Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E...C...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 29 janvier 2013 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé sa demande de regroupement familial au profit de son épouse B...et de sa fille Maroua.
Par un jugement n° 1306241 du 18 décembre 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 11 février 2015 et des mémoires enregistrés le 21 janvier 2016 et le 21 mars 2016, M.C..., représenté par MeF..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 décembre 2014 ;
2°) d'annuler la décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 29 janvier 2013 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de munir les intéressées d'autorisations provisoires de séjour et de statuer à nouveau sur leur cas dans un délai raisonnable afin de les placer dans une situation régulière au regard du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice.
Il soutient que :
- le refus est vicié par l'incompétence de son signataire en l'absence de preuve d'une délégation régulière ;
- il ne ressort pas de la décision en litige que le préfet ait consulté le maire de la commune de résidence, ce qui entache le refus d'illégalité externe et d'erreur de droit ;
- ni le préfet ni les premiers juges n'ont pris en considération l'intégralité des éléments de sa situation personnelle susceptibles de lui ouvrir droit au regroupement familial ;
- gérant majoritaire de la société Afrilog, il disposait d'un revenu imposable de 1 500 euros par mois en 2011, et justifie de ressources stables et suffisantes, de la propriété de deux logements dont l'un est source de revenus locatifs, et de revenus issus de sa société et sa propriété immobilière en Algérie ;
- l'administration a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision litigieuse emporte de graves conséquences personnelles, son épouse n'étant plus en mesure d'obtenir un visa pour accéder au territoire français ;
- le préfet a méconnu les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, et les dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les moyens de légalité externe qu'il invoque ne peuvent être déclarés irrecevables sans méconnaître l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et le principe du double degré de juridiction ;
- sa demande de première instance invitait les premiers juges à statuer sur l'intégralité des moyens d'excès de pouvoir relevant de la légalité externe et interne.
Les parties ont été informées le 14 mars 2016, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur les moyens relevés d'office tirés, d'une part, de l'irrecevabilité des moyens de légalité externe ne présentant pas un caractère d'ordre public qui relèvent d'une cause juridique nouvelle en appel et, d'autre part, du défaut d'intérêt à agir du requérant pour demander le versement d'une somme à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire enregistré le 15 mars 2016, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête de M.C....
Il acquiesce aux moyens soulevés d'office par la Cour et pour le surplus s'en rapporte à son mémoire de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. D...Pocheron en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hameline,
- et les observations de MeF..., représentant M.C....
1. Considérant que M. E...C..., ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité de dix ans, a sollicité le 6 décembre 2012 auprès de la préfecture des Bouches-du-Rhône le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse Mme B...A...et de leur plus jeune fille Maroua alors mineure ; que le silence de l'administration sur sa demande durant un délai de six mois a fait naître une décision implicite de rejet le 6 juin 2013 ; que, par une décision expresse du 29 juillet 2013 qui s'est substituée à la précédente, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé d'autoriser le regroupement familial ; que M. C...relève appel du jugement en date du 18 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision de refus ;
Sur la légalité de la décision du préfet des Bouches-du-Rhône :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Les membres de la famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent. Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente. Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1. Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance (...). " ;
3. Considérant que, si l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France, il n'a toutefois pas entendu écarter, sauf stipulations contraires expresses, l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titres de séjour ; qu'aux termes de l'article R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : / cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes ; (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 421-4 du même code : " A l'appui de sa demande de regroupement, le ressortissant étranger présente les copies intégrales des pièces suivantes : (...) 3° Les justificatifs des ressources du demandeur et, le cas échéant, de son conjoint, tels que le contrat de travail dont il est titulaire ou, à défaut, une attestation d'activité de son employeur, les bulletins de paie afférents à la période des douze mois précédant le dépôt de sa demande, ainsi que le dernier avis d'imposition sur le revenu en sa possession, dès lors que sa durée de présence en France lui permet de produire un tel document, et sa dernière déclaration de revenus. La preuve des revenus non salariaux est établie par tous moyens. " ;
4. Considérant que la condition de ressources définie par les stipulations et dispositions précitées vise à permettre à l'administration de s'assurer que le demandeur du regroupement familial dispose de revenus stables et d'un montant suffisant, quelle que soit leur origine ; qu'il ressort des pièces produites pour la première fois en appel, et notamment des avis d'imposition de M. C..., qu'au cours de la période de douze mois précédant le dépôt de sa demande de regroupement familial, soit du 1er décembre 2011 au 30 novembre 2012, il a disposé de revenus fonciers tirés de la location d'un bien immobilier à Marseille pour un montant mensuel moyen de 245 euros en 2011 puis de 350 euros en 2012, mais n'a perçu durant cette même période aucun revenu salarial de la société française de transit Afrilog dont il est le gérant depuis 2005 ; qu'il ressort toutefois des certificats établis par l'administration fiscale algérienne le 27 octobre 2015, produits par le requérant devant la Cour, que M. C...avait également au cours de la période en cause la qualité de gérant majoritaire de la société de transit Inter-Trans, et a perçu en cette qualité au cours des exercices 2012, 2013 et 2014 des revenus annuels de 3 600 000 dinars algériens, soit l'équivalent de ressources mensuelles moyennes largement supérieures au montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de la période de référence ; que, dans ces conditions, et alors que la réalité de ces dernières ressources et leur stabilité ne sont aucunement contestées par l'administration, le requérant est fondé à soutenir qu'il remplissait, à la date de sa demande, les conditions de ressources posées par les stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées pour une famille de trois personnes ; que, par suite, la décision contestée du préfet des Bouches-du-Rhône du 29 juillet 2013 portant refus de regroupement familial doit être annulée ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;
7. Considérant que M. C...demande à la Cour d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de munir son épouse et sa fille Maroua d'une autorisation provisoire de séjour et de statuer à nouveau sur leur cas afin de les placer dans une situation régulière au regard du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il précise cependant que sa demande de regroupement familial est devenue sans objet en ce qui concerne sa fille qui poursuit désormais des études supérieures en Algérie ; qu'il doit ainsi être regardé comme concluant, en application des dispositions précitées, à ce qu'il soit prescrit à l'administration d'admettre au séjour sa seule épouse dans le cadre du regroupement familial ; que le préfet ne fait état d'aucune circonstance de fait qui s'y opposerait à la date du présent arrêt ; que l'annulation de la décision de refus de regroupement familial opposée à M. C...le 29 juillet 2013 implique effectivement, eu égard à ses motifs, qu'il soit enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône d'admettre Mme B...A...épouse C...au séjour au titre du regroupement familial dans un délai de deux mois à compter de sa notification ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
9. Considérant que, dans le dernier état de ses écritures résultant de son mémoire du 21 mars 2016, M. C...a formé des conclusions tendant à ce que l'Etat lui verse une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés dans l'instance et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, une somme de 1 500 euros à lui verser en application des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1306241 du 18 décembre 2014 et la décision du 29 juillet 2013 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande de regroupement familial formée par M. E...C...au profit de son épouse B...et de sa fille Maroua sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône d'autoriser le regroupement familial au profit de Mme B...A...épouse C...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. C...une somme de 1 500 (mille cinq cent) euros en application des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2016, où siégeaient :
- M. Pocheron, président-assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Hameline, premier conseiller,
- Mme Marchessaux, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 avril 2016.
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N° 15MA00557