Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le département de l'Hérault a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner le groupement des sociétés Solatrag, Berthouly travaux publics et Trivella travaux publics à lui payer une somme de 196 777,77 euros TTC en raison des désordres affectant les réseaux d'alimentation en eau de mer de la zone conchylicole de Marseillan.
Par un jugement n° 1302247 du 6 octobre 2014, le tribunal administratif de Montpellier a condamné solidairement les trois sociétés Solatrag, Berthouly travaux publics et Trivella travaux publics à verser au département de l'Hérault une somme de 182 179,32 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 décembre 2014, et des mémoires enregistrés les 5 novembre et 4 décembre 2015, la société Solatrag, représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 6 octobre 2014 ;
2°) de rejeter la demande formulée par le département devant le tribunal administratif ;
3°) de condamner le département de l'Hérault à lui verser une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a méconnu la chose jugée le 30 décembre 2009 ;
- le département n'a formulé aucune demande à l'encontre de la société Solatrag ;
- elle n'a commis aucune faute, les tuyaux ayant été choisis par le maître de l'ouvrage et par le maître d'oeuvre ;
- les travaux de réfection ont été réalisés gracieusement par elle-même, et le département ne justifie donc d'aucun préjudice ;
- même si le contrat n'est pas nul, le département n'établit pas qu'elle aurait commis une faute contractuelle.
Par deux mémoires, enregistrés le 11 août et 27 octobre 2015, la société Berthouly conclut à l'annulation du jugement et au rejet des demandes que le département a présentées devant le tribunal administratif, et à la condamnation du département à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'a commis aucune faute et n'est pas intervenue sur le lot n° 2 ;
- le tribunal a statué ultra petita en condamnant solidairement ;
- si la cour devait juger sur le fondement du contrat, il ressort du contrat groupement et du CCTP qu'elle n'est pas intervenue dans le lot n° 2 ;
- le tribunal a jugé ultra petita en retenant la solidarité.
Par trois mémoires en défense, enregistrés les 26 octobre 2015, 10 et 17 novembre 2015, le département de l'Hérault, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que le groupement soit condamné à une somme supplémentaire de 14 598,45 euros TTC correspondant aux frais d'expertise, et à la condamnation du groupement à lui verser une somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.
Il soutient que :
- l'autorité de la chose précédemment jugée ne peut pas être retenue ;
- la société Solatrag doit être solidairement condamnée, le département ayant en tout état de cause formulé des conclusions à son encontre ;
- la responsabilité contractuelle du groupement est engagée ;
- la responsabilité quasi délictuelle du groupement est également engagée ;
- le contrat est nul ;
- les désordres engagent la responsabilité du groupement qui a commis des fautes ;
- les désordres n'ont pas de lien avec le choix de la canalisation ;
- la convention de groupement n'est pas claire et en tout état de cause, la condamnation solidaire doit être prononcée ;
- la Solatrag est responsable en tant que mandataire du groupement ;
- la responsabilité contractuelle de la Solatrag est engagée ;
- à titre subsidiaire, la responsabilité délictuelle de la Solatrag est engagée ;
- la réalité du préjudice est démontrée.
Deux mémoires de la société Berthouly ont été enregistrés les 10 et 18 décembre 2015.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que le litige pourrait être réglé sur un fondement contractuel.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marcovici,
- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,
- et les observations de Me Me A..., représentant le département de l'Hérault, et de Me E..., représentant la société Solatrag.
1. Considérant que, par deux actes d'engagement du 18 juin 2001, le département de l'Hérault a confié au groupement d'entreprises, composé de la société Languedocienne de travaux publics et de génie civil (Solatrag), mandataire, de la société Berthouly travaux publics et de la société Trivella travaux publics, l'exécution des travaux des lots n° 1 et n° 2 du marché de réaménagement de la zone conchylicole de Marseillan, le lot n° 1 portant sur des travaux de génie maritime et terrestre et le lot n° 2 sur des travaux de réseaux d'alimentation en eau de mer et l'installation d'une canalisation immergée ; que la réception des travaux du lot n° 2 a été prononcée le 20 septembre 2004 assortie de réserves relatives à l'étanchéité de la canalisation et à la justification de ce que les fuites apparues ne modifiaient pas la salinité de l'eau transportée ; que les experts désignés par le tribunal administratif ont déposé leur rapport le 8 décembre 2007 ; que la société Solatrag relève appel du jugement du 6 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée solidairement avec les sociétés Berthouly travaux publics et Trivella travaux publics à verser au département de l'Hérault une somme de 182 179,32 euros ;
2. Considérant que le tribunal administratif, contrairement aux affirmations de la société a suffisamment répondu à l'argumentation développée à titre subsidiaire par la société Solatrag, selon laquelle " c'est le choix de la canalisation utilisée qui est en cause " en indiquant que " la canalisation installée par les sociétés mises en cause était affectée de seize points de fuite situés au niveau de ses raccordements " et que " de tels défauts révèlent des manquements aux règles de l'art commis par les sociétés " ; qu'ainsi le tribunal, qui n'a pas omis de statuer sur un moyen, a suffisamment motivé sa décision ;
3. Considérant que l'interprétation à laquelle s'est livré le tribunal administratif de Montpellier, qui a jugé que la demande de condamnation du " groupement d'entreprises ", devait être regardée comme demandant que soit prononcée la condamnation solidaire des trois entreprises composant le groupement, expressément identifiées dans ses écritures, n'excède pas l'office du juge ; que, dès lors, la société Solatrag n'est pas fondée à soutenir que le tribunal a statué au-delà des conclusions dont il était saisi ;
4. Considérant que le jugement n° 0405144 du 7 décembre 2013 n'a statué que sur le lot n° 1 et non pas sur le lot n° 2 ; qu'ainsi, le constat de nullité de l'acte d'engagement opéré par ce jugement ne dispose pas de l'autorité de la chose jugée à l'égard du lot n° 2 ; qu'au demeurant, le principe de loyauté s'oppose à ce que l'irrégularité relevée par le tribunal, à savoir le défaut du nom des attributaires sur la délibération du 18 septembre 2000 par laquelle la commission permanente du conseil général de l'Hérault a autorisé le maire à signer le marché, prive les parties d'un règlement de leur litige sur un fondement contractuel ; qu'il résulte ce qui précède que le litige doit être réglé sur le fondement du contrat conclu entre les parties ;
5. Considérant que le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 30 décembre 2009 a rejeté la requête des trois sociétés membres du groupement, tendant à la condamnation du département de 1'Hérault au titre de1'exécution financière du lot n° 1 du marché considéré ; que le présent litige oppose le département de l' Hérault à ces sociétés et porte sur l'exécution technique et les conséquences financières des travaux relatifs au lot n° 2 du marché ; qu'ainsi les sociétés Solatrag et Berthouly ne sont pas fondées à opposer 1'exception de 1'autorité de la chose ainsi jugée, à défaut notamment d'identité d'objet ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport déposé par le collège d'experts nommé par les premiers juges, que la canalisation installée par les sociétés mises en cause était affectée de seize points de fuites situés au niveau de ses raccordements et ayant pour effet de permettre l'intrusion, dans la canalisation, d'eau douce provenant de la nappe phréatique ; que de tels défauts révèlent une méconnaissance du contrat conclu par les sociétés mises en cause susceptible d'engager leur responsabilité ; que l'acte d'engagement qui lie les constructeurs ne prévoit pas de répartition des tâches entre les membres du groupement ; que l'article 4 de cet acte prévoit que le paiement des sommes dues en exécution du marché est fait sur un compte ouvert au nom du groupement, sans qu'une ventilation ne soit prévue ; que si l'article 0.3 du CCTP distingue " l'entrepreneur chargé du lot n° 1 " et " l'entreprise chargée des travaux de réseaux (lot n° 2) ", ces entreprises ne sont pas identifiées ; que l'acte d'engagement doit ainsi être interprété comme instituant une solidarité entre les trois sociétés membres du groupement conjoint ; que le contrat qui lie les sociétés entre elles n'est pas opposable au maître d'ouvrage qui n'y est pas partie et ne saurait dès lors s'opposer à la condamnation solidaire desdites sociétés ; qu'en tout état de cause, la société Berthouly n'est pas fondée à invoquer les stipulations du cahier des clauses techniques particulières qui n'opère pas un partage des tâches entre les entreprises ; que si la société Solatrag soutient que le maître d'oeuvre aurait commis une faute dans le choix des canalisations qui serait à l'origine des désordres, l'expertise mentionne " En conclusion, nous retiendrons que les tuyaux fournis étaient adaptés à leur destination et que la discussion sur les joints n'a pas une grande importance dans la mesure où la plupart des défauts d'étanchéité ont été constatés sur des branchements " ; qu'ainsi, les désordres résultant de la réalisation des travaux, et non pas du choix des canalisation, le maître d'oeuvre n'a pas commis de faute de nature à atténuer celles des entreprises ; qu'il résulte de ce qui précède que les sociétés ne sont pas fondées à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Montpellier a retenu la responsabilité solidaire des sociétés Solatrag, Berthouly travaux publics et Trivella travaux publics au titre des malfaçons constatées ;
7. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le tribunal aurait fait une appréciation erronée des préjudices subis par le département ; qu'à cet égard, la circonstance qu'une partie des travaux, s'agissant des " fuites au niveau des joints " aurait été réalisée gracieusement par la société Solatrag, celle-ci se réservant d'ailleurs " le droit de demander le paiement des travaux ainsi réalisés " ou encore qu'une autre partie, concernant les branchements, aurait été réalisée à la suite d'une commande du département dont elle reconnaît que le département l'a rémunérée à cet effet, est sans influence sur l'évaluation du préjudice subi par le département ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Berthouly, pas davantage que la société Solatrag, n'est fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Montpellier les a solidairement condamnées à réparer les préjudices subis par le département de l'Hérault ;
9. Considérant que si le département, dans son mémoire du 10 novembre 2015, demande que la somme à laquelle le groupement a été condamné soit indexée à l'indice Bt 01, le mémoire du 17 novembre suivant demande seulement que ces sommes " portent intérêt légal à compter de l'introduction de la requête " ; qu'en tout état de cause, le département ne critique pas les motifs du jugement qui a jugé que " La condamnation prononcée à 1'article 1er du présent jugement sera assortie des intérêts légaux à compter du 16 mai 2013, ceux-ci portant eux-mêmes intérêts à compter du 16 mai 2014 " ; qu'ainsi il y a lieu de rejeter la demande à fin d'indexation ;
10. Considérant que le département demande que les frais d'expertise soient mis à la charge du groupement ; que toutefois, il n'apporte aucune critique au motif du jugement qui, dans son point 8, retient qu' " il ne saurait être fait droit à une telle demande, dès lors que le jugement (...) du 30 décembre 2009 a fixé la charge définitive des frais et honoraires d'expertise " ; qu'il y a dès lors lieu de rejeter ces conclusions ;
11. Considérant que le département n'ayant pas la qualité de partie tenue aux dépens, les conclusions de la société Berthouly et de la société Solatrag tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'en revanche il y a lieu de condamner les sociétés Berthouly et Solatrag à verser au département une somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Les conclusions des sociétés Solatrag et Berthouly sont rejetées.
Article 2 : Les sociétés Berthouly et Solatrag verseront au département une somme totale de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre des frais non compris dans les dépens.
Article 3 : Le surplus des conclusions du département de l'Hérault sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Solatrag, à la société Berthouly, au département de l'Hérault et à Me D...B...liquidateur de la société Trivella.
Délibéré après l'audience du 11 janvier 2016, où siégeaient :
- M. Moussaron, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme Héry, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 1er février 2016.
''
''
''
''
3
N° 14MA04777