Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B...et Mme D... B...ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'enjoindre à la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF) de déplacer le pylône avec transformateur supportant une ligne électrique implanté sur la parcelle cadastrée section AT n° 656 leur appartenant sur le territoire de la commune de Rians.
Par un jugement n° 1401407 du 22 avril 2016, le tribunal administratif de Toulon a enjoint à la société ERDF de déplacer l'ouvrage électrique situé sur la propriété de M. et Mme B... dans un délai d'un an à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 16MA02491 le 21 juin 2016 et un mémoire enregistré le 20 octobre 2016, la société ERDF, devenue la société Enedis, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 22 avril 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme B... devant le tribunal administratif de Toulon ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme B... la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'implantation de l'ouvrage est régulière ;
- une régularisation est possible ;
- sa présence ne porte qu'une atteinte limitée aux intérêts des demandeurs alors que son déplacement constitue une atteinte excessive à l'intérêt général.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 août 2016, M. et Mme B... concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société ERDF au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'implantation du pylône constitue une emprise irrégulière ;
- l'injonction de déplacer cet ouvrage est justifiée dès lors que la régularisation est impossible et qu'il n'est pas porté une atteinte excessive à l'intérêt général.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie ;
- le code de l'énergie ;
- les décrets du 29 juillet 1927 et du 6 octobre 1967 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Lafay a été entendu au cours de l'audience publique
1. Considérant que la société ERDF, devenue la société Enedis, relève appel du jugement du 22 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulon lui a enjoint de déplacer l'ouvrage électrique implanté sur la propriété de M. et Mme B... dans un délai d'un an ;
Sur l'emprise de l'ouvrage électrique :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie, aujourd'hui codifié à l'article L. 323-4 du code de l'énergie : " La déclaration d'utilité publique confère, en outre, au concessionnaire le droit (...) 3° D'établir à demeure des canalisations souterraines, ou des supports pour conducteurs aériens, sur des terrains privés non bâtis, qui ne sont pas fermés de murs ou autres clôtures équivalentes (...) " ; qu'aux termes de l'article 52 du décret du 29 juillet 1927 : " L'enquête pour l'établissement des servitudes d'appui, de passage ou d'ébranchage prévue à l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 a lieu sur un plan parcellaire indiquant toutes les propriétés atteintes par les servitudes, avec les renseignements nécessaires pour faire connaître la nature et l'étendue des sujétions en résultant. / (...). " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 6 octobre 1967 : " Une convention passée entre le concessionnaire et le propriétaire ayant pour objet la reconnaissance des servitudes d'appui, de passage, d'ébranchage ou d'abattage prévues au troisième alinéa de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 susvisée peut remplacer les formalités prévues au quatrième alinéa dudit article. " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que les servitudes mentionnées par l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 repris à l'article L. 323-4 du code de l'énergie, ne peuvent être instituées qu'après l'enquête publique prévue par l'article 52 du décret du 29 juillet 1927 ou par la convention passée entre le concessionnaire et le propriétaire prévue par l'article 1er du décret du 6 octobre 1967 ;
3. Considérant que le pylône électrique avec transformateur en cause est situé sur la parcelle cadastrée section AT n° 656 appartenant à M. et Mme B... ; qu'il résulte de l'instruction qu'aucune convention de servitude autorisant cette installation n'a été conclue avec les propriétaires successifs de la parcelle et que la société Enedis ne justifie d'aucun titre qui, en l'absence d'accord avec ces derniers, aurait été délivré à cette fin par l'autorité administrative ; que la société requérante, qui ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que les précédents propriétaires de la parcelle ne se sont pas opposés à l'implantation de cette installation sur leur propriété, ne justifie ainsi d'aucun titre l'autorisant à instaurer une servitude portant atteinte au droit de propriété de M. et Mme B... ; que, par suite, cet ouvrage public constitue une emprise irrégulière sur la parcelle appartenant à M. et Mme B..., ainsi que l'a jugé le tribunal administratif ;
Sur l'injonction prononcée par le tribunal administratif :
4. Considérant que lorsque le juge administratif est saisi de conclusions dirigées contre le refus de démolir un ouvrage public irrégulièrement édifié, il lui appartient, pour déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'exécution de cette décision implique qu'il ordonne la démolition de cet ouvrage, de rechercher, d'abord, si, eu égard notamment aux motifs de la décision, une régularisation appropriée est possible ; que, dans la négative, il lui revient ensuite de prendre en considération, d'une part, les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence et notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général ;
5. Considérant, d'une part, que, comme il a été dit au point 3, la société Enedis n'est titulaire d'aucun droit ni titre pour implanter sur la parcelle cadastrée section AT n° 656 appartenant à M. et Mme B... un pylône de distribution d'énergie électrique ; que le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage public n'ayant consenti ni à conclure une convention de servitude ni à prendre à sa charge le coût du déplacement de l'ouvrage, la société Enedis, qui ne soutient pas avoir engagé une autre procédure appropriée, ne justifie pas qu'une régularisation de l'implantation de l'ouvrage public soit possible ;
6. Considérant, d'autre part, que la présence de l'ouvrage dans l'angle nord-est de la parcelle, qui a pour effet de déplacer l'assiette de la servitude de passage grevant la propriété vers l'intérieur du terrain et de dévier la circulation le long du mur de clôture de l'habitation, prive M. et Mme B... de la possibilité de jouir pleinement de l'ensemble immobilier dont ils sont propriétaires ; que la société Enedis, qui fait seulement état des inconvénients qui pourraient résulter, de façon générale, du déplacement du pylône de distribution électrique, ainsi que du coût, au demeurant limité, du déplacement de la ligne, et de ce que l'intervention correspondante serait susceptible d'être financée par le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité au détriment de la réalisation d'autres travaux, ne justifie ni d'un risque d'interruption du service public, ni de difficultés financières ou techniques marquées ou de tout autre motif d'intérêt général susceptible de faire obstacle à une modification de l'implantation de cet ouvrage électrique ; que dans ces conditions, le déplacement de celui-ci ne saurait être regardé comme portant une atteinte excessive à l'intérêt général, eu égard aux inconvénients de sa présence pour M. et Mme B... ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Enedis n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon lui a enjoint de procéder à l'enlèvement de l'ouvrage électrique situé sur la propriété de M. et Mme B... ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme B..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Enedis demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche de mettre à la charge de la société Enedis une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme B... et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Enedis est rejetée.
Article 2 : La société Enedis versera à M. et Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Enedis, à M. A... B...et Mme D...B....
Délibéré après l'audience du 4 mai 2017 où siégeaient :
- M. Laso, président-assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222.26 du code de justice administrative,
- M. Lafay, premier conseiller,
- Mme E..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 18 mai 2017
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N° 16MA02491