Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... D...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 23 juin 2010, par lequel le maire de Torreilles a délivré à la société Vandoren le permis de construire un hangar agricole.
Par un jugement n° 1103066 du 8 novembre 2013, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 2 janvier 2014, et complétée par mémoire, enregistré le 10 juin 2015, Mme D..., représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 8 novembre 2013 ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Torreilles la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande n'est pas tardive, car les attestations versées au dossier émanent de personnes ayant un lien avec les défendeurs et ne donnent pas de renseignements permettant de conclure que l'affichage aurait été effectué selon les exigences requises par les dispositions applicables ; elle justifie, par ailleurs, d'une qualité lui conférant un intérêt à agir à l'encontre du permis contesté, compte tenu de la distance et de l'importance du hangar projeté ;
- contrairement à ce qu'ont affirmé les premiers juges, c'est la réclamation qu'elle a déposée auprès du service des installations classées qui a contraint la société Vandoren à déclarer son installation ; le volume déclaré dans la note de calcul exigée par l'inspecteur des installations classées est identique à celui provenant de la superficie déclarée dans la demande de permis de construire ; la société aurait donc dû déclarer l'installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) ; ce vice ne peut qu'entraîner l'annulation du permis de construire délivré, dès lors que le plan d'occupation des sols (POS) n'autorise pas l'activité industrielle qui est celle poursuivie par la société ;
- si le plan de prévention des risques naturels (PPR) s'est substitué au plan des surfaces submersibles (PSS), le bâtiment, implanté sur un terrain en risque faible mais entouré sur trois côtés de secteurs en risques moyen et fort, ne pouvait être construit en zone inondable au regard du règlement dudit PPR ;
- elle subit de fortes nuisances de la part de la pétitionnaire qui ne respecte pas le droit de l'environnement;
- aucun sursis à statuer sur le fondement de l'article L. 600-5-1 n'est susceptible d'être accordé par la Cour, dès lors que ces dispositions ne peuvent s'appliquer aux procédures engagées avant leur entrée en vigueur et que le bâtiment ne peut être régularisé au regard du PPR.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2014, et complété par mémoires, enregistrés le 6 novembre 2014 et le 9 juillet 2015, la société Vandoren, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce que la Cour sursoie à statuer sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et à ce que soit mise à la charge de l'appelante la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.
Elle soutient que :
- la demande était irrecevable pour tardiveté et pour défaut d'intérêt à agir ;
- le stockage prévu soumettait la demande de permis de construire à déclaration, et non à autorisation, dès lors qu'il était supérieur à 1 000 m3 et inférieur ou égal à 20 000 m3 ; en l'espèce, à la date de délivrance du permis de construire, le stockage était inférieur à 1 000 m3 et seule l'augmentation des besoins a conduit à faire la déclaration du 15 avril 2013 conformément aux dispositions de l'article R. 512-17 du code de l'environnement ; le moyen est inopérant car l'application de la législation sur les installations classées est conditionnée par le type d'activité ou les substances utilisées et non par la nature ou les caractéristiques des infrastructures ; elle n'aurait eu aucun intérêt à minimiser la quantité stockée puisque la préfecture avait compétence liée pour lui délivrer le récépissé de déclaration ; au surplus, les ICPE ne sont pas interdites par le plan local d'urbanisme dans la zone concernée ;
- les éventuels troubles inhérents à l'activité n'ont pas de rapport avec le permis de construire délivré ;
- la construction du hangar sur la partie nord du terrain ne méconnaît pas les dispositions du PPR, car la culture des roseaux est une activité agricole ;
- si, par extraordinaire, la Cour constatait une illégalité, un sursis devrait être accordé pour permettre la régularisation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2014, et complété par mémoire enregistré le 2 juillet 2015, la commune de Torreilles, représentée par son maire et la société civile professionnelle d'avocats HGetC, conclut :
1°) à titre principal au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire à ce qu'il soit sursis à statuer conformément à l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;
3°) en tout état de cause, à ce que soit mise à la charge de l'appelante la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande était irrecevable pour tardiveté d'une part, pour absence d'intérêt à agir de Mme D... d'autre part ;
- les éléments relatifs à la capacité de stockage ne résultent que des conditions d'exploitation des bâtiments autorisés par le permis de construire, et n'ont pas à figurer dans le dossier de demande; seules les informations demandées en décembre 2012 par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) ont permis d'estimer que le dépôt d'une déclaration ICPE était nécessaire ; le dossier de demande de permis de construire était complet à la date de son dépôt et n'avait pas à comporter la pièce complémentaire prévue à l'article R. 431-20 du code de l'urbanisme ; en tout état de cause, à titre subsidiaire, le défaut de cette pièce ne suffirait pas à entraîner l'annulation du permis de construire délivré, en vertu de la jurisprudence Danthony ;
- le moyen tiré de la violation de l'article R. 425-21 du code de l'urbanisme est inopérant dès lors que le territoire communal est couvert par un plan de prévention des risques (PPR) approuvé en 2009, qui a remplacé l'ancien plan de surfaces submersibles (PSS) ; au demeurant, le service départemental des risques, consulté dans le cadre de l'instruction de la demande, a rendu un avis favorable le 2 juin 2010 ; par ailleurs, le PPR n'interdit pas le bâtiment en litige, qui est lié à l'activité agricole ;
- le moyen tiré du non-respect du droit de l'environnement est inopérant ;
- si, par extraordinaire, la Cour estimait la décision entachée d'un vice, elle surseoirait à statuer dans l'attente de sa régularisation.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- l'ordonnance du 2 juillet 2015 fixant, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction au 30 juillet 2015.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Busidan,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me C...représentant la commune de Torreilles et de Me E... représentant la société Vandoren.
Une note en délibéré présentée pour Mme D... a été enregistrée le 26 octobre 2015.
1. Considérant que Mme D... relève appel du jugement rendu le 8 novembre 2013 par le tribunal administratif de Montpellier, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 juin 2010, par lequel le maire de Torreilles a délivré à la société Vandoren le permis de construire un hangar agricole ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Considérant, en premier lieu, que les attestations versées par la pétitionnaire n'établissent ni que l'affichage du permis de construire aurait été effectué sur un panneau ayant les dimensions et les mentions requises par les articles A. 424-15 et A. 424-16 du code de l'urbanisme, ni que cet affichage aurait eu lieu deux mois en continu conformément aux exigences de l'article R. 600-2 du même code ;
3. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la construction autorisée par le permis de construire en litige développe une surface hors oeuvre brute de plus de 4 000 m² et se situe à une distance de 200 mètres environ de l'habitation de Mme D..., à partir de laquelle elle est visible en partie ; que, compte tenu de l'importance de cette construction et de sa localisation dans un environnement presqu'exclusivement agricole, Mme D..., en sa qualité de propriétaire voisine, justifie d'une qualité lui donnant intérêt pour agir contre le permis de construire en litige ;
4. Considérant que, par suite, les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance par la commune de Torreilles et la société Vandoren, tirées de la tardiveté de la demande et du défaut d'intérêt pour agir de Mme D..., doivent être écartées ;
Sur les conclusions en annulation :
5. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 431-20 du code de l'urbanisme : " Lorsque les travaux projetés portent sur une installation classée soumise à autorisation, enregistrement ou déclaration en application des articles L. 512-1, L. 512-7 et L. 512-8 du code de l'environnement, la demande de permis de construire doit être accompagnée de la justification du dépôt de la demande d'autorisation de la demande d'enregistrement ou de la déclaration. " ;
6. Considérant, d'autre part, que le hangar autorisé par le permis de construire en litige est destiné, en partie, au stockage et au séchage des roseaux, ou cannes de Provence, que la société Vandoren fait pousser en vue de les transformer ultérieurement en anches et becs pour instruments de musique ; que la nomenclature des installations classées, dans sa rubrique n° 1532, soumet ce type de dépôt à autorisation lorsque le volume stocké est supérieur à 50 000 m³, à enregistrement lorsque ce volume est supérieur à 20 000 m³ et inférieur ou égal à 50 000 m³, et à déclaration lorsqu'il est supérieur à 1 000 m³ et inférieur ou égal à 20 000 m³ ; que la notice de présentation, jointe à la demande du permis de construire en litige, explique que neuf des travées du futur hangar seront destinées au stockage des roseaux, que chaque travée fait 7,5 mètres de longueur, que les cannes seront entreposées dans chaque travée sur 3 rangées et 4 hauteurs par ballots mesurant chacun 2,2m x 1, 1m x 1,75 m ; qu'il ressort ainsi de ces indications que la construction autorisée est destinée à permettre le stockage d'un volume de cannes d'au moins 1 372 m³ ; que, par suite, ce seul constat devait conduire la pétitionnaire, en application de l'article R. 431-20 du code précité, à joindre à sa demande de permis de construire la justification du dépôt d'une demande de déclaration auprès de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) ; qu'au surplus, en se bornant à verser au dossier un rapport de visite d'inspection de cette administration indiquant qu'après une visite inopinée du site le 26 novembre 2012, le contrôleur a fait état d'un doute sur la capacité maximale de stockage du hangar et qu'au vu des éléments complémentaires transmis par l'exploitante, la DREAL a confirmé le 10 janvier 2012 la soumission de l'installation au régime de la déclaration, la société Vandoren n'établit pas, comme elle l'allègue, que le volume nécessitant une déclaration, qu'elle a déclaré pour la première fois en avril 2013 à hauteur de 1 570 m³, n'aurait pas été atteint dans les premiers temps d'utilisation de la construction autorisée ; que, dans ces conditions, et alors qu'il est constant que la demande de permis de construire ne comprenait pas le justificatif exigé par les dispositions précitées, Mme D... est fondée à soutenir qu'en raison du caractère incomplet du dossier de demande de permis de construire, le permis de construire en litige, lequel est ainsi entaché d'une illégalité interne et non d'un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable suivie à titre obligatoire ou facultatif, est illégal ;
7. Considérant que, pour l'application des dispositions de L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, les autres moyens invoqués par la requérante n'apparaissent pas de nature à fonder l'annulation du permis de construire en litige ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande, et à obtenir l'annulation de ce jugement et de l'arrêté du 23 juin 2010 portant délivrance par le maire de Torreilles à la société Vandoren d'un permis de construire ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. " ; qu'un permis modificatif susceptible de régulariser le vice dont est entaché le permis de construire initial ne peut être délivré que si, d'une part, les travaux autorisés par le permis initial ne sont pas achevés - sans que la partie intéressée ait à établir devant le juge l'absence d'achèvement de la construction ou que celui-ci soit tenu de procéder à une mesure d'instruction en ce sens - et si, d'autre part, les modifications apportées au projet initial pour remédier au vice d'illégalité ne peuvent être regardées, par leur nature ou leur ampleur, comme remettant en cause sa conception générale ;
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport de visite d'inspection sus-évoqué, que la construction objet du permis de construire en litige est achevée ; que, dans ces conditions, les conclusions présentées par la commune de Torreilles et par la pétitionnaire, tendant à l'application des dispositions précitées, ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens :
11. Considérant qu'aucun dépens n'ayant été exposé au cours de la présente instance, les conclusions de la société Vandoren portant sur la charge de ces dépens ne peuvent qu'être rejetées ;
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes que la commune de Torreilles et la société Vandoren demandent sur leur fondement au titre de leurs frais non compris dans les dépens, soient mises à la charge de l'appelante qui n'est, dans la présente instance, ni tenue aux dépens, ni partie perdante ; que, dans les circonstances de l'espèce et sur le fondement des mêmes dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Torreilles une somme de 2 000 euros à verser à ce titre à Mme D... ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement rendu le 8 novembre 2013 par le tribunal administratif de Montpellier et l'arrêté du 23 juin 2010 portant délivrance par le maire de Torreilles à la société Vandoren d'un permis de construire sont annulés.
Article 2 : La commune de Torreilles versera à Mme D... une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Torreilles sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société Vandoren sur le fondement des dispositions des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D..., à la commune de Torreilles et à la société Vandoren.
Copie en sera adressée au Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Perpignan.
Délibéré après l'audience du 23 octobre 2015, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme Busidan, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 13 novembre 2015.
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N° 14MA00072