Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B...épouse C...a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2008, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par l'article 1er du jugement n° 1300085 du 20 mai 2015, le tribunal administratif de Nice a prononcé la décharge de la majoration pour manquement délibéré appliquée à Mme B... épouse C...et par son article 2 a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 juillet 2015, Mme B... épouseC..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du tribunal administratif de Nice du 20 mai 2015 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a été privée de la possibilité d'exercer un recours auprès du supérieur hiérarchique du vérificateur ;
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée en ce qu'elle refuse l'application de l'abattement de 40 % prévu par les dispositions de l'article 158-3-2° du code général des impôts ;
- c'est à tort que l'administration a estimé que la condition de régularité des décisions de distribution de dividendes, posée par ces mêmes dispositions, n'était pas remplie ;
- les énonciations des instructions du 14 décembre 2001 BOI n° 231 du 28 décembre 2001 et BOI n° 140 du 11 août 2005 confirment qu'aucun des motifs d'irrégularité retenus par l'administration n'est de nature à justifier la perte de l'abattement en litige.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 décembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Boyer,
- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.
1. Considérant qu'à l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration a notifié à Mme B... épouseC..., par une proposition de rectification en date du 30 juin 2011, des rehaussements en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2008, procédant d'une omission de déclaration des distributions de bénéfices des exercices clos les 31 décembre 2006 et 31 décembre 2007, décidées par l'assemblée générale de la SARL Jasmin, dont l'intéressée est actionnaire ; que Mme B... épouse C...a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles elle a été assujettie à la suite de ce contrôle ; que, par un jugement du 20 mai 2015, le tribunal administratif de Nice a prononcé la décharge de la majoration pour manquement délibéré qui lui a été appliquée, et a rejeté le surplus de sa demande ; qu'elle relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a que partiellement accueilli ses conclusions ;
Sur la procédure d'imposition :
2. Considérant, en premier lieu, que la possibilité d'obtenir, avant la clôture de la procédure de redressement, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur, prévue par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié à laquelle renvoie l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, constitue une garantie attachée aux seules procédures de vérification prévues aux articles L. 12 et L. 13 du même livre ; que, ainsi qu'il a été dit au point 1, les rectifications en litige ont été opérées dans le cadre d'un contrôle sur pièces ; qu'il suit de là que si, dans son courrier du 3 octobre 2011 par lequel il a répondu aux observations de Mme B... épouseC..., le vérificateur a indiqué à cette dernière qu'elle pouvait saisir M. E..., directeur divisionnaire, en précisant au demeurant que cette saisine serait alors dénuée de tout caractère suspensif, la circonstance qu'il n'a pas été donné suite à cette proposition est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition, dès lors que Mme B... épouse C... ne pouvait se prévaloir d'aucune garantie sur ce point ;
3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations ;
4. Considérant qu'il ressort de l'examen de la proposition de rectification du 30 juin 2011 que le vérificateur, après avoir rappelé les faits de l'espèce ainsi que les dispositions du code général des impôts applicables, a informé Mme B... épouse C...qu'il envisageait de soumettre à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des capitaux mobiliers et à hauteur de 78 361 euros, les dividendes qui avaient été distribués à son profit en application de décisions prises le 22 décembre 2008 par l'assemblée générale de la société Jasmin, dont elle est actionnaire, mais qu'elle avait omis de déclarer au titre de l'année 2008 ; que le vérificateur a notamment précisé de façon suffisamment circonstanciée les raisons qui ont conduit l'administration à estimer que les décisions d'assemblée générale n'étaient pas régulières au regard notamment de certaines dispositions du code de commerce, et à imposer par suite ces dividendes sans appliquer l'abattement prévu au 2° du 3 de l'article 158 du code général des impôts ; qu'ainsi, la proposition de rectification du 30 juin 2011 comportait les éléments de nature à permettre à Mme B... épouse C...de présenter ses observations de manière utile ; que, par suite, alors que la régularité de cette proposition de rectification ne dépend pas du bien-fondé des motifs retenus par le service, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales doit être écarté ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
5. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...) " ; que, d'autre part, selon le 2° du 3 de l'article 158 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'année en litige : " Les revenus mentionnés au 1° distribués par les sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés ou d'un impôt équivalent ou soumises sur option à cet impôt, ayant leur siège dans un Etat de la Communauté européenne ou dans un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur les revenus et résultant d'une décision régulière des organes compétents, sont réduits, pour le calcul de l'impôt sur le revenu, d'un abattement égal à 40 % de leur montant brut perçu.(...) " ;
6. Considérant que Mme B... épouse C...se borne devant la Cour à soutenir que c'est à tort que l'administration a estimé qu'elle ne pouvait prétendre à l'application de l'abattement de 40 % prévu par les dispositions précitées de l'article 158 du code général des impôts aux dividendes réintégrés dans son revenu imposable, sans toutefois contester le bien-fondé de cette réintégration ;
7. Considérant que, pour l'application de ces mêmes dispositions, une décision de distribution de dividendes n'est irrégulière que si elle n'a pas été prise par l'organe compétent, si elle est le résultat d'une fraude ou si elle n'entre dans aucun des cas pour lesquels le code de commerce autorise la distribution de sommes prélevées sur les bénéfices ;
8. Considérant que, pour refuser le bénéfice de l'abattement dont il s'agit, l'administration fiscale a retenu que les deux décisions du 22 décembre 2008 de l'assemblée générale des associés de la SARL Jasmin par lesquelles ont été distribués les dividendes des exercices clos en 2006 et 2007 étaient irrégulières, en relevant que la société requérante n'avait pas produit un registre des assemblées coté et paraphé et que les deux procès-verbaux avaient été produits sur feuilles libres, en méconnaissance de l'article R. 223-24 du code de commerce, que les deux assemblées générales s'étaient tenues deux ans après la clôture de l'exercice 2006 et un an après la clôture de l'exercice 2007, en méconnaissance de l'article L. 223-26 du même code, que les deux procès-verbaux d'assemblée générale avaient été déposés le 17 février 2009 au greffe du tribunal de commerce au-delà du délai fixé par l'article L. 232-22 du même code, et qu'enfin, contrairement aux dispositions des articles 242 ter et 243 bis du code général des impôts, aucune des décisions n'avait mentionné que les revenus distribués étaient éligibles à l'abattement en cause ; que, toutefois, ces circonstances ne permettaient pas de regarder les distributions décidées le 22 décembre 2008 comme n'ayant pas été prises par l'assemblée générale des associés, ni comme étant entachées de fraude, ni comme n'entrant pas dans les cas dans lesquels le code de commerce autorise la distribution de sommes prélevées sur les bénéfices ; qu'ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que ces décisions seraient entachées d'une irrégularité au sens des dispositions précitées de l'article 158 du code général des impôts ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... épouse C...est seulement fondée à demander que soit prononcée la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2008 à concurrence du montant résultant de l'application de l'abattement de 40 % prévu au 2° du 3 de l'article 158 du code général des impôts, et que soit réformé dans cette mesure le jugement du tribunal administratif de Nice du 20 mai 2015 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme B... épouse C...de la somme de 1 500 euros sur le fondement de ces dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : Mme B... épouse C...est déchargée, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2008 à concurrence du montant résultant de l'application de l'abattement de 40 % prévu au 2° du 3 de l'article 158 du code général des impôts.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera à Mme B... épouse C...la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5: Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...épouse C...et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 28 février 2017, où siégeaient :
- M. Cherrier, président,
- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,
- Mme Boyer, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 mars 2017.
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N° 15MA02935
nc