Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté en date du 28 avril 2014 par lequel le préfet de la Haute-Corse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1400479 du 9 octobre 2014, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 21 novembre 2014, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 9 octobre 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté en date du 28 avril 2014 du préfet de la Haute-Corse ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Corse de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ainsi que dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour et, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Haute-Corse d'examiner à nouveau sa situation, dans le même délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour a été prise par une autorité incompétente ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- le refus de lui délivrer un titre de séjour " salarié " est entaché d'une erreur de droit, le préfet ne pouvant se borner à lui opposer les dispositions de l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne et d'autres Etats européens ;
- cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie d'exception d'illégalité du refus de titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2015, le préfet de la Haute-Corse conclut au rejet de la requête et fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- l'arrêté du 18 janvier 2008 du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi et du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et la liste qui y est annexée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Haïli.
1. Considérant que M.C..., ressortissant marocain, né le 1er avril 1972 à Tizi Osli au Maroc, Hammou Boumedfaaa sollicité le 21 novembre 2013 la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par arrêté en date du 28 avril 2014, le préfet de la Haute-Corse a rejeté cette demande, assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination ; que le requérant interjette appel du jugement du 9 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande à fin d'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité externe :
2. Considérant que M. C...reprend en appel les moyens qu'il avait invoqués en première instance, tirés, d'une part, du vice d'incompétence et d'autre part, de l'insuffisance de la motivation de la décision portant refus de séjour ; que ces moyens, qui ne comportent aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée par le requérant devant le tribunal, ont été écartés à bon droit par les premiers juges ; qu'il y a lieu, dès lors, de les écarter par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif ;
Sur la légalité interne :
3. Considérant, en premier lieu, que l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que les dispositions de ce code s'appliquent " sous réserve des conventions internationales " ; qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles " ; que l'article 9 du même accord stipule que " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l' application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. / Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2 (...) " ; qu' aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7.(...) " ; qu'aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : (...) / 3° le respect par l'employeur, l'utilisateur, l'entreprise d'accueil ou l'employeur, l'utilisateur mentionné à l'article L. 1251-1 ou l'entreprise d'accueil de la législation relative au travail et à la protection sociale " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant a présenté le 13 mai 2013 une demande de carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " en produisant un contrat de travail à durée indéterminée du 16 février 2013 en qualité de jardinier ; que le requérant soutient à l'appui de sa requête que le préfet ne pouvait sans commettre d'erreur de droit lui opposer les motifs tirés de ce que, d'une part, il ne justifiait pas d'une rémunération au moins égale au salaire minimum de croissance par un engagement durable de compléter ses heures de travail hebdomadaires à hauteur de vingt heures et, d'autre part, l'emploi sollicité ne figurait pas dans la liste des métiers caractérisés par des difficultés de recrutement figurant en annexe de l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne et d'autres Etats européens ;
5. Considérant, toutefois, que portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titre de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; qu'il fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée ; que, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, ces stipulations font obstacle à l'application aux ressortissants marocains des dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant qu'elles prévoient la délivrance d'un titre de séjour salarié ; que par suite, en tout état de cause, le préfet a pu légalement rejeter la demande de titre présentée par le requérant en opposant le motif que M. C...ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de sa nationalité pour solliciter une admission exceptionnelle au séjour par le travail ; qu'il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur ledit motif énoncé par l'arrêté contesté ; que, par conséquent, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut être qu'écarté ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
7. Considérant qu'à l'appui de sa requête, le requérant soutient qu'il réside habituellement en France depuis 2002 et qu'il dispose de nombreuses attaches en France où résident son père, en situation régulière, à l'adresse duquel il est domicilié,ainsi que son frère, de nationalité française ; qu'il fait valoir également qu'il a toujours exercé une activité professionnelle depuis son entrée sur le territoire ; que, toutefois, les pièces qu'il a versées aux débats se limitant à des actes relatifs à des événements ponctuels ne sont pas de nature à démontrer sa présence habituelle sur le territoire français notamment entre juillet 2004 et juillet 2005, période pour laquelle le requérant produit seulement deux enveloppes de plis qui lui auraient été adressés et des relevés de comptes bancaires ne retraçant aucun mouvement entre 2004 et 2006, période pour laquelle le requérant produit seulement des factures d'achat, des titres interbancaires de paiement, des relevés de compte d'une banque établie dans la ville de Fès au Maroc, une seule ordonnance médicale et une carte de résidence délivrée par le consulat général du Maroc à Bastia en 2006 ; que le requérant, qui est célibataire et sans enfant et dont quatre membres de sa fratrie résident au Maroc n'établit pas la centralité et l'intensité de ses intérêts personnels et familiaux en France ; que, par suite, le préfet de la Haute-Corse n'a pas, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, porté une atteinte excessive au droit de M. C...à mener une vie privée et familiale normale ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, par suite, être écarté;
8. Considérant, en troisième lieu, que, par voie de conséquence, le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour à l'appui des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter également ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Corse.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Bédier, président de chambre,
- Mme Paix, président assesseur,
- M. Haïli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 janvier 2016.
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N° 14MA04607