Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à titre principal et l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille à titre subsidiaire à lui payer la somme de 135 000 euros à titre de provision en réparation de ses préjudices.
Par une ordonnance n° 1500952 du 8 juin 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 11 juin 2015 et le 2 novembre 2015, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Marseille du 8 juin 2015 ;
2°) statuant en référé, de condamner l'ONIAM, à titre principal, et l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille, à titre subsidiaire, à lui payer la somme de 135 000 euros à titre de provision en réparation de ses préjudices, avec les intérêts ;
3°) de mettre à la charge de l'ONIAM et de l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa créance sur l'ONIAM n'est pas sérieusement contestable dès lors qu'il a été victime d'une infection nosocomiale et que son taux d'incapacité permanente est supérieur à 25 % ;
- sa créance sur l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille n'est pas sérieusement contestable en raison du retard fautif à lui administrer un traitement antifongique ;
- la responsabilité de l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille est également engagée au titre de l'infection nosocomiale ;
- la responsabilité sans faute de l'établissement hospitalier est engagée au titre du produit de santé défectueux ;
- les préjudices évalués par les experts justifient l'allocation d'une indemnité provisionnelle d'un montant de 135 000 euros.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 31 juillet 2015, le 24 novembre 2015 et le 12 avril 2016, l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la créance est sérieusement contestable en l'absence de retard fautif dans l'administration d'un traitement antifongique ;
- la réparation de l'infection nosocomiale n'incombe qu'à l'ONIAM ;
- il existe un doute sur le caractère nosocomial de l'infection ;
- l'infection nosocomiale ne lui est pas imputable ;
- la responsabilité sans faute en raison de l'implantation d'un produit de santé défectueux ne peut être transposée aux produits issus du corps humain ;
- la défectuosité du produit de santé n'est pas établie ;
- le centre hospitalier d'Avignon est le fournisseur du produit de santé ;
- il n'est pas certain que le requérant aurait échappé au dommage en l'absence de défectuosité du produit de santé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 août 2015, l'ONIAM conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les dispositions de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique ne sont pas applicables en l'absence d'infection nosocomiale ;
- l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille est responsable même en l'absence de faute des conséquences dommageables de l'implantation d'un produit de santé défectueux ;
- la responsabilité pour faute de l'établissement hospitalier est engagée en raison de son retard à administrer un traitement antifongique et d'un défaut de surveillance ;
- la responsabilité sans faute du centre hospitalier d'Avignon est engagée en sa qualité de producteur ou de fournisseur d'un produit de santé défectueux ;
- la responsabilité pour faute du centre hospitalier d'Avignon est engagée ;
- les dommages ne peuvent être indemnisés sur le fondement du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique dès lors qu'ils n'ont pas eu de conséquences anormales.
La requête a été communiquée à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Vanhullebus, président, en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative.
1. Considérant que M. A..., qui présentait une insuffisance rénale, a subi le 21 novembre 2012 une transplantation de rein droit ; qu'un traitement antifongique a été mis en place le 28 novembre 2012 ; qu'une première reprise chirurgicale a été effectuée en urgence le 29 novembre 2012 puis une seconde, le lendemain pour explanter le transplant et réaliser un pontage artériel complexe ; que M. A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille de condamner l'ONIAM à titre principal et l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille à titre subsidiaire à lui payer la somme de 135 000 euros à titre de provision en réparation de ses préjudices ; qu'il fait appel de l'ordonnance du 8 juin 2015 par laquelle le juge des référés a rejeté sa demande ;
Sur l'obligation de l'ONIAM :
2. Considérant, qu'aux termes de l'article R. 541-1 code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude ; que, dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état ; que, dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique : " Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales (...) " ;
4. Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L. 1142-1-1, L. 1142-17 et L. 1142-22 du code de la santé publique que l'ONIAM est tenu d'assurer la réparation au titre de la solidarité nationale des dommages résultant des infections nosocomiales, à la seule condition qu'elles aient entraîné un taux d'incapacité permanente supérieur à 25% ou le décès du patient ; qu'il ne peut s'exonérer de cette obligation en invoquant, sur le fondement du I de l'article L. 1142-1 du même code, la responsabilité de l'établissement de santé dans lequel l'infection a été contractée ; que l'office peut uniquement demander à cet établissement de l'indemniser de tout ou partie des sommes ainsi à sa charge en exerçant à l'encontre de ce dernier l'action récursoire prévue au deuxième alinéa de l'article L. 1142-21 du même code, dans le cadre d'une instance dirigée contre lui ; que la responsabilité de l'établissement n'est engagée qu' " en cas de faute établie à l'origine du dommage, notamment le manquement caractérisé aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales " ;
5. Considérant, dès lors, que l'obligation de réparer un dommage remplissant les conditions définies à l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique constitue pour l'ONIAM une obligation non sérieusement contestable de nature à justifier la mise à sa charge d'une provision par le juge des référés, sans que puissent y faire obstacle les fautes qui seraient imputables à l'établissement de santé ; que l'office peut, en revanche, obtenir à son tour de l'établissement, y compris dans le cadre de l'instance en référé relative à la réparation du dommage, le versement d'une provision au titre de l'action récursoire prévue au deuxième alinéa de l'article L. 1142-21 du même code, couvrant tout ou partie de la provision devant être mise à sa propre charge, à condition que l'obligation de l'établissement à l'indemniser sur ce fondement ne soit elle-même pas sérieusement contestable ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des rapports initial et complémentaire des experts désignés par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, que M. A... a été victime, dans les suites immédiates de l'intervention du 21 novembre 2012, d'une infection résultant d'une contamination du site opératoire par un agent fongique, levure candida albicans, et nécessitant l'institution d'un traitement antifongique ; que cette infection, consécutive à celle, d'origine indéterminée, du liquide de conservation du greffon, est survenue au cours ou au décours de la prise en charge et n'était ni présente ni en incubation au début de la prise en charge ; qu'elle présente ainsi le caractère d'une infection nosocomiale ; que le taux du déficit fonctionnel permanent étant évalué à 30 %, les dommages subis par M. A... résultant de cette infection ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale en application des dispositions précitées de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique ;
7. Considérant que, dès lors que l'infection présente un caractère nosocomial, l'ONIAM, qui ne dirige aucune conclusion à l'encontre des centres hospitaliers, ne peut utilement se prévaloir, pour contester son obligation envers M. A..., de ce que la responsabilité pour faute des établissements hospitaliers ayant prélevé l'organe et procédé à la transplantation serait seule susceptible d'être engagée ; qu'un organe prélevé en vue d'une transplantation ne constituant pas un produit de santé au sens et pour l'application de l'exception prévue au I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, l'ONIAM n'est pas davantage fondé à soutenir que la responsabilité sans faute de l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille pourrait seule être recherchée par le requérant ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'obligation de l'ONIAM n'est pas sérieusement contestable ;
Sur le montant de la provision :
9. Considérant que M. A... est en droit de prétendre à la réparation de la totalité des préjudices en lien avec l'infection ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :
10. Considérant que M. A..., justifie avoir conservé à sa charge des frais d'hospitalisation pour une somme de 756 euros et réclame en outre une somme de 162 euros au titre du forfait journalier ; qu'il y a lieu, en l'état des justifications produites devant le juge des référés, de fixer à 340 euros le montant correspondant à la part de ces frais au titre de la seule période, imputable à l'infection nosocomiale, courant du 12 au 31 décembre 2012 ; que le requérant n'établit pas que la part restée à sa charge des frais de consultation d'un médecin psychiatre à compter du 14 mai 2013 soient directement liés à l'infection ;
11. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, que les séquelles de l'infection dont M. A... a été atteint sont à l'origine d'un besoin en assistance par tierce personne non spécialisée, sur la base d'un tarif horaire de 13 euros, à raison de six heures par semaine pendant une durée de six mois à compter du 31 décembre 2012, date du retour au domicile, puis de quatre heures hebdomadaires jusqu'au 28 octobre 2013, veille de la date de consolidation ;
12. Considérant qu'il ressort du rapport d'expertise que les besoins en assistance par une tierce personne non spécialisée sont justifiés par l'état de santé en lien avec l'infection nosocomiale à hauteur de quatre heures par semaine au titre de la période courant de la date de consolidation de l'état de santé jusqu'au 31 janvier 2015 ainsi que le demande le requérant ;
13. Considérant qu'il y a lieu d'allouer à M. A... une provision de 6 300 euros au titre de l'assistance par tierce personne ;
En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :
14. Considérant que l'infection nosocomiale dont M. A... a été victime a été à l'origine pour l'intéressé d'une majoration du déficit fonctionnel temporaire ; que ce déficit s'est ainsi élevé aux taux de 100 % à compter du 21 novembre 2012, de 75 % à compter du 1er janvier 2013 puis de 50 % à compter du 1er juin 2013 jusqu'à la date de consolidation de son état de santé alors que le déficit fonctionnel temporaire aurait été, en l'absence de cette infection, de 100 % du 21 novembre au 12 décembre 2012, puis de 50 % jusqu'au 21 février 2013 et de 25 % jusqu'à la consolidation ;
15. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A... a été victime, du fait de l'infection, d'un déficit fonctionnel permanent au taux de 30 %, de souffrances évaluées à 5 sur une échelle de 7 et d'un préjudice esthétique estimé à 3 sur une échelle de 7, ainsi que d'un préjudice sexuel qui n'est toutefois imputable à l'infection nosocomiale que pour une part modérée qu'il y a lieu de fixer au tiers ; que l'intéressé ne justifie pas de l'existence du préjudice d'agrément dont il demande réparation ;
16. Considérant qu'il y a lieu de fixer à 75 000 euros le montant de la provision accordée au titre des préjudices mentionnés aux points 14 et 15 ;
17. Considérant qu'il résulte de ce qui a été indiqué aux points 10, 13 et 16 qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM le versement à M. A... d'une provision d'un montant de 81 300 euros ; que l'intéressé a droit aux intérêts au taux légal de cette somme à compter du 5 février 2015, date d'enregistrement de sa demande au greffe du tribunal administratif de Marseille ;
18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée du 8 juin 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
19. Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM le versement à M. A... d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
ORDONNE
Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Marseille du 8 juin 2015 est annulée.
Article 2 : L'ONIAM est condamné à verser à M. A... une provision de 81 300 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 février 2015.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : L'ONIAM versera à M. A... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente ordonnance est déclarée commune à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.
Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A..., à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, à l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Fait à Marseille, le 28 juin 2016.
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N°15MA02391