Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Affaire d'Or a demandé au tribunal administratif de Montpellier la décharge de l'obligation de payer la somme de 170 292,69 euros procédant de l'avis à tiers détenteur émis le 19 juillet 2012 par le comptable public du service des impôts des particuliers de Montpellier 1 pour avoir paiement, d'une part, de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales dont elle restait redevable au titre des exercices clos en 1998, 1999 et 2000 et, d'autre part, de la cotisation de taxe professionnelle mise à sa charge au titre de l'année 2007.
Par un jugement n° 1204873 du 6 février 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 3 avril 2014, le 23 septembre 2014 et le 8 octobre 2014, la SARL Affaire d'Or, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 6 février 2014 ;
2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- dès lors qu'elle a contesté dans le délai légal l'avis à tiers détenteur émis le 19 juillet 2012, sa requête est recevable ;
- le jugement attaqué n'a pas répondu à l'argumentation selon laquelle l'administration ne justifie pas, en se bornant à produire un seul avis de réception, avoir notifié le 23 mai 2008 deux commandements de payer en date du 19 mai 2008 relatifs aux cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales en litige ;
- l'avis à tiers détenteur contesté ne lui est pas opposable dès lors qu'il n'a pas été précédé de la notification d'une lettre de rappel ou d'une contrainte ;
- l'administration n'apporte pas la preuve que le signataire de cet avis bénéficiait d'une délégation de signature publiée au recueil des actes administratifs ;
- dès lors qu'existe une discordance entre le montant des sommes réclamées par les commandements de payer et l'avis à tiers détenteur en litige, ce dernier est irrégulier ;
- l'administration n'a pas apporté la justification de la suspension du délai de prescription par l'octroi effectif du sursis de paiement ;
- les sommes réclamées au titre de la taxe professionnelle n'ont pas fait l'objet d'une réclamation et partant, d'une demande de sursis de paiement ;
- l'administration ne justifie pas davantage avoir notifié dans un même pli les deux commandements de payer du 19 mai 2008 ;
- ces commandements de payer n'indiquent pas précisément les voies et délais de recours et comportent une signature illisible.
Par des mémoires enregistrés le 18 juin 2014 et le 20 novembre 2014, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable ;
- la société requérante, qui s'est abstenue de former opposition à l'obligation de payer résultant du commandement de payer notifié le 23 mai 2008 et de se prévaloir alors de la prescription de l'action en recouvrement dans le délai d'opposition, n'est plus recevable à invoquer ce moyen à l'appui de la présente contestation contre un acte postérieur ;
- les autres moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Carotenuto,
- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.
1. Considérant que la SARL Affaire d'Or a demandé au tribunal administratif de Montpellier la décharge de l'obligation de payer la somme de 170 292,69 euros procédant de l'avis à tiers détenteur émis le 19 juillet 2012 par le comptable public du service des impôts des particuliers de Montpellier 1 pour avoir paiement, d'une part, de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales dont elle restait redevable au titre des exercices clos en 1998, 1999 et 2000, et d'autre part, de la cotisation de taxe professionnelle due au titre de l'année 2007 ; que par le jugement attaqué du 6 février 2014, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que la SARL Affaire d'Or fait valoir que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que l'administration n'a rapporté la preuve de la réception que d'un seul des deux commandements de payer émis à son encontre le 19 mai 2008 ; que, toutefois, les premiers juges ont, en tout état de cause, suffisamment explicité la raison pour laquelle ils n'ont pas accueilli ce moyen en énonçant que, par la production d'un avis de réception signé de son destinataire, l'administration a justifié avoir notifié le 23 mai 2008 les deux commandements de payer en cause ;
Sur les conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics compétents mentionnés à l'article L. 252 doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. Les contestations ne peuvent porter que : 1° Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; 2° Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés, dans le premier cas, devant le juge de l'exécution, dans le second cas, devant le juge de l'impôt tel qu'il est prévu à l'article L. 199. " ;
4. Considérant que, dès lors qu'ils se rattachent à la régularité en la forme d'un acte de poursuite au sens des dispositions précitées du livre des procédures fiscales et ressortissent ainsi de la compétence du juge de l'exécution, doivent être écartés comme portés devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître tant le moyen tiré par la SARL Affaire d'Or de ce que le signataire de l'avis à tiers détenteur contesté n'aurait pas bénéficié d'une délégation régulière, que le moyen par lequel la société requérante se prévaut de l'absence de la lettre de rappel qui, selon les dispositions de l'article L. 255 du livre des procédures fiscales, doit précéder le premier acte de poursuites devant donner lieu à des frais ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales : " Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l'action en vue du recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous autres actes interruptifs de la prescription. " ; qu'aux termes de l'article L. 275 du même livre, alors en vigueur : " La notification d'un avis de mise en recouvrement interrompt la prescription courant contre l'administration et y substitue la prescription quadriennale. Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa est interrompu dans les conditions indiquées à l'article L. 274. " ; qu'aux termes de l'article L. 277 du même livre : " Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge peut, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, être autorisé à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. Le sursis de paiement ne peut être refusé au contribuable que s'il n'a pas constitué auprès du comptable les garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor. (...) " ; qu'en vertu des dispositions précitées, les impositions contestées par un contribuable, lorsqu'il a assorti sa réclamation régulière d'une demande de sursis de paiement, ne redeviennent exigibles et le cours du délai de prescription de l'action en recouvrement ne recommence par voie de conséquence à courir à leur égard avant qu'il ait été statué sur leur bien-fondé par le directeur des services fiscaux ou, le cas échéant, par le tribunal administratif, que si le contribuable s'abstient de constituer les garanties demandées par le comptable ou si celles qu'il a proposées sont rejetées par ce dernier selon une décision régulièrement notifiée ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que la SARL Affaire d'Or a régulièrement contesté le bien-fondé des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1998 à 2000, lesquelles ont été mises en recouvrement le 31 décembre 2002, par trois réclamations assorties de demandes de sursis de paiement, reçues par l'administration les 14 février 2003, 14 décembre 2003 et 28 décembre 2004 ; qu'il s'ensuit que du seul fait qu'elle a présenté ces demandes de sursis de paiement, et alors même qu'elle n'aurait pas été invitée par le comptable à constituer des garanties propres à assurer le recouvrement de l'impôt, la SARL Affaire d'Or a bénéficié de la suspension de l'exigibilité des impositions mises à sa charge jusqu'à la notification du jugement en date du 26 mars 2008 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande de décharge des impositions en cause ; qu'ainsi le délai de quatre ans prévu par l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, dont la suspension est intervenue au plus tard le 28 décembre 2004, a repris son cours à compter de cette notification et n'était pas expiré lorsque lui a été signifié le 4 septembre 2008 un procès-verbal de saisie-vente relatif à ces mêmes impositions ; que, dès lors, à la date de l'émission, le 19 juillet 2012, de l'avis à tiers détenteur contesté, la prescription prévue à l'article L. 274 du livre des procédures fiscales n'était pas acquise à la société requérante à l'égard des suppléments d'impôt dont il s'agit ;
7. Considérant, d'autre part, que la cotisation de taxe professionnelle due au titre de l'année 2007 par la SARL Affaire d'Or, laquelle a été mise en recouvrement le 31 octobre 2007, a fait l'objet d'un commandement de payer en date du 29 février 2008, reçu par la société requérante le 5 mars suivant ; que cette imposition a également donné lieu, le 20 février 2012, à une mise en demeure valant commandement de payer ; que si la SARL Affaire d'Or soutient que l'administration ne justifie de la notification de ce dernier acte de poursuite que par la production d'un seul avis de réception postal alors que deux autres mises en demeure de payer ont été établies le même jour pour obtenir le paiement des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales dont elle restait redevable au titre des exercices clos en 1998, 1999 et 2000, la société requérante, qui ne conteste pas que le pli en cause contenait trois feuillets, n'affirme pas formellement que la mise en demeure afférente à la taxe professionnelle n'était pas au nombre de ces feuillets ; qu'ainsi, le délai de prescription, qui avait recommencé à courir à compter du 5 mars 2008, doit être regardé comme ayant de nouveau été interrompu par une mise en demeure tenant lieu de commandement de payer valablement notifiée le 29 février 2012, ainsi qu'en attestent les mentions portées sur l'avis de réception postal produit par l'administration ; que, dès lors, à la date de l'émission, le 19 juillet 2012, de l'avis à tiers détenteur contesté, la prescription prévue à l'article L. 274 du livre des procédures fiscales n'était pas davantage acquise à la société requérante en ce qui concerne la cotisation de taxe professionnelle en litige ;
8. Considérant, en dernier lieu, que s'agissant de la discordance qui existerait selon la SARL Affaire d'Or entre, d'une part, les montants figurant sur deux commandements de payer émis le 19 mai 2008 pour avoir paiement des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales contestées et, d'autre part, celui indiqué sur l'avis à tiers détenteur en litige, l'administration fait valoir qu'il y a lieu d'ajouter aux sommes portées sur les deux commandements de payer du 19 mai 2008 le montant réclamé par le commandement de payer du 29 février 2008 au titre de la taxe professionnelle ainsi que les frais portés sur l'avis à tiers détenteur, qui ne sont pas mentionnés sur les commandements de payer, et de retrancher les acomptes versés postérieurement aux commandements ; que la société requérante n'apporte pas d'éléments de nature à remettre en cause ces explications ; que par suite, le moyen doit être écarté ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le ministre, que la SARL Affaire d'Or n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la SARL Affaire d'Or au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Affaire d'Or est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Affaire d'Or et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Délibéré après l'audience du 31 mai 2016, où siégeaient :
- M. Cherrier, président,
- M. Martin, président-assesseur,
- Mme Carotenuto, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 juin 2016.
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N° 14MA01593
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