Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...épouse D...a saisi le tribunal administratif de Nice le 9 février 2015 d'une requête tendant à l'annulation de la décision du 15 décembre 2014 par laquelle la directrice de l'EHPAD La Fontouna l'a changée de poste et à la condamnation de ce dernier à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance n° 1500639 du 20 février 2015, le président de la troisième chambre du tribunal administratif de Nice a rejeté la requête de Mme D...comme étant irrecevable.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 14 avril et 1er septembre 2015, Mme D..., représentée par MeF..., demande, à titre principal, à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du tribunal administratif de Nice du 20 février 2015 ;
2°) de renvoyer l'affaire au tribunal administratif de Nice pour qu'il statue sur le fond de la requête ;
3°) de condamner l'EHPAD La Fontouna à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
A titre subsidiaire d'annuler la décision du 15 décembre 2014 par laquelle la directrice de l'EHPAD La Fontouna l'a changée de poste.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable compte tenu des répercussions induites sur ses responsabilités par les nouvelles tâches qui lui ont été confiées ;
- la fiche de poste du 15 décembre 2014 constitue une décision unilatérale de changement de cadre d'emplois lui faisant grief et est par conséquent susceptible d'un recours en excès de pouvoir ;
- l'EHPAD doit apporter la preuve de la compétence du signataire de l'acte ;
- la décision de changement d'affectation est entachée d'un défaut de motivation ;
- le changement d'affectation a été opéré en méconnaissance des garanties procédurales applicables ;
- la décision de changement d'affectation opère un changement de corps irrégulier ;
- la décision attaquée constitue une sanction déguisée.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 août, 10 septembre et 14 septembre 2015, l'EHPAD La Fontouna, représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête, à ce que la Cour écarte des débats les propos injurieux et diffamatoires contenus dans les attestations produites et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme D...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable, la décision attaquée ne faisant pas grief à l'intéressée ;
- la décision contestée n'avait pas à être motivée ;
- elle ne constitue en rien une sanction déguisée.
Vu :
- l'ordonnance attaquée ;
- les autres pièces du dossier ;
- le décret n° 2006-1690 du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints administratifs territoriaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pena,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de MeE..., substituant MeC..., représentant l'EHPAD La Fontouna.
1. Considérant que Mme D...a été nommée par un arrêté du 1er février 2013 au grade d'adjoint administratif 1ère classe du cadre d'emplois adjoints administratifs territoriaux à l'EHPAD de La Fontouna ; qu'à la suite du changement de direction de l'établissement et de difficultés relationnelles avec la nouvelle direction, Mme D...a été placée en congé de longue maladie à compter du 10 novembre 2013 ; qu'en vue de son retour à son poste au sein de l'établissement Mme D...a sollicité son placement en mi-temps thérapeutique pour lequel le comité médical a rendu un avis favorable ; qu'à son retour de congé maladie la directrice de l'établissement lui a communiqué une nouvelle fiche de poste prenant en compte ce passage à mi-temps et l'affectant désormais au poste d'" hôtesse de maison " ; que Mme D...a saisi le tribunal administratif de Nice d'un recours en annulation contre cette décision de changement d'affectation ; qu'ayant rejeté son recours comme irrecevable par une ordonnance du 20 février 2015, Mme D...fait appel de ladite ordonnance devant la Cour ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret n° 2006-1690 précité : " I. - Les adjoints administratifs territoriaux sont chargés de tâches administratives d'exécution, qui supposent la connaissance et comportent l'application de règles administratives et comptables. Ils peuvent être chargés d'effectuer divers travaux de bureautique et être affectés à l'utilisation des matériels de télécommunication. Ils peuvent être chargés d'effectuer des enquêtes administratives et d'établir des rapports nécessaires à l'instruction de dossiers. Ils peuvent être chargés de placer les usagers d'emplacements publics, de calculer et de percevoir le montant des redevances exigibles de ces usagers. II. - Lorsqu'ils relèvent des grades d'avancement, les adjoints administratifs territoriaux assurent plus particulièrement les fonctions d'accueil et les travaux de guichet, la correspondance administrative et les travaux de comptabilité. Ils peuvent participer à la mise en oeuvre de l'action de la collectivité dans les domaines économique, social, culturel et sportif. Ils peuvent être chargés de la constitution, de la mise à jour et de l'exploitation de la documentation ainsi que de travaux d'ordre. Ils peuvent centraliser les redevances exigibles des usagers et en assurer eux-mêmes la perception. Ils peuvent être chargés d'assurer la bonne utilisation des matériels de télécommunication. Ils peuvent être chargés du secrétariat de mairie dans une commune de moins de 2 000 habitants. Ils peuvent se voir confier la coordination de l'activité d'adjoints administratifs territoriaux du premier grade. " ;
3. Considérant que pour rejeter la requête de Mme D...comme irrecevable le tribunal administratif de Nice a considéré que celle-ci était dirigée contre la fiche de poste du 15 décembre 2014, laquelle ne constituait pas une décision administrative faisant grief susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que, cependant, d'une part, cette fiche de poste matérialise un passage d'un emploi à temps plein à un emploi à temps-partiel, d'autre part, confie à l'intéressée de nouvelles missions telles que l'aide au repas et aux gestes de la vie quotidienne des résidents de l'établissement, l'animation et le développement des relations avec les résidents qui n'entrent pas dans les attributions inhérentes à son cadre d'emplois ; qu'ainsi, cette fiche de poste doit être regardée comme révélant une décision affectant substantiellement les responsabilités de la requérante et sa situation administrative, dont elle est de ce fait recevable à demander l'annulation ;
4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler l'ordonnance attaquée et de faire droit aux conclusions principales de la requérante tendant au renvoi de l'affaire devant le tribunal administratif de Nice ;
Sur les conclusions de l'EHPAD La Fontouna tendant à l'application de l'article
L. 741-2 du code de justice administrative :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-2 du code de justice administrative : " Sont (...) applicables les dispositions des alinéas 3 à 5 de l'article 41 de la loi du
29 juillet 1881 ci-après reproduites : " Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte-rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux. Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages et intérêts. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 741-3 du même code : " Si des dommages-intérêts sont réclamés à raison des discours et des écrits d'une partie ou de son défenseur, la juridiction réserve l'action, pour qu'il y soit statué ultérieurement par le tribunal compétent, conformément au cinquième alinéa de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ci-dessus reproduit. Il en est de même si, outre les injonctions que la juridiction peut adresser aux avocats et aux officiers ministériels en cause, elle estime qu'il peut y avoir lieu à une autre peine disciplinaire. " ;
6. Considérant que les passages dont la suppression est demandée n'excèdent pas les limites de la controverse entre parties dans le cadre d'une procédure contentieuse et ne présentent pas un caractère outrageant ou diffamatoire ; que, par suite, l' EHPAD La Fontouna n'est fondé ni à en demander la suppression ni à solliciter le bénéfice des dispositions de l'article L. 741-2 du code de justice administrative ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeD..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l' EHPAD La Fontouna demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l' EHPAD La Fontouna une somme de 2 000 euros à verser à Mme D...au titre de ces mêmes frais ;
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 1500639 du 20 février 2015 du tribunal administratif de Nice est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Nice.
Article 3 : Les conclusions de l'EHPAD La Fontouna présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 741-2 et de L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : L'EHPAD La Fontouna est condamné à verser à Mme D...la somme de 2 000 euros (deux mille euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...épouse D...et à l'EHPAD
La Fontouna.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Gonzales, président de chambre,
- M. Renouf, président assesseur,
- Mme Péna, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 novembre 2015.
''
''
''
''
N° 15MA015272