Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté en date du 9 mai 2014 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Par une ordonnance n° 1404112 du 9 juillet 2014, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 4 août 2014 et les 2 et 3 mars 2016, M. E..., représenté par Me F..., demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 9 juillet 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 9 mai 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- contrairement à ce qui est indiqué dans l'ordonnance attaquée, il a régularisé sa demande dans le délai imparti ;
- le rejet de sa demande pour irrecevabilité constitue une violation de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'ordonnance attaquée ne comporte pas de motivation sur le rejet de la demande d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;
- il a interjeté appel dans le délai imparti ;
- l'avis du médecin de l'agence régionale de santé n'a pas été porté à sa connaissance ;
- cet avis est insuffisamment détaillé, notamment sur la possibilité effective d'accès aux soins dans le pays d'origine ;
- le refus de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en même temps que les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- la possibilité de bénéficier d'un traitement effectif dans son pays d'origine n'a pas été appréciée conformément à la circulaire du 12 mai 1998 ;
- l'obligation de quitter le territoire français devra être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de séjour ;
- cette mesure d'éloignement a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2016, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...'hôte, premier conseiller,
- et les observations de Me F..., représentant M. E....
1. Considérant que M. E..., de nationalité algérienne, a bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour pour raisons de santé valable du 6 mai au 5 novembre 2013 ; que, par un arrêté du 9 mai 2014, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que M. E... fait appel de l'ordonnance du 9 juillet 2014 par laquelle le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la régularité de l'ordonnance du 9 juillet 2014 :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-3 du code de justice administrative : " Les requêtes doivent, à peine d'irrecevabilité, être accompagnées de copies, en nombre égal à celui des autres parties en cause, augmenté de deux " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 612-1 du même code : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en application de l'article R. 612-1 du code de justice administrative, le greffe du tribunal a invité M. E..., par un courrier du 17 juin 2014, à régulariser sa requête dans un délai de sept jours en produisant un nombre de copie conforme aux prévisions de l'article R. 411-3 du même code ; que ce courrier a été réceptionné par l'intéressé le 25 juin 2014 ; que, par l'ordonnance attaquée du 9 juillet 2014, la demande de M. E... a été rejetée sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative comme étant manifestement irrecevable, à défaut d'avoir été régularisée dans le délai imparti ;
4. Considérant, toutefois, que M. E... soutient avoir adressé au tribunal les documents demandés dans le délai fixé ; qu'il produit à l'appui de ses allégations l'avis de réception postal d'un pli recommandé sur lequel a été apposé le tampon du tribunal portant la date du 2 juillet 2014 ; que, si cet envoi n'a pas été enregistré par le greffe du tribunal et si la rectification n'est pas mentionnée sur les bases de données permettant le suivi de la procédure, le requérant doit être regardé comme établissant avoir régularisé sa requête dans le délai qui lui avait été imparti, dès lors qu'aucun élément du dossier de première instance ne vient contredire les éléments de preuve qu'il apporte ; que, par suite, M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'annuler cette ordonnance et d'évoquer l'affaire ;
Sur la légalité de l'arrêté du 9 mai 2014 :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté susvisé du 11 novembre 2011, applicable aux ressortissants algériens : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé. (...) " ;
6. Considérant, en premier lieu, que dans son avis du 13 décembre 2013, le médecin de l'agence régionale de santé a indiqué que l'état de santé de M. E... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, que l'intéressé pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et que son état de santé lui permettait de voyager sans risque ; que cet avis est régulièrement motivé ; que le médecin de l'agence régionale de santé n'avait pas à préciser les éléments sur lesquels il s'est fondé pour estimer que le requérant pouvait bénéficier d'un traitement approprié en Algérie ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait au préfet de transmettre l'avis du médecin de l'agence régionale de santé à M. E..., avant de statuer sur son droit au séjour ;
8. Considérant, en troisième lieu, que le droit au séjour des Algériens pour raisons de santé est exclusivement régi par les stipulations précitées du 7. de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; que M. E... ne peut dès lors se prévaloir utilement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, inapplicables aux ressortissants algériens ; que si le requérant fait valoir qu'il a reçu des soins médicaux depuis son arrivée sur le territoire français et qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, il ne produit aucune pièce de nature à établir que le défaut de prise en charge médicale de sa pathologie pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, dès lors, en refusant de lui délivrer un certificat de résidence, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas fait une inexacte application des stipulations du 7. de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; que le requérant ne peut utilement invoquer la circulaire du 12 mai 1998 prise pour l'application de la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile, qui, d'une part, n'a pas eu pour objet de commenter les stipulations de l'accord franco-algérien seules applicables, comme il a été dit, aux ressortissants algériens demandeurs d'un certificat de résidence pour raisons de santé, d'autre part et en tout état de cause, était dépourvue de caractère impératif ;
9. Considérant que le moyen tiré de ce que le refus de séjour serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que le préfet n'aurait pas pris en considération les attaches familiales du requérant sur le territoire national, n'est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre à la Cour d'en apprécier le bien-fondé ; que ni la circonstance, à la supposer établie, que le requérant ne puisse bénéficier de soins appropriés en Algérie, ni le fait qu'il soit propriétaire d'un appartement en France ne suffit à regarder l'obligation de quitter le territoire français comme portant une atteinte disproportionnée au droit de M. E... au respect de sa vie privée et familiale, alors que l'intéressé, âgé de 59 ans à la date de la décision en cause, n'est présent en France que depuis février 2013 et que son épouse et leurs huit enfants résident en Algérie ; que, par suite, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 9 mai 2014 ; que, par voie de conséquence, doivent également être rejetées ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance du président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Marseille du 9 juillet 2014 est annulée.
Article 2 : La demande de première instance et le surplus des conclusions de la requête d'appel de M. E... sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 8 mars 2016, où siégeaient :
- M. Guidal, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme D... et M. A...'hôte, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 24 mars 2016.
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N° 14MA03492 5
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