Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Moutoufis, Me A...B..., agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la société Moutoufis, et Me D...C..., agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Moutoufis, ont demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à verser à la société Moutoufis, d'une part, les sommes de 31 226,31 euros et 14 756,75 euros assorties des intérêts au taux contractuel en règlement d'un solde de marché pour les lots n° 4 et n° 5 du marché public de travaux de rénovation et de mise aux normes du bâtiment " le Suveret " à Saint-Raphaël, d'autre part, la somme de 4 000 euros en réparation des préjudices subis.
Par un jugement n° 1402830 du 9 août 2016, le tribunal administratif de Toulon a décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête aux fins de règlement des lots n° 4 et n° 5 du marché public de rénovation et de mise aux normes du bâtiment " le Suveret " à Saint-Raphaël, ainsi que sur les conclusions d'appel en garantie présentées par l'Etat et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la Cour :
Par un mémoire enregistré le 13 octobre 2016, MeC..., agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Moutoufis, représenté par MeE..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 31 226,31 euros au titre du lot n° 4 et de 14 756,75 euros au titre du lot n° 5, assorties des intérêts contractuels au taux de 7,5 % à compter du 12 septembre 2013 ;
3°) de condamner l'Etat à verser à Me C...la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le marché en litige a été réceptionné et n'a pas fait l'objet d'une résiliation pour faute ;
- le décompte de résiliation n'est pas définitif dès lors qu'il n'a pas été régulièrement notifié ;
- il a contesté la résiliation du marché.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, président assesseur ;
- et les conclusions de M. Thiéle, rapporteur public.
1. Considérant que l'Etat a confié à l'entreprise Moutoufis les lots " menuiseries intérieures et extérieures " et " serrureries " d'un chantier de rénovation et de mise aux normes d'un bâtiment " le Suveret " dans la résidence de vacances de l'association Education Plein Air Finances (EPAF) à Saint-Raphaël, par deux actes d'engagement du 30 novembre 2012 ; qu'en vue de l'achèvement dans les délais du chantier, l'Etat a mis en demeure l'entreprise de mener à bien les travaux dont elle avait la charge, et a notifié le 7 août 2013 deux décisions de résiliation des marchés dont l'entreprise était attributaire, avec prise d'effet au 19 juillet 2013 ; que l'entreprise a alors adressé au maître d'oeuvre une facture d'intérêts moratoires, des situations de travaux et un projet de décompte pour les deux lots ; que l'Etat n'a pas répondu à cette demande de paiement et a conclu le 12 décembre 2013 deux marchés de substitution avec une autre entreprise ; que l'entreprise Moutoufis a mis en demeure l'Etat, le 27 janvier 2014, d'établir le décompte général du marché ; que la société Moutoufis fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat au paiement de sommes qu'elle estime lui être dues ;
Sur les conclusions à fin de règlement des soldes des décomptes :
2. Considérant que, sous réserve que le contentieux soit lié, le cocontractant dont le marché a été résilié à ses frais et risques, peut saisir le juge du contrat afin de faire constater l'irrégularité ou le caractère infondé de cette résiliation et demander, de ce fait, le règlement des sommes qui lui sont dues, sans attendre le règlement définitif du nouveau marché après, le cas échéant, que le juge du contrat a obtenu des parties les éléments permettant d'établir le décompte général du marché résilié ; que la circonstance qu'un décompte général tenant compte du règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des travaux soit notifié par l'administration avant que le juge statue sur le litige qui lui a été soumis par l'entreprise dont le marché a été résilié, ne prive pas ce litige de son objet ; que ce décompte général ne peut acquérir un caractère définitif et faire obstacle à ce qu'il soit statué sur les conclusions du cocontractant dont le marché a été résilié dès lors que le juge du contrat est précisément saisi d'une demande contestant la régularité ou le bien-fondé de la résiliation et tendant au règlement des sommes dues ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que MeC..., liquidateur judiciaire de la société Moutoufis selon jugement du tribunal de commerce de Fréjus du 27 avril 2015, a reçu communication des décomptes de liquidation devant le tribunal administratif, le 15 février 2016, lesquels étaient joints à un mémoire de l'Etat ; qu'en application des principes ci-dessus énoncés, cette circonstance n'était pas de nature à priver d'objet le litige dont le tribunal administratif était saisi dès lors que le requérant avait contesté le bien-fondé de la résiliation ; que, par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont estimé que, du fait de l'intervention de ces décomptes en cours d'instance, il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de règlement des soldes des marchés ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement, d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur la demande présentée devant le tribunal administratif de Toulon ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 42.2.3 du cahier des clauses administratives générales-travaux applicable : " Le décompte de liquidation est notifié au titulaire par le pouvoir adjudicateur, au plus tard deux mois suivant la date de signature du procès-verbal prévu à l'article 47.1.1. Cependant, lorsque le marché est résilié aux frais et risques du titulaire, le décompte de liquidation du marché résilié ne sera notifié au titulaire qu'après règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des travaux. Dans ce cas, il peut être procédé à une liquidation provisoire du marché, dans le respect de la règlementation en vigueur. " ; qu'aux termes de l'article 47.2.1 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) travaux : " En cas de résiliation du marché, une liquidation des comptes est effectuée. Le décompte de liquidation du marché, qui se substitue au décompte général prévu à l'article 13.4.2, est arrêté par décision du représentant du pouvoir adjudicateur et notifié au titulaire. " ; qu'aux termes de l'article 47.2.3 du même cahier : " Le décompte de liquidation est notifié au titulaire par le pouvoir adjudicateur, au plus tard deux mois suivant la date de signature du procès-verbal prévu à l'article 47.1.1. Cependant, lorsque le marché est résilié aux frais et risques du titulaire, le décompte de liquidation du marché résilié ne sera notifié au titulaire qu'après règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des travaux. Dans ce cas, il peut être procédé à une liquidation provisoire du marché, dans le respect de la règlementation en vigueur. " ; qu'aux termes de l'article 48.4 du même CCAG : " En cas de résiliation aux frais et risques du titulaire, les mesures prises en application de l'article 48.3 sont à la charge de celui-ci. Pour l'achèvement des travaux conformément à la réglementation en vigueur, il est passé un marché avec un autre entrepreneur. Ce marché de substitution est transmis pour information au titulaire défaillant. Par exception aux dispositions de l'article 13.4.2, le décompte général du marché résilié ne sera notifié au titulaire qu'après règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des travaux. " ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le maître d'ouvrage a procédé, le 14 août 2013, conformément à l'article 48 du CCAG-travaux, au constat des travaux exécutés ; que si la société a reçu une décision du 27 septembre 2013 de levée des réserves, un tel courrier du maître d'oeuvre, adressé par erreur postérieurement à la résiliation du contrat, n'a pu mettre fin aux relations contractuelles, qui avaient déjà été interrompues par la résiliation ;
7. Considérant que, le 8 juillet 2013, l'Etat a informé la société Moutoufis des malfaçons affectant les menuiseries et les fermetures et qu'à défaut de reprise des travaux avant le 12 juillet 2013, les travaux seraient achevés à ses frais et risques par une autre entreprise, conformément à l'article 48 du CCAG-travaux ; que les manquements allégués sont établis par les photographies et pièces versées au dossier ; que, par suite, la résiliation aux frais et risques de la société était fondée ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article 47.2.3 précité du CCAG-travaux, le décompte de liquidation n'est notifié au titulaire qu'après règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des travaux ; qu'il appartient alors à l'entreprise de reprendre, dans un mémoire en réclamation produit à la suite de la notification du décompte général, les réclamations qu'elle entend formuler ; qu'en l'espèce, à la date du 27 janvier 2014 à laquelle l'entreprise Moutoufis a mis en demeure l'Etat d'établir les décomptes des marchés, les marchés de substitution n'étaient pas réglés ; qu'ainsi cette mise en demeure, qui était prématurée, n'a pu valoir mémoire en réclamation ; que, le contentieux n'étant pas lié, la demande présentée devant le tribunal administratif était, comme le soutient le ministre, irrecevable ;
Sur la demande de dommages et intérêts :
9. Considérant qu'aux termes de l'article 1231-6 du code civil : " le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance. " ;
10. Considérant que le requérant n'allègue pas que le refus de paiement lui aurait été, en tout état de cause, opposé de mauvaise foi ou qu'il lui aurait causé un préjudice distinct de celui qui est réparé par des intérêts moratoires ; que, par suite, ses conclusions tendant au versement par l'Etat d'une somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts doivent être rejetées ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter la demande d'indemnité présentée devant le tribunal administratif de Toulon par MeC..., agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Moutoufis ;
Sur l'appel en garantie présenté par les ministres défendeurs :
12. Considérant qu'en conséquence du rejet des conclusions de la requête aux fins de règlement du marché et de condamnation, les conclusions des ministres défendeurs tendant à être garantis par le groupement de maîtrise d'oeuvre des travaux en litige doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme réclamée sur leur fondement par le liquidateur judiciaire de la société Moutoufis ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 9 août 2016 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par MeC..., agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Moutoufis, devant le tribunal administratif de Toulon, ensemble le surplus des conclusions présentées devant la cour administrative d'appel, sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me D...C...en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Moutoufis et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2017, où siégeaient :
- M. Moussaron, président,
- Mme Steinmetz-Schies, président-assesseur,
- Mme Héry, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 6 juin 2017.
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N° 16MA03848