Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) " La Fontaine de l'Amour " a saisi le président du tribunal administratif de Montpellier d'une demande d'exécution du jugement n° 1204492 du 6 novembre 2013 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision expresse du 20 avril 2012 du préfet de l'Hérault ayant refusé de lui délivrer une attestation de non-opposition tacite à déclaration préalable à des travaux destinés à régulariser des travaux exécutés irrégulièrement sur un terrain cadastré AM 179 situé sur le territoire de la commune de Soumont ensemble la décision de rejet du recours gracieux formé à l'encontre de cette décision et a enjoint la délivrance de cette attestation ; qu'elle a également demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 28 février 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a procédé au retrait de la décision tacite née le 10 mars 2012 de la non-opposition à ces mêmes travaux déclarés le 10 février 2012 ;
Par un jugement n° 1401938, 1402322 du 13 février 2015, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 28 février 2014 et a enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à la SCI " La Fontaine de l'Amour " l'attestation de non-opposition tacite à la déclaration préalable déposée le 10 février 2012 dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la Cour :
Par, I., une requête enregistrée le 15 avril 2015 sous le n° 15MA01632, la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier 13 février 2015 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la SCI " La Fontaine de l'Amour " devant le tribunal administratif de Montpellier.
Elle soutient que :
- la demande de déclaration préalable est entachée de fraude et ne permettait pas au service instructeur d'appréhender au vu des éléments déclarés la nature et l'importance des travaux en cause ;
- la société s'est sciemment bornée à déposer une demande de déclaration préalable alors que les travaux en cause relevaient du champ d'application du permis de construire ;
- elle s'en rapporte aux écritures du préfet de l'Hérault sur les autres moyens de la demande de première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2015, la SCI " La Fontaine de l'Amour " conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par, II., une requête enregistrée le 13 mai 2016 sous le n° 16MA01894, la ministre du logement et de l'habitat durable demande à la Cour de prononcer en application des articles R. 811-15 et suivants du code de justice administrative le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 13 février 2015.
Elle reprend les moyens invoqués sous la requête n° 15MA01632.
Par un mémoire enregistré le 25 août 2016 la SCI " La Fontaine de l'Amour " demande à la Cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gougot,
- les conclusions de Mme Giocanti,
- et les observations de Me B..., substituant Me A... pour la SCI " La Fontaine de l'Amour ".
1. Considérant que, par un arrêt du 18 février 2010, la cour d'appel de Montpellier a estimé que les travaux réalisés en 2005 et 2006 par la SARL EGB, entreprise de travaux publics, et M. D... C..., en sa qualité de gérant de la SCI " La Fontaine de l'Amour ", sur une construction existante située au lieu-dit " Les Saulières " sur le territoire de la commune de Soumont, avaient eu pour effet de changer la destination d'un bâtiment à usage essentiellement commercial en immeuble d'habitation sans obtention préalable d'un permis de construire ; qu'elle a en conséquence déclaré les prévenus coupables des faits qui leur étaient reprochés, les a condamnés à une amende ainsi qu'à remettre les lieux dans leur état antérieur au commencement des travaux illégaux dans un délai de deux ans ; que la SCI a déposé le 10 février 2012 auprès de la commune de Soumont une déclaration en vue de régulariser les travaux irrégulièrement réalisés ; qu'il est constant que dans le délai d'instruction de droit commun d'un mois de ladite demande, aucune décision expresse ne lui a été notifiée par le maire agissant au nom de l'Etat, la commune étant dépourvue de plan local d'urbanisme ; que la SCI " La Fontaine de l'Amour " est en conséquence devenue titulaire d'une décision tacite de non opposition le 10 mars 2012 ; que, le 13 mars suivant, la société a sollicité du maire la délivrance d'une attestation de non opposition tacite en application des dispositions de l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme ; que par une décision du 20 avril 2012 le préfet de l'Hérault a rejeté cette demande au motif que la décision de non opposition tacite était, compte tenu de sa grave illégalité, un acte inexistant ; que par un jugement n° 1204492 du 6 novembre 2013 devenu définitif, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier, statuant dans le cadre des dispositions de l'article R. 222-13 du code de justice administrative, a annulé la décision du 20 avril 2012 du préfet de l'Hérault ensemble la décision implicite rejetant le recours gracieux formé par la société pétitionnaire à l'encontre de cette décision et enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à la SCI une attestation de non opposition tacite à la déclaration préalable en cause ; que la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité interjette appel du jugement du 13 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a, à la demande de la SCI " La Fontaine de l'Amour ", annulé l'arrêté du préfet de l'Hérault du 28 février 2014 retirant la décision tacite de non-opposition à déclaration préalable sus-analysée obtenue le 10 mars 2012 et lui a enjoint de délivrer à la SCI l'attestation de non opposition tacite à la déclaration préalable qu'elle avait déposée le 10 février 2012 dans le délai d'un mois à compter de sa notification ;
Sur la jonction :
2. Considérant que les requêtes enregistrées sous les numéros 15MA01632 et 16MA01894 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;
Sur la requête n° 15MA01632 :
En ce qui concerne l'arrêté de retrait du 28 février 2014 :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date de la décision de retrait attaquée : " La décision de non-opposition à la déclaration préalable ne peut faire l'objet d'aucun retrait. " ; que toutefois un acte administratif obtenu par fraude ne créant pas de droits, il peut être abrogé ou retiré par l'autorité compétente pour le prendre, sans que ces dispositions y fassent obstacle ;
4. Considérant que selon l'article R. 421-13 dernier alinéa du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la demande: " Les changements de destination de ces constructions sont soumis à permis de construire dans les cas prévus à l'article R. 421-14 et à déclaration préalable dans les cas prévus à l'article R. 421-17. " ; que selon l'article R. 421-14 du même code alors applicable : " Sont soumis à permis de construire les travaux suivants, exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparation ordinaires : /a) Les travaux ayant pour effet la création d'une surface hors oeuvre brute supérieure à vingt mètres carrés ; [...] c) Les travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment, lorsque ces travaux s'accompagnent d'un changement de destination entre les différentes destinations définies à l'article R. 123-9... " ;
5. Considérant que l'autorité de la chose jugée au pénal ne s'impose aux autorités et juridictions administratives qu'en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire de leurs décisions ; qu'il résulte des motifs de l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, devenu définitif à la suite du rejet par la Cour de cassation le 11 janvier 2011 du pourvoi formé à son encontre, que la société pétitionnaire a procédé à des travaux consistant à modifier la façade ainsi que la destination d'une construction existante ; que si ces constatations de fait, qui étaient le support de la condamnation prononcée par le juge pénal à l'encontre du gérant de la société requérante, s'imposaient à l'autorité administrative compétente pour statuer sur la déclaration préalable déposée le 10 février 2012 par la SCI " La Fontaine de l'Amour " en vue de régulariser ces travaux irréguliers, la qualification juridique retenue par la cour d'appel de Montpellier, selon laquelle ces travaux étaient soumis à l'exigence d'un permis de construire, ne s'imposait pas à cette autorité administrative ; qu'en conséquence il appartenait, à cette dernière de déterminer le régime juridique applicable aux travaux en cause au vu de la déclaration déposée par la SCI ;
6. Considérant que si la déclaration de travaux déposée le 10 février 2012 par la SCI " La Fontaine de l'Amour " ne fait pas état d'un changement de destination et ne renseigne pas chaque case au point 5.3 du formulaire Cerfa afin d'indiquer si la surface hors oeuvre nette totale (SHON) de 1942 m² mentionnée préexistait ou était créée, elle décrit toutefois le projet en case 5.1 en mentionnant qu'il vise au ravalement des façades crépi taloché couleur ocre, au remplacement des menuiseries PVC, à la régularisation d'une terrasse côté Nord, à la régularisation de l'immeuble en logements de 28 lots et à la rénovation complète de logements et bureaux ; qu'elle mentionne en case 5.3.1 une SHON totale de 1942 m² et en case 5.3.3 précise " dont 500 m² à usage de bureaux " ; que la case 5.3.10 mentionne une SHON totale de 1942 m² ; que la déclaration précise également en case 7.1 relative à la surface nouvelle hors oeuvre brute construite une " surface habitable de 1942 m² " ; que ces déclarations permettaient à l'autorité administrative d'apprécier la nature et l'importance des travaux, qui relevaient du régime du permis de construire en application des dispositions précitées de l'article R. 421-13 du code de l'urbanisme ; que la ministre n'est par suite pas fondée à soutenir que le fait pour la SCI pétitionnaire d'avoir déposé une simple déclaration préalable et non une demande de permis de construire aurait été de nature à induire en erreur les services instructeurs et aurait caractérisé l'existence d'une fraude du pétitionnaire justifiant le retrait de la décision tacite de non-opposition obtenue le 10 mars 2012 ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la ministre n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du préfet de l'Hérault du 28 février 2014 ;
En ce qui concerne l'exécution du jugement n° 1204492 du 6 novembre 2013 :
8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 7 que les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il prescrit l'exécution du jugement sus-analysé du 6 novembre 2013 doivent être rejetées ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la requête n° 15MA01632 doivent être rejetées ;
Sur la requête n° 16MA01894 :
10. Considérant que le présent arrêt statuant sur l'appel présenté contre le jugement n° 1401938, 1402322 du 13 février 2015, les conclusions de la requête n° 16MA01894 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont devenues sans objet ; qu'il n'y a plus lieu d'y statuer ;
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que réclame la SCI " La Fontaine de l'Amour " en application de ces dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la ministre du logement et de l'habitat durable enregistrée sous le n° 16MA01894.
Article 2 : La requête enregistrée sous le n° 15MA01632 est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la SCI " La Fontaine de l'Amour " formées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre du logement et de l'habitat durable et à la SCI " La Fontaine de l'Amour ".
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2016, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- Mme Josset, présidente assesseure,
- Mme Gougot, première conseillère.
Lu en audience publique, le 8 décembre 2016.
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N° 15MA01632, 16MA01894