Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...a demandé au Tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2014 par lequel la préfète des Pyrénées-Orientales lui a fait obligation de quitter le territoire français, ne lui a pas accordé de délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a décidé de le placer en rétention administrative.
Par un jugement n° 1404501 du 29 septembre 2014, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 30 septembre 2014, M.B..., représenté par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 29 septembre 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté querellé est insuffisamment motivé ;
- il bénéficiait d'un droit au séjour permanent dans les états de l'Union européenne en application des dispositions de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, dans la mesure où il est à la charge de ses parents qui ont acquis la nationalité espagnole et qui résident depuis de nombreuses années en Espagne ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que l'ensemble de ses attaches familiales se situent en Espagne et non en Colombie ;
- la décision fixant le pays de destination porte une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2015, la préfète des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le traité sur l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil, du 15 mars 2001 ;
- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres ;
- le règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du
15 mars 2006, modifié par le règlement (UE) n° 610/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
M. Guidal, président, a été entendu en son rapport au cours de l'audience publique :
1. Considérant que par un arrêté en date du 24 septembre 2014, la préfète des Pyrénées-Orientales a fait obligation à M.B..., ressortissant colombien né le 12 février 1988, entré en France en provenance d'Espagne, de quitter sans délai le territoire français, et a décidé de le placer en centre de rétention administrative dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement à destination de la Colombie ; que par un jugement, en date du 29 septembre 2014, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montpellier a rejeté le recours de l'intéressé contre cet arrêté ; que M. B...relève appel de ce jugement ;
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 5 du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) : " 1. Pour un séjour n'excédant pas trois mois sur une période de six mois, les conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes :/ a) être en possession d'un document ou de documents de voyage en cours de validité permettant le franchissement de la frontière ;/ b) être en possession d'un visa en cours de validité si celui-ci est requis en vertu du règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation, sauf s'ils sont titulaires d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 2 (" Définitions ") du même règlement : " Aux fins du présent règlement on entend par : (...) 15) "titre de séjour":/ a) tous les titres de séjour délivrés par les États membres selon le format uniforme prévu par le règlement (CE) no 1030/2002 du Conseil du 13 juin 2002 établissant un modèle uniforme de titre de séjour pour les ressortissants de pays tiers ;/ b) tous les autres documents délivrés par un État membre aux ressortissants de pays tiers et leur autorisant le séjour ou le retour sur son territoire, à l'exception des titres temporaires délivrés au cours de l'examen d'une première demande de titre de séjour tel que visé au point a) ou au cours de l'examen d'une demande d'asile " ; qu'enfin, aux termes de l'article 13 de ce même règlement : " 1. L'entrée sur le territoire des États membres est refusée au ressortissant de pays tiers qui ne remplit pas l'ensemble des conditions d'entrée, telles qu'énoncées à l'article 5, paragraphe 1" ; qu'en vertu de l'article 1er du règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil, du 15 mars 2001, les ressortissants de pays tiers figurant à l'annexe I de ce règlement sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres ; que les ressortissants colombiens sont au nombre de ceux mentionnés à l'annexe I de ce règlement ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 6 de la directive n° 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 susvisée " 1.Les citoyens de l'Union ont le droit de séjourner sur le territoire d'un autre État membre pour une période allant jusqu'à trois mois, sans autres conditions ou formalités que l'exigence d'être en possession d'une carte d'identité ou d'un passeport en cours de validité./ 2. Les dispositions du paragraphe 1 s'appliquent également aux membres de la famille munis d'un passeport en cours de validité qui n'ont pas la nationalité d'un État membre et qui accompagnent ou rejoignent le citoyen de l'Union " ; que selon l'article 2 de la même directive: " Aux fins de la présente directive, on entend par : (...) 2) "membre de la famille": (...) c) les descendants directs qui sont âgés de moins de vingt-et-un ans ou qui sont à charge (...) " ; que l'article R. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif à l'entrée en France des citoyens de l'Union européenne et des membres de leur famille, pris pour la transposition de ces dispositions, énonce dans sa rédaction issue du décret n° 2011-1049 du 6 septembre 2011 que : " Tout membre de [la] famille [d'un ressortissant de l'Union européenne] mentionné à l'article L. 121-3, ressortissant d'un Etat tiers, est admis sur le territoire français à condition que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il soit muni, à défaut de titre de séjour délivré par un Etat membre de l'Union européenne portant la mention " Carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union" en cours de validité, d'un passeport en cours de validité, d'un visa ou, s'il en est dispensé, d'un document établissant son lien familial. L'autorité consulaire lui délivre gratuitement, dans les meilleurs délais et dans le cadre d'une procédure accélérée, le visa requis sur justification de son lien familial. Toutes facilités lui sont accordées pour obtenir ce visa " ;
4. Considérant, enfin, que l'article L. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que " Tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'espace économique européen ou de la confédération suisse ou les membres de sa famille qui ne peuvent justifier d'un droit au séjour en application de l'article L. 121-1 ou de l'article L. 121-3 (...) peut faire l'objet, selon le cas, d'une décision de refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement d'une carte de séjour ou d'un retrait de celles-ci ou d'une mesure d'éloignement prévue au livre V " ; qu'aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...)/ La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...). / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office " ; que selon l'article L. 511-2 du même code : " Le 1° du I (...) de l'article L. 511-1 [est] applicable à l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne : 1° S'il ne remplit pas les conditions d'entrée prévues à l'article 5 du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) " ;
5. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté du 24 septembre 2014 mentionne les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'il indique notamment les circonstances tenant à l'entrée irrégulière du requérant sur le territoire national et vise très précisément le 1° du I de l'article texte susmentionné de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui constitue la base légale de la mesure d'éloignement litigieuse ; que si l'auteur de l'arrêté n'a pas exposé les raisons pour lesquelles M. B...ne relevait pas de l'une des catégories d'étrangers mentionnés à l'article L. 511-4 qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, cette circonstance n'est pas de nature à le faire regarder comme insuffisamment motivé ; que la motivation de cet arrêté ne saurait, par ailleurs, être utilement contestée par la critique du bien fondé de ces motifs ; que, dès lors, si M. B...soutient que la préfète des Pyrénées-Orientales n'a pas pris en compte le fait qu'il ne disposait d'aucune attache en Colombie et ne s'est pas prononcé sur la faculté qu'il avait d'acquérir la nationalité espagnole, ces circonstances ne constituent pas un défaut de motivation ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pris pour la transposition de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004, qu'un étranger membre de la famille d'un ressortissant d'un Etat de l'Union européenne mais qui n'a pas lui-même cette qualité et qui n'est pas dispensé de l'obligation d'être muni d'un visa, doit justifier pour un séjour de moins de trois mois d'une entrée régulière sur le territoire français par la production soit d'un passeport accompagné d'un titre de séjour en cours de validité délivré par un Etat membre de l'Union européenne, soit d'un passeport en cours de validité revêtu d'un visa délivré par les autorités consulaires françaises sur justification de son lien familial ; qu'il peut, par ailleurs, faire l'objet d'une mesure d'éloignement lorsqu'il n'a pas de droit au séjour en application des articles L. 121-1 et L. 121-3 et qu'il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français ;
7. Considérant qu' il ressort des pièces du dossier que M. B...est entré en France le 24 septembre 2014 en provenance d'Espagne dans le but, selon ses déclarations, d'y effectuer un séjour touristique; que s'il se prévaut d'être à la charge de ses parents de nationalité espagnole et de bénéficier, en cette qualité, d'un droit au séjour permanent sur le territoire des Etats membres de l'Union européenne ouvert par les dispositions de la directive 2004/38/CE, il est constant que ses parents ne résidaient pas en France et n'y exerçaient aucune activité professionnelle ; qu'ainsi, l'intéressé ne disposait pas d'un droit au séjour permanent sur le territoire français en qualité d'accompagnant ou de rejoignant de ses ascendants espagnols ainsi que l'envisage l'article L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que si ce droit au séjour lui a été refusé en Espagne, par les autorités espagnoles, il n'appartient pas, en tout état de cause, au juge administratif français de connaître de ce refus ; que, par ailleurs, il est constant que, de nationalité colombienne, M. B...n'est pas au nombre des étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne qui seraient dispensés de la production d'un visa ; que si lors de son interpellation il était en possession d'un passeport délivré par les autorités colombiennes à Barcelone, en revanche il n'était pas muni d'un visa d'entrée en France ; qu'il n'était pas davantage en possession d'un titre de séjour en cours de validité délivré par les autorités espagnoles, celui qu'il a produit étant périmé depuis le 18 septembre 2009 ; qu'au demeurant, il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 26 juillet 2013, ces mêmes autorités lui ont refusé le droit de séjourner en Espagne ; qu'ainsi, M. B... n'a pas justifié de la régularité de son entrée sur le territoire français ; qu'il entrait, par suite, dans le cas où, en application du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut obliger un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne à quitter le territoire français ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., âgé de plus de vingt-six ans à la date de l'arrêté contesté, dont les parents et les frères séjournent en Espagne, ne justifie d'aucun lien familial en France où il n'a jamais vécu et où il se rendait pour un séjour de courte durée selon ses déclarations ; que, par suite, en prenant à son encontre une décision lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français, la préfète des Pyrénées-Orientales n'a porté aucune atteinte à sa vie privée et familiale et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible (...) " ;
10. Considérant que M. B...se prévaut de la circonstance qu'il résidait en Espagne depuis plus de dix ans, qu'il y avait l'ensemble de ses attaches familiales, amicales et sociales à la date de l'arrêté contesté et de ce qu'il serait légalement admissible dans ce pays au sens des dispositions précitées de l'article L. 513-2, à la date à laquelle la préfète des Pyrénées-Orientales a décidé qu'il serait éloigné à destination de la Colombie ; que, toutefois, contrairement à ses allégations, il ne justifie pas être légalement admissible en Espagne alors que, comme il a été dit au point 7, par une décision du 26 juillet 2013, les autorités espagnoles ont refusé de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à résider dans ce pays ; que, par ailleurs son éloignement à destination de la Colombie, pays dont il a la nationalité, ne fait pas obstacle à ce qu'il sollicite des autorités espagnoles, s'il s'y croit fondé, un visa pour se rendre en Espagne ; que, par suite, c'est sans méconnaître les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sans erreur manifeste que la préfète des Pyrénées-Orientales a pu prévoir son éloignement vers la Colombie ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise à la préfète des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Lascar, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- M. Chanon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 décembre 2015.
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N° 14MA04093
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