Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Médiaffiche a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge, en premier lieu, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelleselle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 septembre 2005, 2006 et 2007, en deuxième lieu, des cotisations supplémentaires de contribution sur l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2005, en troisième lieu, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er octobre 2005 au 30 septembre 2007, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1200737, 1200744 du 13 juin 2013, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 23 juillet 2013, la SARL Médiaffiche, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées pour un montant total, en droits et pénalités, de 103 504 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure suivie à son encontre a été irrégulière ;
- la vérification a été engagée avant l'envoi de l'avis de vérification de comptabilité, dès la mise en oeuvre de la procédure d'enquête prévue par l'article L. 80 F du livre des procédures fiscales ; lors de l'enquête, sa comptabilité a en effet fait l'objet d'un examen critique, son gérant auditionné, les contrats et conditions d'exécution examinés ; les constatations ayant servi aux redressements et relatives aux factures des fournisseurs Homesud et Prowares ont été opérées entre le 15 avril et le 23 juin 2008 ; ainsi les dispositions des articles L. 47 et L. 52 du livre des procédures fiscales ont été méconnues ;
- l'enquête n'a pas respecté les limites et les prescriptions visées aux articles L. 80 F et suivants du livres des procédures fiscales ;
- la vérification s'est étendue jusqu'à la proposition de rectification notifiée le 29 janvier 2009 avec cette conséquence que le délai prévu par les dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales a été dépassé ;
- elle a établi la réalité et le caractère effectif des prestations de service en cause en produisant les conventions passées avec les fournisseurs Homesud et Prowares et les factures y afférentes ; les investissements opérés se rattachent à une gestion malheureuse financièrement mais normale ; la contrepartie est établie ; le motif tiré de l'objet social des prestataires est inopérant ; des contrats ont été conclus grâce à l'intervention de ces sociétés.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 février 2014, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Martin, rapporteur,
- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.
1. Considérant que la SARL Médiaffiche exploite à Montpellier une agence de publicité et a notamment pour activité la location de réseaux d'affichage ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période courant du 1er octobre 2005 au 30 septembre 2007, étendue jusqu'au 30 septembre 2008 en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'à l'issue de cette vérification, le service a notamment remis en cause la déduction, en l'absence de justification probante, de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les prestations réalisées par les sociétés Homesud et Prowares, ainsi que certaines charges comptabilisées par la société Médiaffiche ; que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les sociétés ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis en recouvrement le 27 mai 2009 pour un montant total, pénalités y afférentes comprises, de 103 504 euros ; que la SARL Médiaffiche relève appel du jugement du 13 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces diverses impositions ;
Sur la régularité de la procédure suivie :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 80 F du livre des procédures fiscales : " Pour rechercher les manquements aux règles de facturation auxquelles sont soumis les assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée en application du code général des impôts (...), les agents des impôts ayant au moins le grade de contrôleur peuvent se faire présenter les factures, la comptabilité matière ainsi que les livres, les registres et les documents professionnels pouvant se rapporter à des opérations ayant donné ou devant donner lieu à facturation et procéder à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation (...) / Ils peuvent obtenir ou prendre copie, par tous moyens et sur tous supports, des pièces se rapportant aux opérations ayant donné ou devant donner lieu à facturation. / Ils peuvent recueillir sur place ou sur convocation des renseignements et justifications. Ces auditions donnent lieu à l'établissement de comptes rendus d'audition. / L'enquête définie au présent article ne relève pas des procédures de contrôle de l'impôt prévues aux articles L. 10 à L. 47 A (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 80 H du même livre : " A l'issue de l'enquête prévue à l'article L. 80 F, les agents de l'administration établissent un procès-verbal consignant les manquements constatés ou l'absence de tels manquements. (...). Les constatations du procès-verbal ne peuvent être opposées à cet assujetti, au regard d'impositions de toute nature, que dans le cadre des procédures de contrôle mentionnées à l'article L. 47 (...) " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 17 juillet 1992 dont elles sont issues, qu'elles permettent à l'administration d'enquêter, dans les conditions qu'elles définissent, sur les manquements aux règles de facturation applicables aux personnes assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée et de rechercher notamment d'éventuelles factures fictives ; que l'administration peut ensuite, conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article L. 80 H, se fonder sur les éléments recueillis dans le cadre de cette enquête pour procéder à une vérification de comptabilité dans les conditions prévues notamment par l'article L. 47 ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours des interventions et de l'audition ayant abouti au procès-verbal de clôture d'enquête du 23 juin 2008, les agents de la brigade de contrôle et de recherches de l'Hérault ont examiné par sondages diverses factures de fournisseurs de la société ; qu'ils ont étudié lors de leur intervention du 27 mai 2008 les conventions passées par la requérante avec trois fournisseurs, les sociétés Homesud, Prowares et Sunsys, les comptes fournisseurs de ces sociétés et les relevés de compte retraçant le paiement des factures de ces trois sociétés ; que le 11 juin 2008, les agents du service ont interrogé M. B..., gérant de la société requérante, sur les moyens dont dispose la société, ses relations avec ses clients et fournisseurs, la nature de ses contacts avec eux, l'identité des fournisseurs et, spécifiquement en ce qui concerne les fournisseurs Homesud et Prowares, la nature des prestations donnant lieu à facturation ; que d'une part, le procès-verbal de clôture d'enquête relève que les éléments recueillis n'ont pas permis de constater des manquements aux règles de facturation ; que, d'autre part, alors que les conventions passées par la requérante avec les fournisseurs Homesud et Prowares doivent être regardées comme étant en lien avec la facturation des prestations et que les questions posées lors de l'audition du gérant ne s'écartent pas du motif de l'enquête, il y a lieu de constater que ces investigations et audition étaient conformes à la recherche d'éventuels manquements aux règles de facturation ; que, dans ces conditions, l'administration ne peut être regardée comme ayant, en la circonstance, excédé les prérogatives qu'elle tient du droit d'enquête institué à l'article L. 80 F précité du livre des procédures fiscales ; qu'il s'ensuit que la société Médiaffiche n'est pas fondée à soutenir que le service aurait mis en oeuvre, dans l'exercice du droit d'enquête, une vérification de comptabilité en méconnaissance de l'article L. 47 du même livre, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les agents du service auraient effectué lors de l'enquête des opérations assimilables à une telle vérification ;
4. Considérant que si la requérante affirme que le droit d'enquête aurait été mené de manière abusive, il résulte du point précédent que le service n'a pas outrepassé les droits qu'il tenait de l'article L. 80 F du livre des procédures fiscales et n'a par suite pas détourné le droit d'enquête de son objet ; qu'ainsi, le moyen tiré d'un détournement de procédure ne peut être accueilli ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " I.-Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois (...) " ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité de la société contribuable a eu lieu du 27 novembre 2008 jusqu'au 28 janvier 2009 ; que par voie de conséquence de ce qui a été dit au point 3, le moyen selon lequel le délai de trois mois prévu par les dispositions précitées aurait été dépassé manque en fait ;
Sur le bien-fondé des impositions en cause :
6. Considérant, d'une part, qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ; que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;
7. Considérant qu'en vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis ; que la seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense ; que le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration ;
8. Considérant qu'en l'espèce, le vérificateur a réintégré dans les bénéfices imposables de la société Médiaffiche, au titre des exercices clos en 2006 et 2007, les charges correspondant à sept factures émises par la société Homesud pour un montant de 56 195 euros hors taxes et quatre factures émises par la société Prowares pour un montant de 32 000 euros hors taxes ; qu'il a en particulier relevé que ces factures comportaient un libellé descriptif des prestations commun aux onze factures, que les conventions passées avec les sociétés Homesud et Prowares présentaient de grandes similitudes, que l'objet social des sociétés Homesud (intermédiaire en commerce en bois et matériaux de construction) et Prowares (commerce de détail d'ordinateurs) était étranger à l'activité publicitaire et que les éléments examinés lors de la vérification ne permettaient pas de corroborer la réalité des prestations alléguées qu'auraient fournies ces deux sociétés ; qu'il en a tiré que les dépenses en cause ne pouvaient être regardées comme engagées dans l'intérêt direct de l'exploitation et devaient être exclues des charges déductibles selon les dispositions de l'article 39-1 du code général des impôts ; que la société requérante, qui se borne à invoquer la faiblesse des résultats des démarches de prospection de ces deux partenaires et le principe selon lequel l'administration ne peut s'immiscer dans les conditions d'exploitation d'une entreprise, n'apporte aucun élément relatif au caractère effectif des démarches alléguées ;
qu'en outre, elle ne critique aucunement le jugement attaqué en ce qu'il énonce qu'elle se prévaut sans en justifier de ce que les contacts pris par les sociétés Homesud et Prowares lui auraient amené des clients pour des prestations d'affichage classique et que des centrales d'achats publicitaires situées à Paris lui auraient acheté des supports d'affichage à Montpellier ; que dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant que les charges en cause étaient dépourvues de contrepartie pour la SARL Médiaffiche et devaient être rapportées aux résultats de cette société au titre des exercice clos les 30 septembre 2006 et 2007 ; que par suite c'est à bon droit que l'administration a procédé à des rehaussements de résultats de la SARL Médiaffiche pour des montants de 56 195 euros au titre de l'exercice clos en 2006 et de 32 000 euros au titre de l'exercice clos en 2007 ;
9. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du II de l'article 271 du code général des impôts : " 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est [...] celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...). " ; qu'en vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée, dont il est redevable à raison de ses propres opérations, la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services ; que dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ; que si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération ;
10. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 8, que la SARL Médiaffiche ne justifie pas de la réalité des prestations en cause et que l'administration doit être regardée comme établissant que les onze factures émises par les sociétés Homesud et Prowares ne correspondent pas à des prestations réelles ; que, par suite, ces factures ne peuvent justifier du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elles mentionnent ; que dans ces conditions, c'est par une exacte application des dispositions précitées que l'administration a procédé au rappel de la taxe sur la valeur ajoutée déduite à tort pour un montant de 17 286 euros ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Médiaffiche n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SARL Médiaffiche demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Médiaffiche est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Médiaffiche et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 15 décembre 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Cherrier, président,
- M. Martin, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 12 janvier 2016.
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N° 13MA02954 7
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