Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Lauret à leur verser une somme de 727 636 euros, portant intérêt légal à compter du 26 avril 2012, en réparation de leurs préjudices subis du fait des agissements du maire de ladite collectivité.
Par un jugement n° 1203771 du 20 mars 2014, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la commune de Lauret à verser à M. et Mme A... une somme de 8 000 euros.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 mai 2014, M. D... A...et Mme E... épouseA..., représentés par Me B..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 mars 2014 dans la mesure où il a limité la condamnation de la commune de Lauret à 8 000 euros ;
2°) de porter à 727 636 euros le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de la commune de Lauret ;
3°) de mettre à la charge de le commune de Lauret une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les agissements du maire de la commune de Lauret sont constitutives de manoeuvres ayant visé à décourager les éventuels acheteurs du terrain ;
- leurs préjudices, du fait des agissements fautifs de la commune, sont constitués par l'acquisition à perte de leur terrain pour un montant de 178 000 euros, les frais de notaire de 9 800 euros afférents à cette vente, les frais financiers de 247 802,80 euros occasionnés par le prêt contracté pour cette acquisition, l'acquisition à perte des matériaux de construction de leur maison d'habitation, le défrichement à perte de leur terrain, la réalisation à perte d'une étude du sol relative à la construction d'une maison sur ce terrain, la perte de chance de réaliser une plus-value de 200 000 euros sur ce terrain et un préjudice moral de 20 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2015, la commune de Lauret, représentée par la SCP Margall d'Albenas, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des requérants du versement d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête sont infondés.
Par un courrier du 6 juillet 2015, adressé en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les parties ont été informées de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et de la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
L'ordonnance du 2 novembre 2015 a prononcé la clôture de l'instruction à la date de son émission, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
M. et Mme A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille du 18 juin 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme,
- le code des procédures civiles d'exécution,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport M. Argoud,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me B... pour M. et Mme A... et celles de Me C... pour la commune de Lauret.
1. Considérant que les requérants relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 mars 2014 ayant condamné la commune de Lauret à leur verser une somme de 8 000 euros en réparation du préjudice qu'ils ont subi du fait de décisions d'occupation du sol illégales prises par le maire à leur encontre en tant que, par ce jugement, le tribunal a limité cette condamnation à ce montant et en tant qu'il a rejeté leur demande fondée sur la faute qui résulterait des manoeuvres du maire pour faire obstacle à l'opération qu'ils avaient envisagée sur leur terrain ;
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne le principe de la responsabilité :
2. Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les deux sursis à statuer opposés illégalement par le maire le 29 décembre 2009 et le 15 février 2010 à leur demande de permis de construire et à leur demande de division foncière et le refus de cette même autorité de leur délivrer en 2011 un certificat de permis de construire tacite, ne révèlent pas, par eux-mêmes, une volonté du maire de faire obstacle à leurs projets de construction et de division foncière ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction, et notamment des écritures en défense de la commune, qui ne sont pas contredites sur ce point par les requérants, que le maire n'a commis aucune manoeuvre mais, d'une part, a seulement exposé certaines réserves quant à la faisabilité de projets de grande envergure tels que la réalisation de lotissements de plusieurs lots comportant la réalisation de systèmes d'assainissement individuels, en considération de la configuration du terrain d'assiette en très forte pente et d'autre part, n'a d'ailleurs tiré aucune conséquence particulière de l'annulation du permis de construire prononcée par le tribunal administratif sur les opérations de construction déjà initiées par les intéressés ;
3. Considérant que les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu, comme seul fondement de la responsabilité de la commune de Lauret, l'illégalité des décisions d'occupation du sol susmentionnées ;
En ce qui concerne les préjudices et le lien de causalité :
4. Considérant, en premier lieu, que les requérants invoquent un ensemble de préjudices résultant des dépenses qu'ils ont effectuées pour l'acquisition de leur terrain pour un montant de 178 000 euros, pour les frais de notaire de 9 800 euros afférents à cette vente, pour les frais financiers de 247 802,80 euros occasionnés par le prêt contracté pour cette acquisition, pour l'acquisition des matériaux de construction de leur maison d'habitation, pour le défrichement de leur terrain, pour la réalisation d'une étude du sol relative à la construction d'une maison sur ce terrain, pour la perte de chance de réaliser une plus-value de 200 000 euros sur ce terrain, pour un préjudice moral de 20 000 euros ; qu'ils font valoir que ces dépenses correspondent au préjudice qu'ils ont subi en l'absence de réalisation de la revente de leur bien ; que le préjudice ainsi invoqué consiste, donc, dans la perte de chance, pour eux, de réaliser une plus-value qui correspond à la différence, entre les dépenses réalisées pour acquérir ce bien et le mettre dans l'état dans lequel il a été proposé à la vente, et le prix de vente qui leur aurait été versé si l'opération avait eu lieu ; qu'ils doivent être regardés comme demandant la réparation de ces préjudices ;
5. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que les deux ventes, dont les requérants imputent l'échec aux décisions opposés illégalement par la commune à leur projet antérieur, concernent, pour le premier, un projet de construction de douze villas et une piscine, et, pour le second, un permis d'aménager portant sur un lotissement de six lots comprenant une voie de circulation et une aire de retournement ; que, toutefois, d'une part, l'ampleur de ces projets dépasse très largement celle du projet de construction d'une maison individuelle ayant fait l'objet des décisions illégales ; que, d'autre part, lesdites décisions n'ont pas fait obstacle à la réalisation de leur habitation par les intéressés mais ont seulement retardé l'obtention d'un permis de construire pour la construction édifiée ; qu'enfin, à la date de signature des contrats de vente sous condition suspensive, le terrain d'assiette avait fait l'objet de la délivrance d'un certificat d'urbanisme et d'un certificat d'urbanisme pré-opérationnel déclarant réalisable la construction d'une maison individuelle ; que, compte tenu de ces circonstances, il n'est pas démontré que les décisions illégales invoquées seraient la cause directe de l'absence de réalisation des deux projets de vente dont il s'agit ;
6. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que ces deux projets de vente étaient suspendus à la réalisation d'une condition relative au dépôt, par les acquéreurs, d'une demande d'autorisation d'urbanisme et que l'abandon de ces projets, consécutif à l'absence de réalisation de cette condition, est donc directement imputable aux acquéreurs ; qu'en outre, il résulte également de l'instruction, s'agissant de la première de ces deux ventes, conclue le 9 octobre 2010, que le défaut de dépôt d'une telle autorisation d'urbanisme était sanctionné par une clause pénale imposant à l'acquéreur le versement d'une somme de 10 000 euros, que les requérants n'ont pas mis en oeuvre ;
7. Considérant, en outre, que l'article L. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution dispose que : " L'acte de saisie rend l'immeuble indisponible " ; qu'il résulte de l'instruction que, premièrement, l'expiration du délai de régularisation de la seconde vente sous condition suspensive dont se prévalent les requérants, est postérieure à l'acte de saisie ayant initié la procédure au terme de laquelle l'immeuble des requérants a été vendu aux enchères ; que, deuxièmement, la connaissance par le second acquéreur potentiel d'une opposition du maire à la réalisation de son projet sur ce terrain, ne résulte pas de la connaissance qu'il aurait pu avoir des refus illégaux, antérieurement opposés aux requérants par cette autorité, mais lui a été révélée, par un courrier du maire du 10 août 2011, dans lequel cette autorité a exposé les raisons tenant à la topographie du terrain et à son exposition en zone rouge pour l'assainissement et les risques hydrauliques pour lesquelles il ne lui apparaissait pas raisonnable de poursuivre le projet de lotissement envisagé ; que, par suite, l'absence de réalisation de cette vente ne peut pas être regardée comme la conséquence des décisions illégales précédemment évoquées ;
8. Considérant, ainsi, que les préjudices, résultant pour les requérants de la vente par adjudication de leur bien, sont sans lien avec les illégalités entachant les décisions relatives à l'occupation du sol prises par le maire de Lauret à leur encontre ; qu'ils ne sont donc pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté leur demande tendant à l'indemnisation de ces préjudices ;
9. Considérant, en second lieu, s'agissant du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence des requérants, que ceux-ci, ne formulant aucune critique sur l'appréciation portée par les premiers juges sur ces chefs de préjudice et n'apportant ainsi aucun élément de nature à la remettre en cause, ne sont donc pas non plus fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges les ont évalués à 8 000 euros ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise sur leur fondement à la charge de la commune de Lauret , qui n'est ni la partie perdante ni la partie tenue aux dépens à la présente instance, au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre, sur le même fondement, à la charge des requérants, une somme au titre des frais exposés par la commune et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Lauret sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à Mme E... épouse A...et à la commune de Lauret.
Délibéré après l'audience du 4 décembre 2015, à laquelle siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président assesseur,
- M. Argoud, premier conseiller,
Lu en audience publique du 21 décembre 2015.
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N° 14MA02193