne permet pas de savoir si la réalisation de travaux sur l'emprise du golf qui y est mentionnée correspondrait au simple transit d'engins de chantier ou, par exemple, à des travaux de terrassement réalisés à tort sur cette emprise ; que ce constat ne permet pas davantage de mesurer les conséquences, sur le golf, des travaux réalisés ; qu'en particulier il ne démontre pas que lesdits travaux auraient entraîné la destruction totale pure et simple des trous 9, 12 et 15 et la nécessité de restaurer les greens correspondants ni que les travaux dont s'agit auraient directement rendu nécessaires le remplacement de 350 sprinklers, la reconstruction de 5 200 mètres linéaires de chemins, la restauration des greens et des tees, le rétablissement des fairways et la restauration des bunkers ; que si la société appelante produit également le rapport susmentionné daté du 17 décembre 2009 à l'appui de ses prétentions, ce rapport non contradictoire a été réalisé à sa demande par une entreprise choisie par elle, plus de quatre ans après l'achèvement de l'opération litigieuse, et débute en indiquant que la société appelante a fait savoir à l'entreprise que le golf dont elle est propriétaire a dû fermer à la suite de travaux réalisés pour implanter une retenue collinaire ; que ce document, s'il démontre que d'importants travaux sont nécessaires pour reprendre l'exploitation du golf, ne peut être retenu, compte tenu des conditions de son élaboration, pour justifier de l'existence d'un lien de causalité entre ces travaux et l'opération de travaux publics critiquée ;

6. Considérant, enfin, que la production d'un courrier adressé à l'office de tourisme d'Isola 2000 par le président du syndicat mixte des stations du Mercantour le 21 juin 2006 qui fait état de travaux de remise en état du golf par la société Queyras TP devant débuter en semaine 26 ou 27 n'est pas davantage de nature à démontrer l'existence d'un lien de causalité entre les dommages allégués et l'opération de travaux en cause ; que ce courrier se borne à annoncer, à titre indicatif, un calendrier de travaux sans même indiquer que lesdits travaux seraient susceptibles d'être pris en charge par le syndicat ni à quel titre ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société appelante n'apporte pas plus en première instance qu'en appel la preuve de ce que l'opération de travaux publics incriminée serait à l'origine des désordres affectant sa parcelle et son golf, tels qu'ils l'auraient rendu inexploitable et rendraient nécessaires des travaux de remise en état pour un montant de 1 298 500 euros ; qu'il résulte au surplus de l'instruction que la société a été condamnée à faire retour de la parcelle litigieuse à la commune d'Isola, à charge pour cette dernière de l'indemniser en contrepartie de la restitution des terrains ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société appelante n'est fondée à demander ni que le SMSM soit condamné à réparer ses troubles de jouissance ni qu'il soit condamné à lui verser une somme correspondant au montant des travaux nécessaires à la reprise d'exploitation du golf inexploité depuis à tout le moins l'année 2005, situé sur la parcelle section G n° 728, qui a, en toute hypothèse, vocation a faire retour à la commune d'Isola ; qu'elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant au versement des dépens et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par le SMSM ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS d'aménagement d'Isola 2000 est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du SMSM tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS d'aménagement d'Isola 2000 et au syndicat mixte des stations du Mercantour.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2015, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- M. Firmin, président assesseur,

- MmeB..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 23 avril 2015.

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N° 13MA02668

CM


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA02668
Date de la décision : 23/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-02-03 Travaux publics. Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. Lien de causalité.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : CABINET CHRISTIAN BOITEL

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-04-23;13ma02668 ?
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