Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 3 août 2015 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1506833 du 16 novembre 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
I - Par une requête enregistrée le 17 décembre 2015, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 novembre 2015 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 août 2015 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trente jours à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé en ce qui concerne la réponse au moyen par lequel elle invoquait une atteinte disproportionnée à sa vie familiale ;
- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée ;
- le préfet ne s'est pas livré à un examen particulier de sa situation et s'est cru lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, avis qui n'a pas été porté à sa connaissance ;
- la décision est irrégulière dès lors que le préfet ne peut se prononcer sur son admission à l'asile ;
- le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu, dès lors que son état de santé, lié aux événements traumatisants subis en Arménie, justifiait son admission au séjour et que le directeur de l'agence régionale de santé n'a pas été consulté afin de recueillir son avis sur les circonstances humanitaires dont elle a fait état en préfecture ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire national méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- en raison de son état de santé, les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues.
II - Par une requête enregistrée le 17 décembre 2015, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) de prononcer, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 1506833 du 16 novembre 2015 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- l'exécution du jugement entraînerait pour elle des conséquences difficilement réparables dès lors qu'elle serait obligée de regagner l'Arménie ;
- le jugement est insuffisamment motivé en ce qui concerne la réponse au moyen par lequel elle invoquait une atteinte disproportionnée à sa vie familiale ;
- sa requête s'appuie sur des moyens propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux, développés dans sa requête tendant à l'annulation du jugement.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 29 février 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2015, le président de la Cour a notamment désigné M. Jean-Louis Bédier, président, pour statuer, dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l'article R. 776-9 du code de justice administrative sur les litiges mentionnés à l'article R. 776-1 du même code.
1. Considérant que les requêtes enregistrées sous le n° 15MA04925 et sous le n° 15MA04926 présentées par Mme D... sont dirigées contre le même jugement et la même décision ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule ordonnance ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 776-9 du code de justice administrative : " (...) Le président de la cour administrative d'appel ou le magistrat qu'il désigne à cet effet peut statuer par ordonnance dans les cas prévus à l'article R. 222-1. Il peut, dans les mêmes conditions, rejeter les requêtes qui ne sont manifestement pas susceptibles d'entraîner l'infirmation de la décision attaquée " ;
3. Considérant que Mme D..., de nationalité arménienne, demande à la Cour, par sa requête enregistrée sous le n° 15MA04925 d'annuler le jugement du 16 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 août 2015 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que, par sa requête enregistrée sous le n° 15MA04926, elle demande la sursis à exécution du même jugement ;
Sur la régularité du jugement :
4. Considérant que, contrairement à ce que soutient Mme D..., les premiers juges ont suffisamment répondu au point 9 de leur jugement, au moyen par lequel elle invoquait l'atteinte disproportionnée que la décision du préfet aurait portée à sa vie familiale ;
Sur la légalité de la décision de refus de séjour :
En ce qui concerne la légalité externe de la décision :
5. Considérant que l'arrêté attaqué vise notamment la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990, les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier ses articles L. 511-1, L. 512-1, L. 513-2, L. 741-4 et L. 742-6 ainsi que la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ; que l'arrêté comporte également des éléments précis et circonstanciés relatifs à la situation de la requérante ; que le préfet a notamment fait mention de l'état de santé de cette dernière et de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé le 4 mars 2014 ; que l'arrêté mentionne également divers éléments relatifs à la situation administrative et à la vie familiale de l'intéressée, en relevant notamment que son époux fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire et en concluant qu'elle n'entre dans aucune des catégories de plein droit définies par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obtenir un titre de séjour ; qu'il mentionne, en outre, que Mme D... n'établit pas qu'elle serait exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'il s'ensuit que Mme D... n'est donc pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué serait insuffisamment motivé ou que le préfet ne se serait pas livré à un examen particulier de sa situation ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait au préfet de transmettre l'avis du médecin de l'agence régionale de santé à Mme D... avant de statuer sur son droit au séjour ;
7. Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce qu'affirme Mme D..., le préfet était compétent pour se prononcer sur la demande de titre de séjour qu'elle avait présentée au titre de l'asile ;
En ce qui concerne la légalité interne de la décision :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général (...). L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. L'étranger mentionné au 11° de l'article L. 313-11 qui ne remplirait pas la condition de résidence habituelle peut recevoir une autorisation provisoire de séjour renouvelable pendant la durée du traitement." ; que l'arrêté du 9 novembre 2011 portant application de ces dispositions impose au médecin de l'agence régionale de santé d'émettre un avis précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié dans son pays ; qu'il appartient ainsi à ce médecin, tout en respectant le secret médical, de donner au préfet les éléments relatifs à la gravité de la pathologie présentée par l'étranger intéressé et à la nature des traitements qu'il doit suivre, nécessaires pour éclairer sa décision ;
9. Considérant, en premier lieu, qu'il y a lieu d'écarter les moyens par lesquels Mme D... soutient que les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues dès lors que son état de santé, lié aux événements traumatisants subis en Arménie, justifiait son admission au séjour et que le directeur de l'agence régionale de santé aurait dû être consulté par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal aux points 5 à 7 de son jugement ; qu'en outre, il ne résulte pas des pièces du dossier que le préfet se serait estimé lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ;
10. Considérant, en second lieu, que les circonstances que la requérante, dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 29 octobre 2013, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 23 mai 2014, aurait dû fuir l'Arménie du fait de la situation politique de ce pays et que l'état de santé de sa belle-mère nécessite un suivi médical régulier, ne suffit pas à justifier que sa demande d'admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " et qu'aux termes du 10° de l'article L. 511- 4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé " ;
12. Considérant qu'il y a lieu d'écarter les moyens par lesquels Mme D... soutient que la décision l'obligeant à quitter le territoire national méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que, en raison de son état de santé, les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal respectivement aux points 9, 12 et 5 à 7 de son jugement ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de Mme D... n'est manifestement pas susceptible d'entraîner l'infirmation du jugement attaqué ; que, par suite, ses conclusions à fin d'annulation de ce jugement doivent, en application de l'article R. 776-9 du code de justice administrative, être rejetées ;
Sur les conclusions à fin de sursis à l'exécution du jugement attaqué :
14. Considérant que, dès lors qu'il est statué sur la requête au fond de Mme D... tendant à l'annulation du jugement du 16 novembre 2015 du tribunal administratif de Marseille, les conclusions de l'intéressée tendant au sursis à l'exécution de ce même jugement deviennent sans objet ; qu'il n'y a, par suite, pas lieu d'y statuer ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
15. Considérant que la présente ordonnance n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu de rejeter les conclusions formées en ce sens par Mme D... ;
Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
16. Considérant que les dispositions de ces articles font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances, au titre des frais exposés par Mme D... et non compris dans les dépens ;
ORDONNE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 15MA04926 de Mme D....
Article 2: La requête n° 15MA04925 de Mme D..., ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A... C...épouse D...et à Me B....
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Fait à Marseille, le 20 juin 2016.
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N° 15MA4925, 15MA04926