Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société d'expansion touristique de Briançon (SETB) a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite de rejet résultant, le 4 janvier 2011, du silence gardé par la commune de Briançon sur le recours gracieux qu'elle a formé le 2 novembre 2010, reçu le 4 novembre 2010, à titre principal, de condamner la commune de Briançon, au titre de la responsabilité contractuelle, à lui verser la somme de 9 330 000 euros sur le fondement de l'article 3.1 du protocole d'accord du 9 septembre 2008 et d'assortir cette somme des intérêts moratoires à compter du 1er octobre 2010 capitalisés au 365ème jour de retard en application de l'article 3.2 du protocole d'accord, à titre subsidiaire, de condamner la commune de Briançon, au titre de la responsabilité quasi-contractuelle, à lui verser la somme de 9 330 000 euros représentant la valeur nette comptable des biens ayant fait retour à la commune et le déficit utile subi par la société et d'assortir cette somme des intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 2010, capitalisés chaque année et de mettre la somme de 8 000 euros à la charge de la commune de Briançon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1101645 du 17 mars 2015, le tribunal administratif de Marseille a, notamment, condamné la commune de Briançon à verser la somme de 4 517 080,46 euros à la société d'expansion touristique de Briançon (SETB), cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 2010, lesdits intérêts étant capitalisés, et ordonné une expertise afin de calculer la valeur nette comptable des équipements non amortis du casino municipal de Briançon ayant fait retour à la commune de Briançon à la suite de la résiliation de la convention de délégation de service public conclue le 21 février 2002 entre la commune de Briançon et la société d'exploitation du casino de Briançon devenue société d'expansion touristique de Briançon (SETB), et le déficit d'exploitation de la société d'expansion touristique de Briançon (SETB) depuis l'année 2002.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 28 avril 2015 sous le n° 15MA01775 et des mémoires enregistrés les 19 octobre, 3 novembre, 26 novembre 2015 et 23 mai 2016, la commune de Briançon, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1101645 du tribunal administratif de Marseille du 17 mars 2015, en ce qu'il l'a condamnée à verser à la société d'expansion touristique de Briançon (SETB) la somme de 4 517 080,46 euros et ordonné une mission d'expertise ;
2°) de rejeter la requête de la société d'expansion touristique de Briançon (SETB) ;
3°) de mettre à la charge de la société d'expansion touristique de Briançon (SETB) la somme de 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la motivation du jugement n'est pas suffisante ;
- son mémoire du 17 février 2015 n'a pas été communiqué et n'est pas visé par le jugement ;
- il en est de même du mémoire de la société d'expansion touristique de Briançon (SETB) du 20 février 2015 ;
- le protocole d'accord du 9 septembre 2008 est illégal ;
- le tribunal a méconnu l'absence de remise des biens de retour, d'enrichissement de la commune et l'absence d'appauvrissement de la SETB ;
- la SETB ne subit pas de déficit d'exploitation car elle est la nouvelle attributaire de la délégation de service public jusqu'en 2030 ;
- l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Marseille a un caractère frustratoire ;
- le groupe Barrière ne justifie pas de sa substitution à la société SEBT.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 juillet 2015, le 9 novembre et 30 novembre 2015, 27 avril et 25 mai 2016, la société d'expansion touristique de Briançon (SETB) représentée par Me B...conclut à titre principal au rejet de la requête, à la condamnation de la commune de Briançon à lui verser la somme de 9 330 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'inexécution par la commune du protocole du 9 septembre 2008, majorée des intérêts moratoires, à compter du 1er octobre 2010, et à titre subsidiaire à la confirmation du jugement en ce qu'il a notamment condamné la commune de Briançon à verser la somme de 4 517 080,46 euros à la société d'expansion touristique de Briançon (SETB), majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 2010, lesdits intérêts étant capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts à chaque échéance annuelle ultérieure, ainsi que la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et ordonné une mesure d'expertise, à la réformation du jugement en ce qui concerne l'article 6, 2°) du jugement relatif à la mission d'expertise laquelle devrait être rédigée comme suit : " 2°) de calculer le déficit d'exploitation de la société d'expansion touristique de Briançon (SETB) depuis l'année 2002 jusqu'à l'année 2007, en précisant autant que possible si ce déficit était nécessaire à la bonne exécution du service et notamment aux contraintes d'exploitation imposées par la collectivité ou à la charge des amortissements compte tenu de l'importance de l'investissement ; " et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Briançon la somme de 25 000 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est régulier ;
- le protocole d'accord transactionnel du 9 septembre 2008 n'est pas entaché de nullité et ne constitue pas une libéralité ;
- les conditions de l'enrichissement sans cause sont réunies ;
- la remise effective des biens a eu lieu ;
- elle a subi un appauvrissement au détriment de la commune de Briançon ;
- elle a subi un déficit d'exploitation ;
- la mission de l'expert, telle qu'elle est formulée par le tribunal administratif de Marseille, permet d'évaluer convenablement le montant de l'indemnisation auquel ce préjudice ouvrirait droit, et n'est pas frustratoire ;
- le tribunal administratif, par le 2°de l'article 6, a ordonné une mission d'expertise allant au-delà de ce qui est nécessaire à la détermination du préjudice qu'elle a subi au titre du déficit d'exploitation ;
- le groupe Barrière justifie s'être substitué à elle dans ses droits et obligations.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 avril 2016 et 25 mai 2016, la société groupe Lucien Barrière, représentée par MeB..., conclut à ce que la Cour prenne acte de sa substitution à la société d'expansion touristique de Briançon (SETB).
Elle fait également valoir que les conclusions du rapporteur public à l'audience du 11 janvier 2015 sont erronées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2017, la société Groupe Lucien Barrière, représentée par Me B..., conclut comme précédemment et à titre subsidiaire à ce que la commune soit condamnée à lui verser la somme de 5 525 415,11 euros, au titre de la valeur nette comptable des biens ayant fait retour à la commune, la somme de 6 749 037 euros au titre du déficit utile qu'elle a subi, ces sommes étant majorées des intérêts, à compter du 4 novembre 2010, avec capitalisation des intérêts échus à compter du 365ème jour de retard, sur le fondement et dans les conditions de l'article 1154 du code civil, à ce que la commune soit condamnée à lui rembourser les honoraires et les frais d'expertise réglés, soit la somme de 35 740,28 euros HT et 42 888,33 euros TTC, selon l'ordonnance de taxation du 5 octobre 2016, à ce que la commune de Briançon soit condamnée au paiement de la somme de 300 000 euros au titre de dommages et intérêts compensatoires, sur le fondement de l'article 1153 du code civil, et au paiement de la somme de 20 000 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la requête de la commune est irrecevable faute d'habilitation régulière du maire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marcovici ;
- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public ;
- et les observations de Me B...pour la société Groupe Lucien Barrière et de Me A...pour la commune de Briançon ;
Une note en délibéré présentée pour la Société Groupe Lucien Barrière a été enregistrée le 9 mai 2017.
1. Considérant que la commune de Briançon a confié la construction et la gestion du casino de Briançon, par une convention conclue le 21 février 2002, à la société d'exploitation du casino de Briançon ; qu'à la suite d'un recours engagé contre la délibération du 24 juillet 2001 déléguant le service public du casino de jeux, approuvant le cahier des charges de construction et d'exploitation et autorisant le maire à signer le contrat, la cour administrative d'appel de Marseille a, par un arrêt du 26 mars 2007, annulé ladite délibération et a enjoint à la commune de Briançon, à défaut d'avoir obtenu un accord de la société tendant à ce que les cocontractants renoncent à se prévaloir de l'existence et des clauses du contrat, de saisir le juge du contrat afin d'obtenir qu'il en déclare la nullité ; que les cocontractants ont conclu le 26 octobre 2007, puis le 9 septembre 2008, des accords amiables de résolution de la délégation de service public prévoyant l'indemnisation de la société d'exploitation du casino de Briançon, devenue société d'expansion touristique de Briançon (SETB), à hauteur de 9 330 000 euros ; que plusieurs conventions provisoires à compter d'octobre 2007 ont été signées jusqu'à la signature d'une nouvelle convention de délégation de service public intervenue le 16 septembre 2010 avec la société d'expansion touristique de Briançon (SETB) ; que la commune de Briançon relève appel du jugement n° 1101645 du 17 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a, d'une part, condamné la commune de Briançon à verser la somme de 4 517 080,46 euros à la société d'expansion touristique de Briançon (SETB) au titre de l'investissement non amorti qu'elle a réalisé lors de la construction du bâtiment, d'autre part ordonné une expertise sur les autres éléments du préjudice invoqué ;
2. Considérant que par délibération du 14 avril 2014, le conseil municipal de la commune de Briançon a, sur le fondement des dispositions de l'article 2122-22 du code général des collectivités territoriales donné délégation au maire pour intenter toute action devant les juridictions en appel ; qu'ainsi la fin de non-recevoir invoquée par la société d'expansion touristique de Briançon ne peut qu'être écartée ;
Sur la substitution de la société Groupe Lucien Barrière dans les droits et obligations de la SETB :
3. Considérant que la société par actions simplifiée Groupe Lucien Barrière est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts selon les dispositions de l'article L. 227-6 du code de commerce, lequel est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société et représenter la société dans ses rapports avec les tiers et agir en justice au nom de la société ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le mémoire par lequel la société Groupe Lucien Barrière fait connaître qu'elle s'est substituée à la société d'expansion touristique de Briançon dans ses droits et obligations serait " irrecevable faute pour le représentant de cette société de justifier de sa qualité pour agir " ne peut qu'être écarté ;
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Considérant que, par un arrêt n° 04MA00354 et 04MA00355 du 26 mars 2007, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé la délibération du 24 juillet 2001 par laquelle le conseil municipal de la commune de Briançon a approuvé la délégation de service public conclue avec la société d'exploitation touristique de Briançon ; qu'il appartient en principe au juge du contrat d'apprécier, en fonction de la nature du vice ayant conduit à l'annulation de l'acte détachable du contrat et de son éventuelle régularisation, les conséquences de cette annulation sur la continuité ou la validité du contrat ; que l'arrêt " enjoint à la commune de Briançon, à défaut d'avoir obtenu un accord de la société d'exploitation du casino de Briançon tendant à ce que les cocontractants renoncent à se prévaloir de l'existence et des clauses du contrat délégant le service public du Casino de jeux de Briançon, de saisir le juge du contrat dans les trois mois de la notification du présent arrêt afin d'obtenir qu'il en déclare la nullité. " ; que lorsque le juge de l'exécution a considéré que le vice justifiant l'annulation de l'acte détachable entachait de nullité le contrat et a enjoint à la personne publique de saisir le juge du contrat pour qu'il en constate la nullité, l'autorité de chose jugée dessaisit de son pouvoir le juge du contrat ; que la cour administrative d'appel de Marseille, ne peut, par le présent arrêt, sans méconnaitre l'autorité de la chose jugée, se prononcer sur la régularité du contrat de délégation de service public conclu initialement par les parties ;
5. Considérant que, par délibération du 9 octobre 2007, le conseil municipal de la commune de Briançon a approuvé la signature d'un protocole d'accord de résolution amiable du contrat de délégation de service public, qui a été conclu le 26 octobre 2007, ainsi que d'une convention de gestion provisoire du casino ; que, par jugement n° 0707921 du 21 mai 2008, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette délibération ; que, par délibération du 22 juillet 2008, le conseil municipal de la commune de Briançon a approuvé la signature d'un second protocole d'accord de résolution amiable du contrat ; que cet accord, conclu le 9 septembre 2008, prévoyait dans son article 3 le versement à la société de la somme de 9 330 000 euros ; que la commune de Briançon fait valoir que le protocole d'accord du 9 septembre 2008 permettait de réaliser une " opération blanche " en tant qu'elle s'y engageait à payer la somme de 9 330 000 euros à la société, uniquement à la condition que cette dépense soit compensée par le paiement d'un droit d'entrée d'un montant égal dont s'acquitterait le nouveau délégataire auquel elle allait nécessairement faire appel ; que la société a poursuivi l'exploitation du casino par plusieurs conventions de gestion provisoire, notamment en date du 25 septembre 2008, dont la validité a été prorogée jusqu'au 31 janvier 2010 ; que, le 16 septembre 2010, la société a répondu au nouvel appel public à concurrence et a conclu avec la commune une nouvelle convention de délégation de service public pour une durée de 20 ans ; qu'en vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, le délégataire dont le contrat est entaché de nullité a droit à l'indemnisation du préjudice qu'il a subi ; que l'étendue et les modalités de cette indemnisation peuvent être déterminées par accord entre les parties, sous réserve qu'il n'en résulte pas, au détriment d'une personne publique, une disproportion manifeste entre l'indemnité fixée et le montant du préjudice subi ; que ce principe découle de l'interdiction faite aux personnes publiques de consentir des libéralités ; que si l'accord du 9 septembre 2008 apparaît justifié dans son principe s'agissant de la part représentant l'investissement réalisé par la société, celle-ci n'apporte pas la justification que les sommes incluses au titre du déficit d'exploitation ont été effectivement nécessaires à la bonne exécution du service, compte tenu de la charge des amortissements et des contraintes du service ; qu'il est en outre constant que le montant de l'indemnisation prévue au titre du déficit d'exploitation s'élève à la somme de 3 770 000 euros, soit plus de quarante pour cent du montant total de l'indemnisation transactionnelle ; que toutefois, il résulte du considérant 15 de l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Marseille le 28 mars 2013, statuant sur la requête formée par la commune de Briançon contre le jugement en date du 2 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé l'avis de la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d'Azur ayant refusé de reconnaître le caractère de dépenses obligatoires aux sommes réclamées pour un montant de 9 330 000 euros, que cette somme a été finalement calculée par différence entre les valeurs nettes comptables et la somme totale de 9 330 000 euros ; que d'autre part, la société requérante fait référence, dans son mémoire reçu au greffe le 21 mai 2013, à un déficit d'exploitation ne s'élevant qu'à 1 100 000 euros ; qu'ainsi, le montant de l'indemnisation prévue par l'accord est manifestement disproportionné par rapport au préjudice né de la nullité du contrat ; qu'il y a lieu en conséquence de déclarer l'accord conclu le 9 septembre 2008 entaché de nullité ; que par ailleurs, l'article 2 du jugement du 21 mai 2008 enjoint " à la commune de Briançon, si elle ne peut obtenir de la Société d'exploitation du casino de Briançon un accord par lequel les cocontractants renoncent à se prévaloir de l'existence et des clauses du protocole de résolution amiable du contrat de délégation du service public du casino municipal, dans un délai de 3 mois à compter de la notification du présent jugement, de saisir le juge du contrat afin qu'il constate sa nullité. " ; qu'il résulte de ce qui précède que l'accord conclu en application de ce jugement le 9 septembre 2008 et qui avait notamment pour objet de procéder à la résolution amiable du protocole du 26 octobre 2007, est donc entaché de nullité ; que le jugement du 21 mai 2008 a par ailleurs constaté la nullité du protocole du 26 octobre 2007 ; qu'ainsi, tant le contrat de délégation de service public, que les protocoles de résolution amiable du 26 octobre 2007 et du 9 septembre 2008 sont entachés de nullité ;
6. Considérant que le cocontractant de l'administration dont le contrat est entaché de nullité peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé, sans que l'indemnisation puisse excéder le montant de son appauvrissement, ni celui de l'enrichissement corrélatif de la collectivité ;
7. Considérant que, dans le cas où le contrat en cause est une concession de service public, le cocontractant de l'administration dont l'exploitation cesse peut notamment, à ce titre, demander à être indemnisé de la valeur non amortie, à la date à laquelle les biens nécessaires à l'exploitation du service font retour à l'administration, des dépenses d'investissement qu'il a consenties, ainsi que du déficit qu'il a, le cas échéant, supporté à raison de cette exploitation, compte tenu notamment des dotations aux amortissements et des frais afférents aux emprunts éventuellement contractés pour financer les investissements, pour autant toutefois qu'il soit établi, au besoin après expertise, que ce déficit était effectivement nécessaire, dans le cadre d'une gestion normale, à la bonne exécution du service ;
8. Considérant, toutefois, que, dans le cas où l'exploitation se poursuit, dans le cadre soit de conventions provisoires de gestion, soit d'une nouvelle convention de délégation, il y a lieu de tenir compte des conditions dans lesquelles l'exploitation s'est poursuivie et d'apprécier, de manière concrète, dans quelle mesure la déclaration de nullité de la convention initiale s'est traduite par un appauvrissement de la société concessionnaire et par un enrichissement corrélatif de la collectivité ;
9. Considérant, d'une part, que le titulaire d'une convention de concession de service public a vocation à assumer les risques liés à l'exploitation de ce service ; que, dans le cas où l'exploitation est interrompue du fait de la déclaration de nullité de la convention, il a droit à être indemnisé de son déficit d'exploitation, ce droit à indemnisation étant justifié par la circonstance qu'en raison de l'interruption de l'exploitation, il est privé de la possibilité de compenser ce déficit par les recettes qu'il aurait pu ultérieurement percevoir s'il avait poursuivi l'exploitation ; qu'en l'espèce, l'exploitation s'est poursuivie, sur le fondement de conventions de gestion provisoires puis d'une nouvelle convention de délégation, sans que ces nouvelles conventions aient d'effet sur les produits et charges d'exploitation, à l'exception des loyers exigés par la commune en contrepartie de la mise à disposition des locaux et équipements lui ayant fait retour ; que, dès lors, la société ne justifie l'existence d'aucun préjudice correspondant aux déficits d'exploitation enregistrés avant que la nullité de la convention de concession ait été constatée ;
10. Considérant, d'autre part, que, dans le cadre d'une délégation de service public mettant à la charge du cocontractant les investissements correspondant à la création ou à l'acquisition des biens nécessaires au fonctionnement du service public, l'ensemble de ces biens, meubles ou immeubles, appartient, dans le silence de la convention, dès leur réalisation ou leur acquisition, à la personne publique ; qu'à l'expiration de la délégation de service public, les biens qui sont entrés, en application des principes énoncés ci-dessus, dans la propriété de la personne publique et ont été amortis au cours de l'exécution du contrat font nécessairement retour à celle-ci gratuitement ;
11. Considérant que si, dans le cas où l'exploitation est interrompue du fait de la déclaration de nullité de la convention, le délégataire a droit à être indemnisé à hauteur de la valeur non amortie des investissements qu'il a consentis, ce droit à indemnisation est justifié par la circonstance qu'en raison de l'interruption de l'exploitation, il est privé de la possibilité d'utiliser, gratuitement, ces éléments d'actif pour générer des recettes d'exploitation ; qu'en l'espèce, l'exploitation s'est poursuivie, sur le fondement de conventions de gestion provisoires puis d'une nouvelle convention de délégation, qui mettaient à la disposition de la société délégataire l'ensemble des biens ayant fait retour à la commune au moment de la résolution amiable de la convention ; qu'en vertu des principes énoncés au point précédent, ces biens auraient en tout état de cause dû faire retour à la commune de Briançon à l'expiration de la période d'exploitation prévue par la convention de 2002 ; qu'il en résulte que, dans les circonstances particulières de l'espèce, le seul appauvrissement de la société, et le seul enrichissement corrélatif de la commune de Briançon, correspond aux loyers exigés par la commune, à compter de la résolution de la convention de 2002, en contrepartie de la mise à disposition à la société des biens ayant fait retour à la commune ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le montant de l'enrichissement sans cause de la commune de Briançon, devant donner lieu à indemnisation de la société, correspond au montant cumulé des loyers versés par la société à la commune en contrepartie de la mise à disposition des biens lui ayant fait retour ; qu'en l'absence d'enrichissement actuel de la collectivité à la date du présent arrêt à raison des loyers futurs, il n'y a pas lieu, en revanche, de condamner la commune à indemniser la société du montant actualisé des loyers futurs non encore versés ; que, pour prévenir tout enrichissement sans cause ultérieur, il appartiendra à la commune de ne pas exiger les loyers stipulés jusqu'à la date d'expiration de la période de validité de la convention de 2002 ; que, dans le cas où elle les exigerait néanmoins, il appartiendra à la société de saisir le juge afin qu'il en prononce le remboursement ;
13. Considérant, qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Briançon est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a ordonné une expertise, qui n'était pas utile, et l'a condamnée à verser une somme de 4 517 080,46 euros à la société d'expansion touristique de Briançon (SETB), à laquelle s'est substituée la société groupe Lucien Barrière, correspondant aux biens non amortis ayant fait retour à la commune ; qu'en revanche la commune de Briançon doit être condamnée à verser à la SETB à laquelle s'est substituée la société Groupe Lucien Barrière le montant cumulé des loyers versés par la société depuis la reprise des relations contractuelles ;
14. Considérant que la demande de la société Groupe Lucien Barrière au paiement de la somme de 300 000 euros au titre de dommages et intérêts compensatoires, sur le fondement de l'article 1153 du code civil n'est pas assortie des précisions permettant à la cour d'y statuer ; que cette demande ne peut qu'être rejetée ; que les frais d'expertise ordonnés par le tribunal administratif seront, dans les circonstances de l'espèce, mis à la charge de la commune ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E
Article 1 : Le jugement du tribunal administratif du 17 mars 2015 est annulé.
Article 2 : La commune de Briançon est condamnée à verser à la société Groupe Lucien Barrière une indemnité égale au montant cumulé des loyers versés par la société depuis la reprise des relations contractuelles.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Les frais de l'expertise ordonnée par les premiers juges sont mis à la charge de la commune de Briançon.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Groupe Lucien Barrière et à la commune de Briançon.
Délibéré après l'audience du 3 mai 2017, à laquelle siégeaient :
M. Moussaron, président,
M. Marcovici, président assesseur,
M. Gautron, conseiller.
Lu en audience publique le 29 mai 2017.
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N° 15MA01775