Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D...a demandé au tribunal administratif de Marseille, en premier lieu, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du maire de la commune de Briançon en date du 18 novembre 2011 mettant fin à son détachement sur le poste de directeur général des services auprès de la commune de Briançon et procédant à sa réintégration dans sa commune d'origine à compter du 1er janvier 2012, ensemble la décision implicite de rejet née du silence de ladite autorité sur son recours gracieux formé le 19 décembre 2011 à l'encontre de la décision précédente et, en second lieu, d'enjoindre au maire de Briançon de le réintégrer dans ses fonctions de directeur général des services ;
Par un jugement n° 1201921 du 2 octobre 2014, le tribunal administratif de Marseille a, en premier lieu, annulé l'arrêté du maire de la commune de Briançon en date du 18 novembre 2011, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux de M. D... contre cet arrêté et a, en second lieu, enjoint à la commune de Briançon de procéder à sa réintégration dans ses fonctions de directeur général des services dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 13 novembre 2014, la commune de Briançon, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 octobre 2014 ;
2°) de rejeter l'ensemble des demandes présentées en première instance par M. D... ;
Elle soutient que :
- M. D... ne pouvait ignorer les motifs de la décision du 18 novembre 2011 ;
- cette décision était justifiée par l'intérêt du service ;
- la réintégration de M. D... à la date du jugement était impossible dès lors que le terme initial du détachement de ce dernier était intervenu avant cette date.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 mars 2015, le 15 septembre 2015 et le 25 janvier 2016, M. D..., représenté par MeF..., conclut au rejet de la requête et, en outre, à ce que la commune de Briançon lui verse la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le maire n'a pas qualité pour faire appel du jugement du 2 octobre 2014 au nom de la commune ;
- la requête ne contient l'énoncé d'aucun moyen ;
- alors que l'obligation de motiver la décision attaquée en première instance n'est pas contestée, la commune ne soutient pas que c'est à tort que le tribunal a retenu l'insuffisance de la motivation de cette décision ;
- l'exclusion temporaire de fonctions de 3 jours du 7 février 2011 et la mesure de suspension d'avril 2011 qui ont été reconnus par jugement du 2 octobre 2014 comme des agissements de harcèlement moral ne sauraient justifier la décision de mettre fin au détachement de M. D... ;
- les autres griefs énoncés par la commune de Briançon sur sa manière de servir et les accusations sur sa personnalité ne sont aucunement fondés ;
- le jugement contesté n'a pas été exécuté.
Par des mémoires, enregistrés les 24 juillet 2015 et 7 janvier 2016 et un mémoire purement confirmatif enregistré le 4 mai 2016, la commune de Briançon persiste dans ses conclusions et demande, en outre, à la Cour de mettre à la charge de M. D... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le maire ayant reçu délégation du conseil municipal pour agir en justice et la requête étant motivée, c'est à tort que M. D... soutient que la requête d'appel est irrecevable ;
- la requête est suffisamment motivée ;
- la décision attaquée repose sur des motifs qui sont justifiés ;
- la commune ne pouvait réintégrer effectivement M. D... dès lors que le terme normal de son détachement était survenu avant le jugement attaqué et elle a ainsi exécuté le jugement en indemnisant l'intéressé des pertes de revenus subies jusqu'au terme de ce détachement.
II. Par une ordonnance n° 15MA01420 en date du 13 avril 2015, le président de la cour administrative d'appel a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle.
Par des mémoires, enregistrés le 10 juin 2015, le 10 juillet 2015 et le 25 janvier 2016, M. D..., représenté par MeF..., demande à la Cour :
1°) de condamner la commune de Briançon au paiement d'une astreinte de 500 euros par jour jusqu'à l'exécution du jugement n° 1201921 du 2 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du maire de la commune de Briançon en date du
18 novembre 2011 mettant fin au détachement de M. D...sur l'emploi fonctionnel de directeur général des services de la commune ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Briançon la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- la commune de Briançon s'est bornée à indemniser la perte de revenus sans procéder à la reconstitution administrative de carrière et à la réintégration que le jugement impliquait.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 mai 2015, le 25 juin 2015 et le
7 janvier 2016, la commune de Briançon, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête ;
Elle soutient que :
- aucun moyen de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, notamment son article 53 ;
- le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ;
- le décret n° 87-1099 du 30 décembre 1987 ;
- le décret n° 87-1101 du 30 décembre 1987.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Renouf,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me A... représentant la commune de Briançon et de Me E..., substituant MeF..., représentant M.D....
Une note en délibéré présentée pour M. D... dans les deux instances a été enregistrée le 28 septembre 2016.
1. Considérant que les requêtes n° 14MA04589 et n° 15MA01420 se rapportent au même jugement et présentent à juger des questions communes ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant que, sous le n° 14MA04589, la commune de Briançon fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a, à la demande de M. D..., en premier lieu, annulé l'arrêté du maire de la commune de Briançon en date du 18 novembre 2011 mettant fin au détachement de M. D... sur l'emploi fonctionnel de directeur général des services de la commune de Briançon et procédant à sa réintégration dans son administration d'origine à compter du 1er janvier 2012, ensemble la décision implicite par laquelle la commune de Briançon a rejeté le recours gracieux de M. D... contre cet arrêté et a, en second lieu, enjoint à la commune de Briançon de procéder à la réintégration de M. D... dans ses fonctions de directeur général des services dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement ; que, sous le n° 15MA01420, M. D... demande à la Cour de prescrire les mesures d'exécution du jugement du 2 octobre 2014 qu'elle jugera utiles et de prononcer une astreinte à l'encontre de la commune de Briançon pour que celle-ci exécute pleinement ce jugement ;
Sur les conclusions de la commune de Briançon tendant à l'annulation du jugement du 2 octobre 2014 :
En ce qui concerne la recevabilité de la requête d'appel :
3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, par délibération du 17 avril 2014, le conseil municipal de Briançon a délégué sa compétence au maire de la commune pour agir en justice en son nom ; que, d'une part, cette délibération a été publiée et transmise au sous-préfet de Briançon dès le 23 avril 2014 ; que, d'autre part, contrairement à ce que soutient M. D..., cette délibération étant un acte réglementaire n'avait pas à lui être personnellement notifié ; qu'enfin, la circonstance que le maire n'aurait pas postérieurement à l'introduction de l'instance rendu compte au conseil municipal de l'usage qu'il a fait de cette délégation est sans incidence sur la recevabilité de la requête ; qu'ainsi, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le maire de la commune de Briançon n'avait pas qualité pour introduire la requête susvisée ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que, alors que le tribunal a annulé la décision du 18 novembre 2011 mettant fin au détachement pour défaut de motivation, la commune de Briançon a soutenu dans sa requête d'appel que l'intéressé ne pouvait ignorer les motifs de cette décision ; que si elle n'a pas formellement soutenu dans cette requête, et pas davantage tout au long de l'instance, que la décision elle-même était motivée, elle doit être regardée comme soutenant, il est vrai de manière très implicite et au surplus erronée, que la connaissance préalable des motifs de la décision par M. D... justifiait la censure du motif d'annulation retenu par les premiers juges ; qu'ainsi, en tant qu'elle conteste cette annulation, la requête de la commune de Briançon n'est pas totalement dépourvue de critique du jugement attaqué ;
5. Considérant, enfin, qu'en soutenant que la commune ne pouvait réintégrer effectivement M. D... dès lors que le terme normal de son détachement était survenu avant le jugement attaqué, la commune de Briançon a, contrairement à ce que soutient M. D..., développé dans le délai d'appel un moyen devant la Cour à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de l'injonction prononcée par le tribunal :
En ce qui concerne le bien-fondé des annulations prononcées par le tribunal :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) retirent ou abrogent une décision créatrice de droits " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;
7. Considérant que l'arrêté du 18 novembre 2011 mettant fin à un détachement avant son terme doit, en application des dispositions précitées, être motivé ; qu'il ressort de la lecture de l'arrêté litigieux qu'après le visa des textes applicables et d'une délibération du conseil municipal non jointe, aucun motif de fait n'est énoncé par cet arrêté ; que la circonstance que M. D... aurait eu en réalité connaissance des raisons pour lesquelles le maire de la commune de Briançon décidait de mettre fin à son détachement est sans incidence sur la méconnaissance par la commune de Briançon de son obligation de motiver ladite décision ; qu'ainsi, la commune de Briançon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal l'a annulée pour défaut de motivation ; que la décision du 18 novembre 2011 étant entachée d'illégalité, c'est par suite à tort que la commune de Briançon a rejeté le recours gracieux que M. D... avait formé contre cette décision ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Briançon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé les décisions contestées devant lui ;
En ce qui concerne l'injonction :
9. Considérant que le tribunal a, par le jugement du 2 octobre 2014, enjoint à la commune de Briançon de " procéder à la réintégration de M. D... dans ses fonctions de directeur général des services dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement " ;
10. Considérant que le tribunal, en ne distinguant pas la réintégration juridique rétroactive et la réintégration physique et en ne précisant pas si la réintégration juridique porte sur une période déterminée, doit être regardé comme ayant, ainsi que l'ont au demeurant analysé les parties, enjoint à la commune de réintégrer juridiquement M. D... depuis la date d'effet de la décision du 18 novembre 2011 annulée jusqu'à la date de sa réintégration effective dans les deux mois suivant la notification du jugement ;
11. Considérant que la commune de Briançon soutient que la réintégration effective était impossible à la date du jugement attaqué dès lors que le terme normal du détachement de cinq ans était survenu le 31 août 2013 ; qu'en outre, la décision attaquée était justifiée par l'intérêt du service ;
12. Considérant que l'annulation de la décision mettant fin au détachement de M. D... en qualité de directeur général des services de la commune de Briançon impliquait nécessairement, alors même que la décision aurait été justifiée sur le fond, que M. D... soit réintégré en cette qualité dans les effectifs de la commune à compter du 1er janvier 2012, date d'effet de la décision annulée ; qu'en revanche, si, en droit, le détachement de M. D... était susceptible d'être renouvelé au-delà du 31 août 2013, il résulte de l'instruction et notamment de ce que, avant d'engager au cours de l'été 2011 la procédure mettant fin au détachement de l'intéressé, la commune de Briançon a, en premier lieu, prononcé à l'encontre de celui-ci une exclusion temporaire de fonctions de 3 jours le 7 février 2011, a, ensuite, suspendu l'intéressé de ses fonctions le 6 avril 2011 et engagé une procédure disciplinaire tendant à sa révocation, procédure à laquelle elle a renoncé en décidant de recourir, pour décharger M. D... des fonctions de directeur général des services de la commune, à la faculté de mettre fin de manière anticipée à son détachement, que ce détachement n'aurait en tout état de cause pas été renouvelé à son terme ; qu'ainsi, l'annulation de la décision du 18 novembre 2011 ne peut être regardée comme impliquant nécessairement que la reconstitution de carrière de M. D... se prolonge au-delà du terme du détachement qui était en cours lorsque la décision du 18 novembre 2011 a été prise ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de réformer le jugement attaqué en enjoignant seulement à la commune de Briançon de réintégrer juridiquement M. D... dans son emploi de directeur général des services de la commune de la date du 1er janvier 2012 au 31 août 2013 dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur la demande de M. D... tendant à l'exécution du jugement du 2 octobre 2014 :
14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. Si le jugement dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai et prononcer une astreinte " ;
15. Considérant que l'annulation de l'arrêté du maire de la commune de Briançon du 18 novembre 2011 mettant fin au détachement de M. D... qui, ainsi qu'il a été dit, occupait l'emploi de directeur général des services de la commune impose à l'administration de réintégrer juridiquement l'intéressé dans ses fonctions à compter du 1er janvier 2012, date d'effet de la décision annulée ; que la reconstitution administrative de carrière doit, pour les motifs indiqués aux points 12 et 13 ci-dessus, prendre fin le 31 août 2013 ; que la réintégration juridique et la reconstitution administrative de carrière de l'intéressé impliquent que la commune de Briançon prenne les décisions administratives plaçant ce dernier dans une situation statutaire régulière pendant la période considérée, les décisions retraçant l'évolution de sa carrière et celles portant sur la prise en charge des cotisations sociales relatives à la constitution des droits à pension ; qu'ainsi, en se bornant à faire valoir qu'elle aurait indemnisé M. D... de la perte de revenus subie par l'intéressé pendant cette période, indemnisation qui fait par ailleurs l'objet d'un contentieux distinct, la commune de Briançon ne peut être regardée comme ayant exécuté le jugement susvisé du 2 octobre 2014 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, d'assortir l'injonction prononcée au point 13 de la condamnation de la commune de Briançon au versement d'une astreinte de 200 euros par jour de retard à défaut pour elle de justifier de l'exécution du présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa notification ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'une ou l'autre partie la somme que la partie adverse demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Il est enjoint à la commune de Briançon de réintégrer juridiquement M. D... dans son emploi de directeur général des services de la commune du 1er janvier 2012 au 31 août 2013 dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 octobre 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Une astreinte de 200 euros par jour est prononcée à l'encontre de la commune
de Briançon s'il n'est pas justifié de l'exécution du présent arrêt dans le délai mentionné à l'article 1er ci-dessus. Le maire communiquera à la Cour copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter le présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la commune de Briançon est rejeté.
Article 5 : Le surplus des conclusions de M. D... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Briançon et à M. B... D....
Délibéré après l'audience du 27 septembre 2016, où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- M. Renouf, président assesseur,
- MmeC..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 11 octobre 2016.
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N° 14MA04589,15MA01420