Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Direct Distribution International Limited a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 9 juillet 2010 portant suspension de la commercialisation et ordonnant la destruction de compléments alimentaires et les lettres du directeur départemental de la protection des populations des Alpes-Maritimes des 28 mai et 24 juin 2010.
Par un jugement n° 1003518 du 29 octobre 2013, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2013, la société Direct Distribution International Limited, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 29 octobre 2013 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 9 juillet 2010 et les lettres du directeur départemental de la protection des populations des Alpes-Maritimes en date des 28 mai et 24 juin 2010 ;
3°) d'autoriser la commercialisation des produits visés par l'arrêté attaqué ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au profit de la société Trednet en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté préfectoral attaqué est insuffisamment motivé au regard de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
- l'arrêté est entaché d'erreur d'appréciation ;
- en effet, les produits dénommés Vitamine B6 50 mg, Opti-men et ZMA n'étaient plus commercialisés ;
- le produit Zinc Picolinate n'était plus commercialisé et la dose proposée correspond à la limite de sécurité de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) ;
- le produit Vitamine C 1 000 mg comportait une dose correspondant à la moitié de la limite de sécurité fixée par l'Autorité européenne de sécurité des aliments et la notification de ce produit était en cours avec une dose fixée à 500 mg ;
- le produit Superoxydants n'était plus commercialisé, tandis qu'il est autorisé à la vente en Italie et en Belgique ;
- les produits Creatine3Fuel, ZMA Fuel, ZMA pro, SPA Pack et Shock Therapy n'étaient plus commercialisés et autorisés à la vente pour les quatre premiers dans des pays de l'Union européenne ;
- il ne pouvait être procédé à la suspension ni à la destruction de produits qui n'étaient plus commercialisés ;
- l'arrêté du 9 mai 2006 a une portée contestable, dans la mesure où plusieurs doses maximales mentionnées sont inférieures aux nouveaux apports journaliers recommandés européens fixés par la directive 2008/100 et ces doses sont par ailleurs très inférieures à celles retenues dans la plupart des Etats membres ;
- les dosages ne contreviennent pas aux prescriptions de l'AESA ;
- le principe de libre circulation des marchandises a été méconnu et les décisions s'apparentent à une mesure d'effet équivalent à une restriction à ce principe ;
- le préfet n'a pas démontré que les produits étaient dangereux pour la santé.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 juillet 2015, le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique demande à la Cour de rejeter la requête.
Il fait valoir que :
- à titre principal, la requête est irrecevable pour défaut de motivation ;
- à titre subsidiaire, les lettres des 28 mai et 24 juin 2010 ne sont que des actes préparatoires insusceptibles de recours ;
- l'arrêté attaqué est suffisamment motivé ;
- les produits en cause étaient toujours disponibles en stock sur le site Internet de l'entreprise lors des constatations effectuées ;
- 8 compléments alimentaires sur les 11 faisant l'objet de la mesure de destruction dépassent les limites de sécurité fixées par l'AESA ou sont non conformes à la réglementation européenne (règlement (CE) n°1170/2009 de la Commission du 30 novembre 2009) ;
- les produits sont donc dangereux pour la santé des consommateurs ;
- en outre, les produits Vitamine B6 50 mg, Vitamine C 1 000 mg, ZMA FUEL n'ont pas été déclarés en violation du décret du 20 mars 2006 ;
- les produits Zinc Picolinate, Opti-men, Superantioxidants, ZMA, Shock Therapy, ZMA PRO et SPA PAK ont quant à eux fait l'objet de refus de commercialisation, ne pouvant bénéficier de la procédure prévue à l'article 16 du décret du 20 mars 2006 ;
- les numéros d'enregistrement obtenus en Belgique ou en Italie pour certains compléments alimentaires ne démontrent pas que les compositions et doses proposées pour les produits mis en vente en France sont autorisées à la vente dans ces deux pays ;
- l'arrêté du 9 mai 2006 n'est pas illégal ;
- les Etats membres demeuraient compétents pour adopter une réglementation relative aux quantités maximales de vitamines et de minéraux pouvant être utilisés pour la fabrication de compléments alimentaires tant que la Commission européenne n'avait pas arrêté ces quantités ;
- or, la Commission n'avait pas arrêté ces quantités à la date d'édiction de l'arrêté du 9 mai 2006 ;
- le législateur national peut fixer les quantités maximales de vitamines et de minéraux pouvant être utilisés pour la fabrication des compléments alimentaires en s'inspirant des éléments figurant à l'article 5 paragraphes 1 et 2 de la directive 2002/46/CE ;
- l'arrêté s'est inspiré des avis rendus par l'AFSSA ;
- un Etat membre peut prendre des mesures de protection en vertu du principe de précaution ;
- l'arrêté du 9 mai 2006 n'est donc pas contraire au principe de libre circulation des marchandises.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le traité instituant la Communauté économique européenne ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 1170-2009 de la Commission du 30 novembre 2009 ;
- la directive 2002/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 10 juin 2002 ;
- la directive 2008/100/CE de la Commission du 28 octobre 2008 ;
- le code de la consommation ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le décret n° 2006-352 du 20 mars 2006 relatif aux compléments alimentaires ;
- l'arrêté du 9 mai 2006 relatif aux nutriments pouvant être employés dans la fabrication des compléments alimentaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure,
- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique ;
- et les observations de Me A...de la SCP Klein pour la Sté Direct Distribution International Limited.
1. Considérant que le préfet des Alpes-Maritimes a édicté le 9 juillet 2010, sur le fondement de l'article L. 218-4 du code de la consommation, un arrêté portant suspension de la commercialisation et ordonnant la destruction de onze compléments alimentaires commercialisés par les sociétés Trednet et DDI, au double motif concernant la société DDI que la dose journalière recommandée sur l'étiquetage des compléments alimentaires visés dans le rapport d'enquête apportait des quantités de vitamines et minéraux supérieures aux doses journalières maximales fixées par l'arrêté du 9 mai 2006 et aux nouvelles recommandations de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) du 3 juillet 2009 et que des refus de commercialisation de différents produits surdosés en vitamines et minéraux avaient déjà été notifiés à l'entreprise par la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes ; que la société DDI relève appel du jugement du 29 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 9 juillet 2010 et de deux lettres du directeur départemental de la protection des populations des Alpes-Maritimes des 28 mai et 24 juin 2010 ;
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre les lettres des 28 mai 2010 et 24 juin 2010 :
2. Considérant que la société appelante ne conteste pas le motif de l'irrecevabilité opposée par les premiers juges aux conclusions tendant à l'annulation des lettres des 28 mai 2010 et 24 juin 2010, tiré de ce que ces dernières ne constituent pas des décisions faisant grief ; que ces conclusions doivent donc être rejetées ;
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 9 juillet 2010 :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / -restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police... " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;
4. Considérant que le préfet des Alpes-Maritimes a visé dans son arrêté du 9 juillet 2010 les dispositions de droit interne et communautaire sur lesquelles il s'est fondé ; qu'il a exposé en détail la nature des risques pour la santé découlant de la consommation des produits en cause dont le dosage en vitamines et minéraux excède les valeurs fixées par l'arrêté ministériel du 9 mai 2006 ou recommandées par l'AFSSA ; qu'une telle motivation, qui porte à la fois sur le retrait et la destruction des produits concernés, répond aux exigences posées par la loi du 11 juillet 1979 ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 218-4 du code de la consommation : " S'il est établi qu'un lot de produits présente ou est susceptible de présenter, compte tenu de leurs conditions communes de production ou de commercialisation, un danger pour la santé publique ou la sécurité des consommateurs, le préfet (...) peut ordonner une ou plusieurs des mesures suivantes : la suspension de la mise sur le marché, le retrait, le rappel et la destruction. / Toutefois, l'opérateur peut apporter la preuve qu'une partie des produits du lot ne présente pas de danger pour la santé publique ou la sécurité des consommateurs et peut, dans ce cas, être remise sur le marché. Les frais y afférents restent à la charge de l'opérateur. / L'arrêté du préfet précise les conditions dans lesquelles les frais résultant des mesures prescrites, notamment les frais de transport, de stockage et de destruction sont mis à la charge de l'opérateur. / Tout opérateur ayant acquis ou cédé un ou plusieurs éléments du lot et ayant connaissance de la décision de suspension de mise sur le marché, de retrait ou de rappel est tenu d'en informer celui qui a fourni les produits et ceux à qui il les a cédés " ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du tableau produit par le ministre et non contesté par la société appelante, que 8 produits sur 11 comportent un dosage journalier supérieur aux limites de sécurité fixées par l'Autorité européenne de sécurité alimentaire (AESA) pour au moins un nutriment (Vitamine B6 50 mg, Zinc Picolinate, Opti-Men, Superantioxydants, ZMA Fuel, Shock Therapy, ZMA Pro et Spa Pack), et parmi eux 4 produits comportent un dosage journalier supérieur aux valeurs fixées par l'arrêté du 9 mai 2006 pour d'autres nutriments (vitamines A (plus de 3000 µg), B6 (plus de 25 mg) et C ainsi que pour le zinc (plus de 25 mg) et le sélénium (plus de 300 µg) ; que 2 autres produits comportent une forme d'apport non autorisé par le règlement (CE) n° 1170-2009 de la Commission du 30 novembre 2009 en zinc (ZMA 120) et magnésium (Créatine) et pour un dernier produit (Vit C 1000) la dose journalière conduit à un dépassement de celle fixée par l'arrêté du 9 mai 2006 ; qu'au-delà des limites ainsi fixées, qui ont été établies sur la base d'études scientifiques, il existe un risque pour la santé ; que si la société appelante soutient que le dosage de minéraux et vitamines pour le produit Zinc Picolinate correspond à la limite de sécurité fixée par l'AESA, elle n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations, alors qu'il ressort du tableau produit en défense que ce produit apporte quotidiennement 30 mg de zinc par jour, la limite de sécurité fixée par l'AESA étant de 25 mg ; que si une notification pour le produit Vitamine C 1 000 mg était en cours avec une nouvelle dose fixée à 500 mg, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué ; que l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 9 juillet 2010 ayant été pris sur le fondement de l'article L. 218-4 du code de la consommation, la société appelante ne saurait se prévaloir de la procédure d'autorisation de l'article 16 du décret du 20 mars 2006, basée sur le principe de reconnaissance mutuelle, qui ne s'applique pas en l'espèce ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est sans erreur d'appréciation que le préfet a décidé de suspendre la commercialisation et d'ordonner la destruction des produits en cause ; que si la société soutient également que certains de ces produits n'étaient plus commercialisés, il ressort au contraire des pièces du dossier, et notamment du rapport établi le 21 mai 2010 par l'inspectrice de la direction départementale de la protection des populations des Alpes-Maritimes, que les produits visés à l'article 1 de l'arrêté attaqué étaient en stock dans les locaux de l'entreprise et étaient indiqués comme disponibles à la vente sur son site Internet ; que dans ces conditions, et compte tenu de ce qui vient d'être exposé, la mesure n'apparaît pas non plus disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ;
7. Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de ce que l'arrêté interministériel du 9 mai 2006 a " une portée contestable " en ce qu'il fixerait des doses maximales qui seraient d'une part inférieures aux nouveaux apports journaliers européens fixés par la directive 2008/100/CE de la Commission du 28 octobre 2008 et d'autre part inférieures à celles retenues dans la plupart des Etats membres, n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant à la Cour d'en apprécier la portée et le bien-fondé ; qu'en tout état de cause, la circonstance que l'arrêté du 9 mai 2006 a fixé des quantités maximales de vitamines et de minéraux pouvant être utilisés dans la fabrication de compléments alimentaires inférieures à celles retenues dans plusieurs des Etats membres ne permet pas, par elle-même, d'établir que cet arrêté serait entaché d'une erreur d'appréciation sur ce point ; que la société requérante ne peut utilement se prévaloir des apports journaliers recommandés des vitamines et sels minéraux mentionnés dans les annexes à la directive 2008/100/CE de la Commission du 28 octobre 2008 pour contester l'arrêté du 9 mai 2006, lequel a pour objet de fixer les limites maximales de sécurité pour l'emploi de vitamines et de minéraux dans les compléments alimentaires en tenant compte non seulement des apports de référence mais également, conformément à la directive 2002/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 10 juin 2002, des apports de ces nutriments provenant de l'alimentation courante ;
8. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que l'arrêté préfectoral litigieux est fondé sur un motif de protection de la santé des personnes ; qu'un tel motif, qui est bien fondé comme il a été exposé au point 6, figure au nombre de ceux mentionnés à l'article 30 du traité instituant la Communauté économique européenne, repris à l'article 36 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui justifient qu'il soit dérogé au principe communautaire d'interdiction des mesures d'effet équivalant à une restriction à la libre circulation des marchandises prévu à l'article 28 de ce même traité ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Direct Distribution International Limited n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'annulation et ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser une quelconque somme à la société " Trednet " comme demandé, qui n'est au demeurant pas l'appelante, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Direct Distribution International Limited est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Direct Distribution International Limited et au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2016, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président,
- MmeB..., première conseillère,
- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.
Lu en audience publique le 28 janvier 2016.
La rapporteure,
K. DURAN-GOTTSCHALKLe président,
T. VANHULLEBUSLa greffière,
D. GIORDANO
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière
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N° 13MA04998