Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Bringer Daudé a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la réduction du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2007 au 30 juin 2010 ainsi que des pénalités correspondantes et la restitution des droits acquittés, assortie des intérêts moratoires.
Par un jugement n° 1501810 du 7 juillet 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 29 août 2016, le 7 mars 2017 et le 28 mars 2017, la SAS Bringer Daudé, représentée par la SELARL Ced Avocats agissant par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 7 juillet 2016 ;
2°) de prononcer la réduction demandée ;
3°) d'accorder le versement d'intérêts moratoires ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration a régularisé à tort la taxe sur la valeur ajoutée déduite sur des immobilisations au titre de l'année 2008 alors qu'elle avait cessé de réaliser des opérations ouvrant droit à déduction au cours de l'année 2007 ;
- l'administration n'est pas fondée à demander la compensation sur le fondement de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales ;
- l'article L. 203 du livre des procédures fiscales est contraire à l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 6-1 de cette convention.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 8 février 2017 et le 27 mars 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires sont irrecevables en l'absence de litige né et actuel ;
- les moyens soulevés par la SAS Bringer Daudé ne sont pas fondés ;
- le rappel en cause peut être maintenu, en application de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, par compensation avec des insuffisances de taxe sur la valeur ajoutée constatées au titre de la période en litige.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ouillon,
- et les conclusions de M. Maury, rapporteur public.
1. Considérant que la SAS Bringer Daudé relève appel du jugement du 7 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la réduction du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2007 au 30 juin 2010 à la suite de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet ;
Sur le bien-fondé des impositions :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts, dans sa rédaction applicable au 1er janvier 2008 : " (...) III. - 1. Une régularisation de la taxe initialement déduite et grevant un bien immobilisé est également opérée : / (...) 4° Lorsqu'il vient en cours d'utilisation à être utilisé à des opérations ouvrant droit à déduction ou, sous réserve du 5°, lorsqu'il cesse d'être utilisé à des opérations ouvrant droit à déduction ; / 5° Lorsqu'il cesse d'être utilisé à des opérations imposables. (...) " et qu'aux termes de l'article 210 de la même annexe, dans sa rédaction applicable jusqu'au 1er janvier 2008 : " I. Lorsque des immeubles sont cédés ou apportés avant le commencement de la dix-neuvième année qui suit celle de leur acquisition ou de leur achèvement et que la cession ou l'apport ne sont pas soumis à la taxe sur le prix total ou la valeur totale de l'immeuble, l'assujetti est redevable d'une fraction de la taxe antérieurement déduite. Cette fraction est égale au montant de la déduction diminuée d'un vingtième par année civile ou fraction d'année civile écoulée depuis la date à laquelle l'immeuble a été acquis ou achevé. Sont assimilés à une cession ou un apport la cessation de l'activité ou la cessation des opérations ouvrant droit à déduction ainsi que le transfert entre différents secteurs d'activités d'un assujetti prévus à l'article 213. (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par contrat du 1er mai 1994, la SAS Bringer Daudé a donné en location gérance à sa filiale, la SAS Polyclinique Saint Privat, un fonds de commerce de polyclinique ; que le contrat accordait au locataire gérant le droit d'occuper les locaux situés avenue Albertini à Béziers, dans lesquels était exploitée la clinique et qui étaient la propriété de la société requérante ; que la SAS Polyclinique Saint Privat versait à la SAS Bringer Daudé une redevance, soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, en rémunération de la location du fonds de commerce et des locaux ; que, par un traité d'apport partiel d'actif du 29 juin 2007, approuvé par une décision de son assemblée générale extraordinaire du 22 août 2007, la SAS Bringer Daudé a apporté le fonds de commerce de clinique à la SAS Polyclinique Saint Privat, qui a poursuivi son exploitation dans de nouveaux locaux situés sur le territoire de la commune de Boujan-sur-Libron ; qu'afin de permettre l'organisation du déménagement de la clinique, la SAS Bringer Daudé a conclu le 1er septembre 2007 avec la SAS Polyclinique Saint Privat une convention par laquelle les parties convenaient que cette dernière société prenait à bail les locaux situés à Béziers jusqu'au 31 décembre 2007 ; que, par acte du 28 janvier 2008, la SAS Bringer Daudé a cédé à l'EURL Medotels son immeuble situé à Béziers ; que cette cession n'a pas été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'à la suite du contrôle dont la société requérante a fait l'objet, l'administration a procédé, au titre de l'année 2008, à raison de la cession de l'immeuble, à un rappel de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à la régularisation de la taxe initialement déduite et grevant les travaux immobiliers réalisés sur cet immeuble au cours des années 1998 à 2001 ;
4. Considérant, d'une part, que l'administration ne conteste pas la réalité de l'apport du fonds de commerce de la clinique, comprenant la clientèle et les autorisations administratives délivrées par l'agence régionale de l'hospitalisation, privant ainsi d'objet le contrat de location de gérance portant sur le fonds de commerce apporté ; que la SAS Bringer Daudé démontre, par les pièces qu'elle produit, avoir procédé, en application de l'article R. 144-1 du code de commerce, aux mesures de publicité nécessaires pour informer les tiers de la fin de la location-gérance ; que, dans ces conditions et contrairement à ce que soutient le ministre, le contrat de location-gérance ne s'est pas poursuivi jusqu'au 31 décembre 2007, alors même que la rémunération de la location de l'immeuble situé à Béziers aurait été calculée et réglée, après l'opération d'apport, selon les modalités prévues par ce contrat de location-gérance ;
5. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que la SAS Polyclinique Saint Privat a transféré son activité de clinique dans des locaux situés à Boujan-sur-Libron dès la fin du mois d'août 2007 comme en atteste, notamment, la décision de l'agence régionale de l'hospitalisation du 27 août 2007 autorisant la création d'une pharmacie au sein du nouvel établissement ; qu'ainsi, à compter du mois de septembre 2007, les locaux situés avenue Albertini à Béziers n'étant plus affectés à une activité d'exploitation d'une clinique, la société requérante ne poursuivait plus alors qu'une activité de location de locaux nus mis à disposition de la SAS Polyclinique Saint Privat, pour laquelle il n'est pas établi qu'elle aurait opté, en application des dispositions du 2° de l'article 260 du code des impôts, pour l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée, alors même qu'elle aurait soumis à tort les loyers versés à cette taxe ; que s'il résulte de l'instruction et particulièrement de l'acte de cession de l'immeuble du 28 janvier 2008, que l'EURL Medotels, nouvel acquéreur de l'immeuble, en avait pris possession dès le 19 novembre 2007, en l'absence de contrat de location conclu entre la SAS Bringer Daudé et l'acquéreur, pour lequel une option pour la taxe sur la valeur ajoutée aurait été exercée, l'immeuble n'a pas été utilisé à des opérations imposables au cours de la période comprise entre cette prise de possession et sa cession ; que, dans ces conditions, il résulte de ce qui précède que l'immeuble appartenant à la SAS Bringer Daudé a cessé d'être utilisé à des opérations imposables à la taxe sur la valeur ajoutée au cours de l'année 2007 ; que, par suite c'est à tort que l'administration a procédé au rappel en litige au titre de l'année 2008 ;
Sur la demande de compensation présentée par le ministre :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'administration est fondée à invoquer des insuffisances ou omissions de toute nature pendant l'instruction de la demande, laquelle doit s'entendre comme prenant effet au plus tôt à compter de l'examen de la réclamation du contribuable par l'administration et se poursuivant pendant toute la durée du contentieux devant le juge administratif statuant au fond sur le litige ;
7. Considérant que le ministre entend se prévaloir de la compensation du rappel de taxe sur la valeur ajoutée en litige, rattaché à tort à l'année 2008 comme il ressort du point 5, afin de le relier à l'année 2007, également comprise dans la période visée par l'avis de mise en recouvrement ; que, toutefois, le rappel de taxe en litige, et particulièrement son rattachement à l'année 2008, résulte de l'analyse faite par le service de l'activité exercée par la SAS Bringer Daudé et de ses conséquences au regard de son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée, pour laquelle il a disposé des informations suffisantes au cours de la procédure d'imposition ; que l'absence de régularisation, au titre de l'année 2007, de la taxe sur la valeur ajoutée initialement déduite se rapportant à l'immeuble en cause ne résulte donc pas d'une insuffisance ou d'une omission constatée par l'administration, au cours de l'instruction de la demande de la société, dans l'assiette ou le calcul de l'imposition contestée ; que, dans ces conditions, la demande de compensation de l'administration, qui concerne au surplus une même matière imposable, ne peut être admise ;
Sur les conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires :
8. Considérant que les intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales sont, en vertu de l'article R. 208-1 du même livre, " payés d'office en même temps que les sommes remboursées par le comptable chargé du recouvrement des impôts " ; qu'en l'absence de litige né et actuel sur la liquidation et le paiement des intérêts moratoires entre le comptable et la SAS Bringer Daudé, les conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires sont irrecevables, comme le soutient le ministre ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SAS Bringer Daudé est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamée à concurrence d'un montant de 329 384 euros en droits et de 31 621 euros d'intérêts de retard ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SAS Bringer Daudé et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La SAS Bringer Daudé est déchargée du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2007 au 30 juin 2010 à concurrence de 329 384 euros en droits et de 31 621 euros d'intérêts de retard.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 7 juillet 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à la SAS Bringer Daudé une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS Bringer Daudé est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Bringer Daudé et au ministre de l'économie.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré après l'audience du 11 mai 2017, où siégeaient :
- M. Bédier, président,
- M. Haïli, premier conseiller,
- M. Ouillon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 mai 2017.
N° 16MA03485 5