Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme Marylène Ferhata demandé au tribunal administratif de Nice de condamner l'université Nice Sophia-Antipolis à lui verser la somme de 221 160 euros, avec intérêts de droit à compter du 26 décembre 2012, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi à la suite de son licenciement.
Par un jugement n° 1302123 du 4 juin 2015, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 28 juillet 2015, le 24 mars 2016 et le 13 avril 2016, Mme Ferhat, représentée par Me F..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 4 juin 2015 ;
2°) de condamner l'université Nice Sophia-Antipolis à lui verser la somme de 66 247 euros avec intérêts de droit à compter du 26 décembre 2012 ;
3°) de mettre à la charge de l'université de Nice - Sophia Antipolis la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il appartenait au conseil d'administration et non au président de l'université de décider de mettre fin prématurément à son contrat ;
- son licenciement n'est pas justifié par l'intérêt du service ;
- l'irrégularité de la procédure de licenciement est en lien direct avec le préjudice subi ;
- la mesure contestée est entachée de détournement de pouvoir ;
- l'employeur a manqué à son obligation de reclassement ;
- son préjudice doit être évalué à la somme de 66 247 euros.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 8 mars 2016 et le 1er avril 2016, l'université de Nice Sophia-Antipolis, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de Mme Ferhat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme Ferhat ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 82-452 du 28 mai 1982 ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Féménia,
- les conclusions de M. Chanon,
- et les observations de Me E..., représentant Mme Ferhat, et de Me C..., représentant l'université de Nice Sophia-Antipolis.
1. Considérant que Mme Ferhat, qui exerçait, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée portant sur la période du 1er juin 2011 au 31 août 2014, les fonctions de directrice adjointe au cabinet du président de l'université de Nice Sophia-Antipolis, relève appel du jugement du 4 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la réparation des préjudices consécutifs à son licenciement notifié par lettre du 2 octobre 2012 ;
En ce qui concerne la responsabilité de l'université de Nice Sophia Antipolis :
2. Considérant en premier lieu que la décision du 2 octobre 2012 de licenciement de Mme Ferhat, d'une part méconnaît l'article 47 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat au motif d'une insuffisance de motivation dès lors qu'elle ne comporte pas la mention des droits à congés annuels restant à courir, qui ne pouvait se confondre avec la période de préavis, et, d'autre part, est privée de base légale à raison de l'illégalité de la décision supprimant le poste de l'intéressée intervenue sans consultation du comité technique paritaire de l'établissement en méconnaissance de l'article 12 du décret du 28 mai 1982 relatif aux comités techniques paritaires ;
3. Considérant en deuxième lieu qu'aux termes de l'article L. 712-2 du code de l'éducation : " Le président assure la direction de l'université. A ce titre : (...) 4° Il a autorité sur l'ensemble des personnels de l'université. "
4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le président de l'université était seul compétent pour mettre fin aux fonctions de Mme Ferhat en qualité d'agent contractuel ; que, dès lors, l'appelante ne saurait soutenir qu'il appartenait au conseil d'administration de se prononcer sur la mesure de licenciement dont elle a fait l'objet ;
5. Considérant en troisième lieu qu'il ressort des pièces du dossier que le poste de directrice adjointe de cabinet pour lequel Mme Feraht a été recrutée par contrat à durée déterminée a été supprimé le 29 mai 2012 de l'organigramme, le cabinet du président ne comportant plus qu'un poste de directeur de cabinet ; que, par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que son licenciement aurait été dénué de cause réelle et sérieuse ;
6. Considérant en quatrième lieu que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
7. Considérant en cinquième lieu qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Sauf dérogation prévue par une disposition législative, les emplois civils permanents de l'Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics à caractère administratif sont (...) occupés (...) par des fonctionnaires régis par le présent titre (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu que les emplois civils permanents de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics à caractère administratif soient en principe occupés par des fonctionnaires et qu'il n'a permis le recrutement d'agents contractuels qu'à titre dérogatoire et subsidiaire dans les cas particuliers énumérés par la loi, que ce recrutement prenne la forme de contrats à durée déterminée ou, par application des dispositions issues de la loi du 26 juillet 2005, de contrats à durée indéterminée ; que, par suite, un agent contractuel ne peut tenir de son contrat le droit de conserver l'emploi pour lequel il a été recruté ; que, lorsque l'autorité administrative entend affecter un fonctionnaire sur cet emploi ou supprimer cet emploi dans le cadre d'une modification de l'organisation du service, elle peut, pour ce motif, légalement écarter l'agent contractuel de cet emploi ;
8. Considérant qu'il résulte toutefois d'un principe général du droit dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés dont l'emploi est supprimé que les règles du statut général de la fonction publique qui imposent de donner, dans un délai raisonnable, aux fonctionnaires en activité dont l'emploi est supprimé une nouvelle affectation correspondant à leur grade, qu'il incombe à l'administration, avant de pouvoir prononcer le licenciement d'un agent contractuel recruté en vertu d'un contrat à durée déterminée, motivé par la suppression, dans le cadre d'une réorganisation du service, de l'emploi permanent qu'il occupait, de chercher à reclasser l'intéressé ; que ce principe est également applicable, dans la limite de la durée de leur contrat, aux agents contractuels recrutés en vertu d'un contrat à durée déterminée, dès lors qu'ils occupent un emploi permanent ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par courrier du 29 mai 2012, le président de l'université Nice Sophia-Antipolis a informé Mme Feraht de la suppression de l'emploi qu'elle occupait ; qu'une procédure de licenciement a alors été engagée ; que l'intéressée a été reçue le 24 juillet 2012 en entretien préalable au licenciement prononcé le 2 octobre suivant ; qu'une proposition de poste de chargée de mission auprès du vice président en charge de l'insertion professionnelle et des relations avec les entreprises lui a été faite le 29 mai 2012 pour une durée de deux mois ; que, toutefois, cette proposition, alors que l'intéressée disposait d'un contrat de travail jusqu'au 31 août 2014, ne peut être regardée comme une proposition de reclassement intervenant à l'occasion d'un licenciement pour suppression de poste ; que, postérieurement à la décision de supprimer le poste de Mme Feraht, l'université Nice Sophia-Antipolis n'a pas effectué de recherches en vue du reclassement de l'intéressée ; que l'université se borne à alléguer qu'aucun autre poste n'était disponible sans pour autant l'établir et sans justifier d'aucun élément de nature à justifier cette absence ; que, dans ces conditions, faute d'avoir satisfait à son obligation de reclassement, l'université de Nice Sophia-Antipolis a entaché sa décision portant licenciement de Mme Ferhat d'illégalité ;
10. Considérant que si l'intervention d'une décision illégale peut constituer une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat, elle ne saurait donner lieu à réparation si, dans le cas d'une procédure régulière, la même décision aurait pu légalement être prise ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision du 2 octobre 2012 portant licenciement de Mme Ferhat est insuffisamment motivée ; que la décision portant réorganisation du cabinet de la présidence de l'université à l'origine du licenciement a été prise sans consultation préalable du comité technique paritaire et que l'université de Nice -Sophia Antipolis n'a pas satisfait à son obligation de recherche de reclassement professionnel de la requérante ; que ces illégalités sont de nature à engager la responsabilité de l'université ; qu' en l'absence de toute justification d'une recherche de reclassement et de précision sur les emplois susceptibles d'être proposés à l'intéressée jusqu'au terme de son contrat, la même décision n'aurait pu légalement être prise par l'administration dans le cas d'une procédure régulière ; que, par suite, Mme Ferhat est fondée à soutenir que le préjudice qu'elle invoque est en lien direct avec l'illégalité de la décision du 2 octobre 2012 et à en demander réparation ;
En ce qui concerne le préjudice :
12. Considérant que lorsqu'un agent public sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité d'une mesure d'éviction illégalement prise à son encontre, sans demander l'annulation de cette décision, il appartient au juge de plein contentieux, forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, de lui accorder une indemnité versée pour solde de tout compte et déterminée en tenant compte notamment de la nature et de la gravité de l'illégalité, de l'ancienneté de l'intéressé, de sa rémunération antérieure et des troubles dans ses conditions d'existence ;
13. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme Ferhat, qui avait trente-six ans au moment de son licenciement, a été employée au sein de l'université pendant une durée de quatre ans, en qualité de directrice adjointe de cabinet la dernière année ; qu'elle percevait alors un revenu net mensuel d'environ 3 000 euros ; qu'eu égard aux développements qui précèdent relatifs notamment à la nature et à la gravité de l'illégalité commise, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par Mme Ferhat en l'évaluant à la somme de 15 000 euros ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme Ferhat est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;
Sur les intérêts :
15. Considérant qu'en l'absence de justification de la date de réception de sa réclamation préalable par l'université Nice Sophia-Antipolis, Mme Ferhat a droit au versement des intérêts sur la somme de 15 000 euros à compter du 7 juin 2013, date d'enregistrement de sa demande auprès du tribunal administratif de Nice,;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
17. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme Ferhat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande l'université de Nice Sophia-Antipolis au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'université de Nice Sophia-Antipolis la somme de 2 000 euros à verser à Mme Ferhat au titre des mêmes dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 4 juin 2015 est annulé.
Article 2 : L'université de Nice Sophia-Antipolis est condamnée à verser à Mme Ferhat une somme de 15 000 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2013.
Article 3 : L'université de Nice Sophia-Antipolis versera à Mme Ferhat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme Ferhat est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Marylène Ferhatet à l'université de Nice Sophia-Antipolis.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2017, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme Féménia, première conseillère.
Lu en audience publique, le 13 octobre 2017.
N° 15MA03132
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