Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision implicite née sur sa demande indemnitaire du 25 octobre 2011 ainsi que la décision en date du 27 février 2012 par laquelle le président du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Var a expressément rejeté ladite demande, de condamner le centre de gestion à lui verser une somme de 73 340 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait, d'une part, d'un harcèlement moral et, d'autre part, de la nomination illégale de Mme B... et de mettre à la charge dudit centre le paiement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1200472 en date du 10 janvier 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulon a rejeté comme étant irrecevables les conclusions aux fins d'annulation précitées, condamné le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Var à verser à M. A... la somme de 15 000 euros et mis à la charge du centre de gestion le paiement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 mars 2014 et mémoires enregistrés le 4 septembre 2015 et le 11 septembre 2015, le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Var, représenté par Me E...G..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement précité en date du 10 janvier 2014 ;
2°) de rejeter les conclusions de M. A... ;
3°) de mettre à la charge de M. A... le paiement de la somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient :
- que le jugement est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé, que le tribunal a omis de communiquer un moyen d'ordre public, a statué ultra-petita et que le litige relevait de la compétence d'une formation collégiale ;
- que les premiers juges ont inexactement apprécié les faits de l'espèce en estimant que M. A... avait été victime d'un harcèlement moral ;
- qu'il n'existe pas de lien de causalité direct et certain entre la faute commise par le centre de gestion s'agissant de la carrière de Mme B... et le préjudice de carrière allégué par M. A... ; que celui-ci n'a pas perdu de chance sérieuse d'occuper l'emploi fonctionnel de directeur général adjoint ;
Par mémoires enregistrés les 23 septembre 2014 et 9 septembre 2015, M. A..., représenté par Me F...D..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement précité ;
2°) de condamner le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Var à lui verser la somme globale de 73 340 euros en réparation de ses préjudices moral et de carrière ;
3°) de mettre à la charge du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Var le paiement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que le jugement est régulier et que les moyens de la requête sont infondés ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 87-1101 du 30 décembre 1987 modifié ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vincent-Dominguez,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me G...représentant le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Var et de Me D...représentant M. A....
Une note en délibéré présentée par Me D...pour M. A...a été enregistrée le
16 septembre 2015.
1. Considérant que M. A... exerçait les fonctions de directeur territorial au sein du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Var ; qu'il a été placé en congé de longue durée du 20 mars 2007 au 19 mars 2012 ; que, par une lettre en date du 25 octobre 2011, il a présenté une demande tendant à la réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait, d'une part, d'un harcèlement moral et, d'autre part, du déroulement illégal de la carrière de Mme B... ; qu'un refus implicite puis explicite a été opposé à sa demande ; que, par un jugement en date du 10 janvier 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulon a, après avoir jugé irrecevables les conclusions aux fins d'annulation des décisions de refus d'indemnisation, condamné le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Var à verser à M. A... la somme globale de 15 000 euros en réparation d'un préjudice moral et d'un préjudice de carrière ; que le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Var interjette appel de ce jugement ; que M. A... forme, pour sa part, un appel incident ;
Sur le harcèlement moral :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) " ; que ces dispositions ont procédé à la transposition pour la fonction publique des dispositions relatives à la lutte contre le harcèlement de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;
3. Considérant, d'une part, qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
4. Considérant, d'autre part, que, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;
5. Considérant, en premier lieu, que s'il ressort des pièces du dossier que, par une lettre en date du 19 mai 2005, le président du centre de gestion a vertement critiqué un document établi par M. A... intitulé " le service emploi public et les fonctions de M. A... C...confrontées à l'évolution du centre de gestion à compter de janvier 2004 " dans lequel il était fait allusion, sur un ton extrêmement critique, à un certain nombre de dysfonctionnements, il ne ressort en revanche pas desdites pièces que l'intéressé aurait fait l'objet, comme il le soutient, d'un dénigrement systématique dans l'exercice de ses fonctions ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que s'il est exact qu'à compter de janvier 2001, le service des concours que dirigeait M. A... a, pour les besoins du service à la suite de la perte de copies d'un concours externe, été divisé en deux entités dont celle des " missions additionnelles " dont la direction lui a été confiée, il résulte de l'instruction que ce service s'est vu confier de nombreuses attributions telles que la bourse de l'emploi, la déclaration des créations et vacances d'emplois, le reclassement des agents pris en charge, le remplacement, l'aide technique au recrutement, le droit syndical, le suivi des contrats de groupe, la gestion prévisionnelle de l'emploi public, le plan de formation, l'action sociale et la médecine professionnelle ; que le bilan de l'activité dudit service dressé par M. A... au titre de l'année 2004 fait d'ailleurs état d'une activité importante ; que, par suite, il n'est pas établi, en dépit de la scission du service des concours, que M. A... aurait été, ainsi qu'il le soutient, " placardisé " ;
7. Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que le président du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Var n'ait pas proposé de médiation à la suite des deux rapports dressés par M. A... n'est pas, à elle seule, de nature à caractériser l'existence d'un harcèlement moral à son égard ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, à supposer même que les maladies dont est atteint M. A... soient en lien avec son activité professionnelle, que celui-ci n'apporte pas suffisamment d'éléments permettant de présumer qu'elles seraient la résultante d'un harcèlement moral à son égard au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 ; que, par suite, le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Var est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulon l'a condamné à verser M. A... la somme de 10 000 euros en réparation d'un préjudice moral consécutif à un harcèlement moral ;
Sur l'illégalité du recrutement de Mme B... ;
9. Considérant que s'il est constant que l'intégration de Mme B... dans le cadre d'emplois des attachés territoriaux par arrêté du 8 juin 2009, à une date où M. A... était, au demeurant, déjà en congé de maladie depuis plus de deux ans, a été définitivement annulée par le Conseil d'Etat par arrêt en date du 24 avril 2013 et que M. A..., en sa qualité de directeur territorial, remplissait les critères posés par l'article 6 du décret susvisé du 30 décembre 1987 portant dispositions statutaires particulières à certains emplois administratifs de direction des collectivités territoriales et des établissements publics locaux assimilés, tel que modifié par décret n° 2005-12 du 6 janvier 2005, pour occuper un emploi fonctionnel de directeur général adjoint au sein du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Var, assimilé à une commune de 150 000 à 400 000 habitants, il n'est cependant pas établi, par les pièces du dossier qui révèlent, au contraire, qu'il n'a jamais été dans l'intention du président du centre de gestion de la fonction publique territoriale de le détacher sur un tel emploi fonctionnel, qu'il aurait, même si Mme B... n'avait pas de fait occupé un emploi de directeur général adjoint, perdu une chance sérieuse d'occuper ledit emploi ;
10. Considérant qu'il suit de là que le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Var est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulon l'a condamné à verser à M. A... la somme de 5 000 euros en réparation d'un préjudice de carrière ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, qu'il y a lieu de l'annuler et de rejeter les conclusions indemnitaires présentées par M. A... ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
13. Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Var, qui n'est pas la partie perdante, le paiement de la somme demandée par M. A... ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le paiement de la somme demandée par le centre de gestion requérant en application desdites dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1200472 rendu le 10 janvier 2014 par le tribunal administratif de Toulon est annulé.
Article 2 : Les conclusions de M. A... sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Var en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au centre de gestion de la fonction publique territoriale du Var.
Délibéré après l'audience du 15 septembre 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Gonzales, président de chambre,
- M. Renouf, président assesseur,
- Mme Vincent-Dominguez, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 octobre 2015.
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N° 14MA011622