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13/05/2016 | FRANCE | N°15MA01033

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 13 mai 2016, 15MA01033


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat à lui verser la somme de 733 205,11 euros en réparation des préjudices subis du fait des fautes commises par le rectorat dans sa prise en charge sur un poste adapté, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2013.

Par un jugement n° 1305301 du 31 décembre 2014, le tribunal administratif de Montpellier a condamné l'Etat à verser à Mme C... une somme de 37 085,34 euros, assortie des intérêts au

taux légal à compter du 5 juillet 2013 et de la capitalisation des intérêts à compte...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat à lui verser la somme de 733 205,11 euros en réparation des préjudices subis du fait des fautes commises par le rectorat dans sa prise en charge sur un poste adapté, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2013.

Par un jugement n° 1305301 du 31 décembre 2014, le tribunal administratif de Montpellier a condamné l'Etat à verser à Mme C... une somme de 37 085,34 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2013 et de la capitalisation des intérêts à compter du 5 juillet 2014.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et des mémoires complémentaires, enregistrés le 9 mars 2015, le 20 octobre 2015 et le 19 janvier 2016, la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche demande à la Cour de réformer le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 31 décembre 2014 en limitant à 14 343,34 euros la condamnation prononcée.

Elle soutient que :

- son recours a été présenté dans le délai d'appel ;

- le préjudice de Mme C... relatif aux conséquences de son refus d'accepter un poste de greffier à la cour d'appel de Grenoble n'est ni établi, ni imputable aux fautes engageant la responsabilité de l'administration ;

- le préjudice moral subi par Mme C... doit être évalué à 2 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 22 septembre 2015 et le 4 janvier 2016, et des pièces complémentaires, enregistrées le 8 février 2016, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident :

- de réformer le jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a limité à la somme de 17 742 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'Etat en réparation de son préjudice du fait de sa perte de chance de percevoir un traitement net de greffier à la cour d'appel de Grenoble, et à la somme de 7 000 euros l'indemnité au titre de son préjudice moral ;

- de condamner l'Etat à lui verser la somme complémentaire de 8 871 euros en réparation de son préjudice relatif à sa perte de chance de percevoir un traitement de greffier et la somme complémentaire de 5 000 euros au titre de son préjudice moral ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le recours est tardif ;

- son préjudice relatif à sa perte de chance de percevoir un traitement de greffier, qu'elle aurait accepté si l'administration ne lui avait pas promis de la recruter en qualité d'enseignante, doit être évalué sur une période de dix-huit mois ;

- son préjudice moral a été aggravé notamment par le déroulement de la procédure contentieuse ;

- les autres moyens soulevés par la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires, ensemble la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- le décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 relatif au cumul d'activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l'Etat ;

- le décret n° 95-979 du 25 août 1995 modifié relatif au recrutement des travailleurs handicapés dans la fonction publique pris pour l'application de l'article 27 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- le code de procédure civile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Argoud,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant Mme C....

Une note en délibéré présentée par Mme C... a été enregistrée le 25 avril 2016.

1. Considérant que, par un jugement du 31 décembre 2014, le tribunal administratif de Montpellier a condamné l'Etat à verser à Mme C... une somme de 37 085,34 euros assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts à compter du 5 juillet 2014, en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait des fautes commises par le recteur de l'académie de Montpellier, premièrement, en refusant de recruter Mme C... par sa décision du 31 octobre 2012, en violation des engagements qu'il a pris à l'égard de l'intéressée par son courrier du 1er juin 2012 et réitérés dans des courriels adressés au cours de l'été 2012, deuxièmement, en ne lui proposant aucun poste à temps complet lui permettant de bénéficier d'une rémunération à temps complet, et, troisièmement, en interrompant le processus de recrutement de Mme C..., en raison notamment de ses demandes d'informations relatives à son lieu d'affectation et à sa quotité de temps de travail, et de l'intervention de son conseil auprès du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et de diverses instances de médiation ; que la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche relève appel de ce jugement en tant qu'il a alloué à Mme C... une somme de 17 742 euros en réparation de son préjudice résultant de sa perte de chance de percevoir pendant un an un traitement de greffier et en tant qu'il a évalué à plus de 2 000 euros son préjudice moral ; que Mme C..., par la voie de l'appel incident, conteste ce jugement en tant qu'il a évalué sa perte de chance de percevoir un traitement de greffier au cours d'une période de douze mois au lieu d'une période de dix-huit mois et demande, en outre, à ce que l'évaluation de son préjudice moral soit portée à un montant supplémentaire de 5 000 euros ;

Sur la recevabilité de l'appel principal :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4. " ; que ce délai est un délai franc ; qu'en vertu de la règle rappelée à l'article 642 du code de procédure civile, un délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant ; qu'il résulte de l'instruction que le jugement attaqué a été notifié au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche le 6 janvier 2015 ; que le délai d'appel de deux mois, expirant le samedi 7 mars, était donc prorogé jusqu'au lundi 9 mars 2015 ; que le recours du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, enregistré au greffe de la cour le 9 mars 2015, n'est donc pas tardif ;

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne le préjudice résultant de la perte de chance de Mme C... de percevoir un traitement de greffier :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 dans sa rédaction applicable au litige : " I.-Les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public consacrent l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit. (....) / Les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public peuvent toutefois être autorisés à exercer, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, à titre accessoire, une activité, lucrative ou non, auprès d'une personne ou d'un organisme public ou privé, dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui leur sont confiées et n'affecte pas leur exercice (....) " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret n° 2007-658 du 2 mai 2007, susvisé : " Dans les conditions fixées au dernier alinéa du I de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée et celles prévues par le présent décret, les fonctionnaires (...) peuvent être autorisés à cumuler des activités accessoires à leur activité principale, sous réserve que ces activités ne portent pas atteinte au fonctionnement normal, à l'indépendance ou à la neutralité du service. " ; qu'aux termes de l'article 8 de ce décret : " L'autorité dont relève l'agent peut s'opposer à tout moment à la poursuite d'une activité dont l'exercice a été autorisé, dès lors que l'intérêt du service le justifie, que les informations sur le fondement desquelles l'autorisation a été donnée apparaissent erronées ou que l'activité en cause ne revêt plus un caractère accessoire. " ;

4. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'un fonctionnaire ne peut pas être autorisé à cumuler avec son activité principale à temps complet une seconde activité à temps complet, dès lors que celle-ci ne pourrait pas être regardée comme une activité accessoire à la première, au sens et pour l'application de ces dispositions ;

5. Considérant que Mme C... n'est donc pas fondée à se prévaloir d'un préjudice résultant d'une perte de chance de cumuler avec une activité, à temps complet, de professeur d'un lycée de l'académie de Montpellier, d'une activité à temps complet de greffier à la cour d'appel de Grenoble ;

6. Considérant, en second lieu, qu'il résulte des termes du jugement attaqué du tribunal administratif de Montpellier, devenu définitif sur ce point, d'une part, que la responsabilité de l'administration est engagée pour avoir refusé de recruter Mme C..., en ne lui proposant pas de poste à temps complet, interrompant ainsi son processus de recrutement ; que le préjudice, en résultant pour elle, est constitué par les conséquences de cette absence de recrutement, qui l'a privée de l'exercice pendant un an des fonctions de professeur stagiaire ; qu'elle n'est en revanche pas fondée à demander le préjudice consécutif au fait, pour l'administration, d'avoir initié ce processus de recrutement ; qu'elle n'est donc pas fondée à demander la réparation de sa perte de chance d'avoir occupé un poste de greffier, en lieu et place de celui d'enseignant, qui est dépourvue de lien de causalité avec la faute de l'administration ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche est donc fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée à verser à Mme C... une somme de 17 742 euros en réparation de son préjudice résultant de sa perte de chance de percevoir, pendant un an, un traitement de greffier ; que, par voie de conséquence, les conclusions présentées par Mme C..., par voie d'appel incident, tendant à ce son indemnisation de ce chef de préjudice soit évaluée en prenant en compte une durée plus importante que celle prise en compte par les premiers juges, doivent être rejetées ;

En ce qui concerne le préjudice moral :

8. Considérant que les premiers juges ont apprécié à un montant de 7 000 euros le préjudice moral de Mme C..., en prenant en compte l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de ce qu'il s'est écoulé plus de 5 mois entre la promesse d'embauche formulée le 1er juin 2012, et la décision du recteur d'abandonner la procédure de recrutement, le 31 octobre 2012, et des nombreuses incertitudes qui ont suivi l'annonce de la promesse de recrutement quant au lieu d'affectation et à la quotité de temps de travail ; que, d'une part, la ministre en se bornant à faire valoir que l'intéressée avait la faculté de solliciter, à nouveau, un poste, l'année suivante, n'apporte pas d'éléments de nature à remettre en cause cette

appréciation ; que, d'autre, part, l'intéressée en invoquant le caractère particulièrement pénible pour elle de sa situation, en raison de son handicap, et du fait d'avoir été obligée d'engager une procédure contentieuse et une aggravation de son préjudice postérieurement au jugement du tribunal administratif de Montpellier, du fait de la mauvaise volonté du ministre à exécuter ce jugement, de l'appel formé par cette autorité à l'encontre dudit jugement, et du maintien du caractère précaire de sa situation, alors, par ailleurs, que le présent arrêt fait partiellement droit à l'appel du ministre, ne peut être regardée comme établissant l'existence d'une aggravation de son préjudice moral liée de façon directe et certaine, à la faute engageant la responsabilité de l'administration ; que, par suite, la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif l'a condamnée à verser une somme de 7 000 euros en réparation du préjudice moral de Mme C... ; que les conclusions en appel incident de Mme C... tendant à ce qu'une somme supplémentaire de 5 000 euros lui soit allouée en réparation de ce préjudice doivent être rejetées ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif l'a condamnée à verser à Mme C... une somme de 37 085,34 euros ; qu'il convient de ramener cette somme à 19 243,34 euros ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante à la présente instance, verse une quelconque somme sur leur fondement au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 37 085,34 euros (trente sept mille quatre vingt cinq euros et trente quatre centimes) que l'Etat a été condamné à verser à Mme C... par le jugement du 31 décembre 2014 est ramenée à 19 243,34 euros (dix neuf mille deux cent quarante trois euros et trente quatre centimes).

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 31 décembre 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions présentées par Mme C... en appel incident et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C...et à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Copie en sera transmise au recteur de l'académie de Montpellier.

Délibéré après l'audience du 22 avril 2016, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,

- M. Portail, président-assesseur,

- M. Argoud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 mai 2016.

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N° 15MA01033


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA01033
Date de la décision : 13/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Absence ou existence du préjudice.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Évaluation du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: M. Jean-Marie ARGOUD
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : ANCEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-05-13;15ma01033 ?
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