Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Clitor Trading a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des amendes fiscales qui lui ont été réclamées par un avis de mise en recouvrement en date du 9 juin 2010, au titre des exercices clos en 2005 et 2006, pour un montant total de 922 719 euros.
Par un jugement n°1100746 du 17 mai 2013, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 16 juillet 2013 par télécopie et régularisée le 18 juillet suivant par original, la SCP Taddei-Ferrari-Funel, mandataire-liquidateur de la la société Clitor Trading, représentée par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ledit jugement du tribunal administratif de Nice ;
2°) de prononcer la décharge des amendes fiscales en cause ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La requérante soutient que :
- le signataire de la décision de rejet du 31 décembre 2010 consécutive à sa réclamation n'avait pas compétence pour ce faire ;
- l'article 1737-I-2 du code général des impôts a été mis en oeuvre irrégulièrement ; son droit à un débat oral et contradictoire a été méconnu ; dans la proposition de rectification du 19 décembre 2008, l'administration a fait à la fois référence au 1° et au 2° de l'article 1737-I du code général des impôts, ne la mettant pas ainsi à même de déterminer sur quel fondement se plaçait l'administration pour lui infliger l'amende en cause ;
- le service a commis un détournement de procédure ; l'administration n'a pas mis en oeuvre la procédure d'enquête administrative prévue aux articles L. 80 F à L. 80 J du livre des procédures fiscales, destinée à rechercher les manquements aux règles et aux obligations de facturation ; les renseignements obtenus dans le cadre de la vérification de comptabilité ne lui sont pas opposables ; il appartenait à l'administration au service de solliciter l'application de l'article L. 16 B au cours de la vérification de comptabilité ;
- l'amende fiscale prévue par les dispositions de l'article 1740 ter constitue une accusation en matière pénale au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; dans ce cadre, l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales impose à l'administration de notifier au contribuable, avant d'appliquer la sanction fiscale, la motivation de celle-ci ainsi que la possibilité qui lui est offerte de présenter ses observations dans un délai de trente jours ; or, ce n'est qu'au stade de la réponse aux observations du contribuable que le service l'a informée de sa décision de lui infliger l'amende en cause ; le service n'a pas motivé la décision de ne retenir comme base de l'amende que la dernière facture ;
- les dispositions de l'article 1737-I-2 ne trouvaient pas à s'appliquer à la période en cause ; il n'est pas démontré qu'elle aurait bénéficié des garanties offertes par l'article 1740 ter du code général des impôts sur le terrain duquel l'administration a demandé la substitution de base légale ;
- l'article L. 57 du livre des procédures fiscales a été méconnu ;
- elle n'a pas eu la possibilité de présenter ses observations et de contester les informations issues de la procédure d'assistance administrative internationale ;
- l'administration n'apporte pas la preuve du bien-fondé de l'amende ; elle ne démontre pas que les factures émises ne correspondent ni à une livraison ni à une prestation de service réelle ;
Par un mémoire en défense enregistré le 21 novembre 2013, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Martin, président assesseur ;
- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.
1. Considérant que la SARL Clitor Trading, créée en 2003 et représentée dans la présente instance par son mandataire liquidateur, la SCP Taddei-Ferrari-Funel, avait pour activité l'achat, la vente, l'importation, l'exportation, le commissionnement et le courtage d'appareils et d'équipements électroniques de téléphonie ; que cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité menée à partir du 16 novembre 2006 dans les locaux du cabinet comptable de la société par la direction nationale d'enquêtes fiscales, relative à taxe sur la valeur ajoutée dont elle était redevable au titre de la période allant du 1er septembre 2003 au 30 septembre 2006 ; que deux propositions de rectification ont été adressées à la contribuable, la première en date du 21 décembre 2007 portant sur la période allant du 1er septembre 2003 au 30 septembre 2004, la seconde en date du 19 décembre 2008 portant sur la période allant du 1er octobre 2004 au 30 septembre 2006 ; qu'à la suite de cette procédure, l'administration a, en définitive, mis à la charge de la SARL Clitor Trading une amende pour facturation fictive sur le fondement des dispositions de l'article 1737-I du code général des impôts au titre des seules périodes allant du 1er octobre 2004 au 30 septembre 2005 et du 1er octobre 2005 au 30 septembre 2006 ; que cette amende, d'un montant total de 922 719 euros, a été mise en recouvrement par un avis du 9 juin 2010 ; que la SCP Taddei-Ferrari-Funel relève appel du jugement du 17 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de la SARL Clitor Trading tendant à la décharge de ladite amende ;
Sur la compétence de la signataire de la décision du 31 décembre 2010 portant rejet de la réclamation en date du 14 juillet 2010 :
2. Considérant que la décision susmentionnée rejette la réclamation contentieuse présentée par la société contribuable le 14 juillet 2010 ; qu'elle ne peut être regardée comme intervenant dans un cadre gracieux ainsi que le fait valoir la requérante ; que dans ces conditions et en tout état de cause, le moyen selon lequel Mme E...n'aurait pas eu compétence pour signer la décision du 31 décembre 2010, au motif qu'elle n'aurait reçu délégation de signature qu'en matière contentieuse, ne peut qu'être écarté ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne la régularité de la mise en oeuvre de l'article 1740 ter du code général des impôts :
3. Considérant qu'aux termes du 2ème alinéa de l'article 1740 ter du code général des impôts, dont la teneur a été reprise à l'article 1737-I-2 du même code entré en vigueur le 1er janvier 2006 : " (...) Lorsqu'il est établi qu'une personne a délivré une facture ne correspondant pas à une livraison ou à une prestation de service réelle, elle est redevable d'une amende fiscale égale à 50 % du montant de la facture (...) " ;
4. Considérant que l'administration qui a admis, dans sa réponse susmentionnée à la réclamation contentieuse, avoir à tort fondé l'amende fiscale en litige sur les dispositions de l'article 1737-I-2 du code général des impôts, lesquelles n'étaient pas encore applicables au moment des faits, a substitué à ces dernières dispositions celles du 2ème alinéa de l'article 1740 ter du code général des impôts ; que les mentions contenues dans la proposition de rectification du 19 décembre 2008, alors même que celle-ci visait à tort l'article 1737-I-2 du code général des impôts, permettaient cependant à la contribuable de connaître les motifs ayant conduit à l'application d'une amende de 50 % pour fausse facture ; que contrairement à ce que soutient la requérante, le service n'a nullement fondé l'amende en cause sur les dispositions cumulées du I et du II dudit article 1737 ; que dans ces conditions et alors même que les dispositions alors applicables de l'article 1740 ter prévoyaient que les amendes étaient recouvrées suivant les procédures et sous les garanties prévues pour les taxes sur le chiffre d'affaires et que les réclamations étaient instruites et jugées comme pour ces taxes, une telle substitution de base légale n'a pas eu pour effet de priver la société contribuable, laquelle a pu, ainsi informée, produire ses observations en toute connaissance de cause, des garanties de procédure prévues par la loi ; que, dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la substitution ainsi pratiquée aurait été irrégulière ;
5. Considérant que tant les dispositions de l'article 1737-I-2 du code général des impôts que celles de l'article 1740 ter du même code, ne prévoient aucune règle spécifique relative à leur mise en oeuvre ; que si les dispositions combinées des articles L. 80 F et L. 80 H du livre des procédures fiscales permettent à l'administration d'enquêter, dans les conditions qu'elles définissent, sur les manquements aux règles de facturation applicables aux personnes assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée et de rechercher notamment d'éventuelles factures fictives et l'autorisent ensuite, conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article L. 80 H du livre des procédures fiscales, à se fonder sur les éléments recueillis dans le cadre de cette enquête pour procéder à une vérification de comptabilité dans les conditions prévues notamment par l'article L. 47 du même code, il ne ressort aucunement des dispositions relatives à la vérification de comptabilité que celles-ci prohiberaient le constat direct par le vérificateur, à l'occasion d'une vérification de comptabilité, de la méconnaissance par le contribuable des règles concernant la facturation ; que, par ailleurs, il ne résulte nullement de l'instruction que le service aurait été tenu de recourir, en l'espèce, aux opérations de visite et de saisie régies par les dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ; que, par suite, c'est régulièrement et sans détournement de procédure que l'amende en cause a pu être infligée à la contribuable dans le cadre d'une vérification de comptabilité ;
En ce qui concerne le moyen tiré de l'absence de débat oral et contradictoire :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables (...) " ; que, lorsque la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de démontrer que ce dernier se serait refusé à un tel débat ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité s'est déroulée, à la demande du gérant de la SARL Clitor Trading, dans les locaux du cabinet comptable Ab'Rex Alain Brillat situé à Menton ; que M. A..., gérant de la société requérante, a été informé de chacune des interventions du vérificateur et a été présent à chacune d'entre elles ainsi qu'à la réunion de synthèse tenue le 10 avril 2008 au cours de laquelle, en présence de ses avocats, les rectifications envisagées ont été exposées ; que le gérant de la société Clitor Trading a été ainsi mis à même de débattre avec le vérificateur des rectifications en cause ; que, par ailleurs, si la société requérante invoque la circonstance que l'administration aurait fait preuve de déloyauté en lui adressant tardivement les documents dont elle avait demandé la communication le 13 janvier 2009, il ne résulte pas de l'instruction et n'est d'ailleurs nullement soutenu que ces documents, reçus le 9 février suivant, auraient été transmis en dehors des délais requis ; qu'ainsi et en tout état de cause, il ne peut être soutenu que l'administration aurait méconnu le droit de la requérante à bénéficier d'un débat oral et contradictoire ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 55 du livre des procédures fiscales : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 56, lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dus en vertu du code général des impôts, les rectifications correspondantes sont effectuées selon la procédure de rectification contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 A. " ; qu'aux termes de l'article L. 57 du même livre : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. " ; que par ailleurs, aux termes de l'article L. 80 D dudit livre : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai des observations. " ;
9. Considérant que l'amende dont s'agit constitue une sanction fiscale ; que dans ces conditions, l'administration n'était tenue que par les obligations de motivation découlant de l'article L. 80 D précité du livre des procédures fiscales ; que, par suite, ainsi que l'a à juste titre jugé le tribunal, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales est étranger au présent litige et ne peut qu'être rejeté ;
En ce qui concerne le moyen tiré du non-respect de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales :
10. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera...du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. " ;
11. Considérant que l'amende fiscale prévue à l'ancien article 1740 ter du code général des impôts, et qui a été maintenue dans le droit en vigueur à l'article 1737 du même code, est au nombre des sanctions administratives constituant des " accusations en matière pénale " au sens des stipulations précitées de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
12. Considérant, par ailleurs, qu'il résulte des dispositions précitées des articles 1737 et 1740 ter du code général des impôts et L. 80 D du livre des procédures fiscales que l'administration doit faire connaître au redevable, au moins trente jours avant la mise en recouvrement de la pénalité, les motifs de la sanction envisagée et la possibilité de présenter ses observations ;
13. Considérant qu'il ressort de la proposition de rectification en date du 19 décembre 2008 que le vérificateur a relaté de manière circonstanciée les constatations qu'il avait pu faire et qui fondaient l'application de l'amende, à savoir des anomalies touchant au fonctionnement de la société Clitor Trading, relatives à la facturation, au comportement des fournisseurs et des clients, au transport des marchandises, anomalies ayant pour effet de remettre en cause la réalité des opérations commerciales, qu'il a mentionné le fondement légal de l'amende ainsi qu'il a déjà été dit au point 4 et qu'il a identifié les factures qu'il considérait comme étant fictives ; que l'administration doit, dans ces conditions, être regardée comme ayant régulièrement motivé l'amende en litige ; que l'administration a, à cette occasion, invité la SARL Clitor Trading à produire ses observations dans le délai de trente jours, respectant ainsi les dispositions de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, ce qu'a fait la société contribuable le 18 février 2009 ; que la circonstance que dans sa réponse faite auxdites observations de la contribuable, datée du 21 décembre 2009, signée par M. D..., inspecteur des impôts et contresignée par MmeB..., inspecteur principal, l'administration, après avoir indiqué que les montants réclamés demeuraient inchangés, ait réduit le montant de l'amende au titre des deux exercices en cause, en indiquant que ne serait mis en recouvrement qu'un montant d'amende calculé sur la base de la dernière facture émise au cours de la période vérifiée au nom de chaque client italien, n'impliquait nullement qu'elle justifie de sa décision dès lors que le principe du montant réclamé était maintenu, que le fondement juridique était conservé et que la modification d'opportunité avait pour effet une baisse du montant de l'amende ; que dans ces conditions, la SARL Clitor Trading ne peut soutenir que les droits qu'elle tenait des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales auraient été méconnus ;
En ce qui concerne la procédure d'assistance internationale :
14. Considérant que si la société requérante fait valoir qu'elle a été privée de la possibilité d'exercer ses droits dans la mesure où les documents qui ont été transmis par les autorités italiennes dans le cadre de l'assistance internationale et qui lui ont été communiqués en annexe au courrier de l'administration en date du 21 décembre 2009 étaient rédigés en italien, les documents en cause, qui concernent les sociétés Transtir et Concorde Electroniques et qui ont été adressés à l'administration postérieurement à la proposition de rectification du 19 décembre 2008, n'ont toutefois pas servi à motiver l'application de l'amende en litige ; que dans ces conditions, la société requérante, dont par ailleurs le gérant, M. A..., résidait en Italie et peut raisonnablement être tenu comme comprenant l'italien, ne peut être regardée comme ayant été empêchée de présenter ses observations dans le délai de trente jours courant à compter de la notification, le 19 décembre 2008, de la motivation de l'amende ;
Sur le bien-fondé de l'amende :
15. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 28 quater de la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 : " A. Exonération des livraisons de biens. / Sans préjudice d'autres dispositions communautaires et dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion ou abus éventuels, les Etats membres exonèrent : / a. les livraisons de biens, au sens de l'article 5, expédiés ou transportés, par le vendeur ou par l'acquéreur ou pour leur compte en dehors du territoire visé à l'article 3 mais à l'intérieur de la Communauté, effectuées pour un autre assujetti, ou pour une personne morale non assujettie, agissant en tant que tel dans un Etat membre autre que celui du départ de l'expédition ou du transport des biens (...) " ; qu'aux termes de l'article 262 ter du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions : " I. Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : / 1° Les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne à destination d'un autre assujetti ou d'une personne morale non assujettie (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée des livraisons intracommunautaires de biens est notamment subordonnée à la condition, d'une part, que l'acquéreur desdits biens soit assujetti à cette taxe ou ait la qualité de personne morale non assujettie et ne bénéficiant pas dans l'Etat membre dans lequel elle est établie d'un régime dérogatoire l'autorisant à ne pas soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée ses acquisitions intracommunautaires et, d'autre part, que le bien ait été expédié ou transporté hors de France par le vendeur, par l'acquéreur ou par un tiers pour leur compte, à destination d'un autre Etat membre ; que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération ; que, s'agissant de la réalité de la livraison d'une marchandise sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne, pour l'application des dispositions précitées de l'article 262 ter du code général des impôts, seul le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est en mesure de produire les documents afférents au transport de la marchandise, lorsqu'il l'a lui-même assuré, ou tout document de nature à justifier la livraison effective de la marchandise, lorsque le transport a été assuré par l'acquéreur ;
16. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 1740 ter du code général des impôts devenu l'alinéa 2 du I de l'article 1737 du même code à compter du 1er janvier 2006 qu'il appartient à l'administration, lorsqu'elle envisage de mettre en recouvrement une amende fiscale sur le fondement desdites dispositions, d'apporter la preuve que les faits retenus à l'encontre du redevable entrent bien dans les prévisions de ces articles ; que l'administration, qui a calculé, comme elle était en droit de le faire, le montant de l'amende en litige sur la base des dernières factures établies au nom des clients italiens Big Com, Gam Consult, Kite Tech, Lami SAS, Quadra SRL, Spaziotel, West Work, Axe SRL, Elephant Di Arzili, Fotomateriale, Link, SICE et Unitek, doit en établir le caractère fictif ;
17. Considérant que la société requérante a réalisé des opérations d'achats intracommunautaires de marchandises auprès de plusieurs entreprises italiennes et de l'entreprise autrichienne Agora Gmbh, suivies de livraisons des mêmes marchandises en exonération de taxe à destination de clients assujettis situés pour l'essentiel en Italie ; qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que la SARL Clitor Trading, qui n'employait aucun salarié, n'a disposé, durant la période en litige, d'abord que d'une simple domiciliation commerciale puis que d'un bureau ; que ces locaux ne lui permettaient pas d'exercer l'activité économique dont elle se prévalait et d'effectuer les opérations de manutention, de stockage et de conditionnement des marchandises qu'elle facturait à ses clients ; qu'en outre, il résulte également de l'instruction, d'une part, que le transport des marchandises était réalisé pour l'essentiel par l'entreprise italienne Torreggiani, et, d'autre part, que selon les informations obtenues de ce transporteur par les autorités italiennes dans le cadre de l'assistance internationale, les marchandises en cause n'étaient pas déchargées à Beausoleil et repartaient accompagnées des documents de transport, vers l'Italie ; que selon le même transporteur, le gérant de la société, M. A..., signait les documents de livraison puis lui soumettait ceux requis pour le voyage de retour qu'il endossait ; que, par ailleurs, diverses anomalies dans le suivi du transport des marchandises ont été constatées, tenant en particulier à l'absence de lettres de voiture dites " CMR " ou à des CMR irréguliers ; qu'en outre, le service a tiré des bases de données intracommunautaires qu'un seul des six fournisseurs de la requérante avait déclaré l'existence de livraisons intracommunautaires à destination de celle-ci ; que s'agissant des clients, il résulte de l'instruction que les sociétés Big Com, Brokers Union Srl, Elephant Di Arzili, SICE, Unitek et Spaziotel étaient soient fictives soient défaillantes et s'interposaient ainsi entre le fournisseur communautaire et les véritables clients des marchandises ; que, par ailleurs, la société requérante ne peut se prévaloir de l'existence de documents de transport de type CMR en ce qui concerne les sociétés Axe, Gam Consult, Lami SAS et Quadra ; que les documents de transport produits relatifs aux sociétés Fotomateriale et Link sont irréguliers ; qu'enfin, s'agissant des sociétés Kite Tech et West Work, il résulte des informations recueillies dans le cadre de l'assistance administrative que celles-ci réalisaient des opérations en boucle pour la première, impliquant cette société, une société tierce et la requérante, et que la seconde réglait les factures au moyen de chèques circulaires ; que l'ensemble de ces éléments est suffisant pour faire regarder l'administration comme démontrant que la société requérante facturait des livraisons intracommunautaires fictives et participait ainsi à un circuit frauduleux, la société Clitor Trading ne produisant, pour sa part, aucun élément de nature à établir la réalité des flux de marchandises dont elle se prévaut ; que dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration, compte-tenu du caractère fictif des factures qu'elle a retenues pour asseoir l'amende prévue par les articles 1740 ter et 1737 du code général des impôts, a mis à la charge de la SARL Clitor Trading l'amende en cause pour un montant total de 922 719 euros ;
18. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SCP Taddei-Ferrari-Funel, mandataire-liquidateur de la SARL Clitor Trading, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
19. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SCP Taddei-Ferrari-Funel, mandataire-liquidateur de la SARL Clitor Trading, est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCP Taddei-Ferrari-Funel et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction nationale des enquêtes fiscales.
Délibéré après l'audience du 1er septembre 2015, où siégeaient :
- M. Cherrier, président de chambre,
- M. Martin, président assesseur,
- Mme Chenal-Peter, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 22 septembre 2015.
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N° 13MA02855