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13/03/2018 | FRANCE | N°15MA02890

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 13 mars 2018, 15MA02890


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner le centre communal d'action sociale de Montpellier à lui verser une indemnité de 65 212 euros en réparation des préjudices subis suite à son accident du travail.

Par un jugement n° 1305919 du 5 juin 2015, le tribunal administratif de Montpellier a condamné le centre communal d'action sociale de Montpellier à verser à Mme B... une indemnité de 7 500 euros, mis à la charge définitive du centre communal d'action sociale le

montant des frais d'expertise et a rejeté le surplus des conclusions de la deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner le centre communal d'action sociale de Montpellier à lui verser une indemnité de 65 212 euros en réparation des préjudices subis suite à son accident du travail.

Par un jugement n° 1305919 du 5 juin 2015, le tribunal administratif de Montpellier a condamné le centre communal d'action sociale de Montpellier à verser à Mme B... une indemnité de 7 500 euros, mis à la charge définitive du centre communal d'action sociale le montant des frais d'expertise et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires, respectivement enregistrés le 15 juillet 2015, le 12 et le 19 septembre 2016, Mme B..., représentée par Eleom Avocats, demande à la Cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 5 juin 2015 ;

2°) de porter l'indemnité que le centre communal d'action sociale doit être condamné à lui verser à la somme totale de 65 212 euros ;

3°) de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Montpellier la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'elle est fondée à obtenir l'intégrale réparation des préjudices retenus par les experts, les sommes allouées par le tribunal étant insuffisantes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2016, le centre communal d'action sociale de Montpellier, représenté par la société civile professionnelle VPNG Avocats Associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelante la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le rapport de l'expert commis en 2012 doit être écarté des débats, dès lors que ce docteur n'a pas été correctement informé par Mme B... des antécédents de cette dernière ;

- les sommes demandées par l'appelante sont excessives au regard de la jurisprudence administrative et du référentiel d'indemnisation de l'ONIAM ;

- certains préjudices dont l'indemnisation est demandée n'ont pas été retenus par l'expert et ne sont pas établis ;

- le tribunal administratif a justement évalué l'indemnisation des préjudices subis par Mme B....

Un mémoire présenté pour le centre communal d'action sociale de Montpellier a été enregistré le 29 septembre 2016 et n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 92-866 du 28 août 1992 portant statut particulier du cadre d'emplois des auxiliaires de soins territoriaux ;

- le décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 relatif à l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Busidan,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant le centre communal d'action sociale de Montpellier.

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite d'un accident du travail survenu le 31 mai 2009 qui l'a blessée à l'épaule droite, Mme B..., auxiliaire de soins territoriale titulaire du centre communal d'action sociale (CCAS) de Montpellier travaillant en maison de retraite, a été arrêtée du 31 mai au 31 juillet 2009 ; que si elle a repris son travail le 1er août 2009, le médecin du travail a cependant prescrit, par compte-rendu de visite du 13 octobre 2009, l'interdiction du port de charges supérieures à 10 kg, ce qui a conduit le CCAS à affecter Mme B... dans un service réservé à des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ; que, dans le cadre d'un litige l'opposant à son employeur qui avait refusé de prendre en charge, au titre de l'accident de travail, le congé de maladie à compter du 11 juillet 2009 et avait considéré que la guérison de sa pathologie à l'épaule droite était intervenue le 10 juillet 2009 sans incapacité permanente partielle (IPP), une première expertise ordonnée par le tribunal administratif de Montpellier a été menée le 6 mai 2010 par le docteur Simeray, lequel a estimé, dans son rapport, que la date de consolidation ne pourrait être fixée qu'ultérieurement ; que, dans le cadre d'un autre litige l'opposant à son employeur sur cette date de consolidation et sur le quantum de l'IPP dont elle restait atteinte, une seconde expertise a été ordonnée par le tribunal administratif de Montpellier et menée le 21 mai 2012 par le docteur Chammas ; qu'au vu de ces expertises, Mme B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'indemnisation des préjudices subis consécutivement à l'accident du travail du 31 mai 2009 ; que, par jugement rendu le 5 juin 2015, ce tribunal a condamné le CCAS de Montpellier à lui verser une indemnité d'un montant total de 7 500 euros ; que Mme B... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de la demande de réparation qu'elle avait présentée et évaluée à la somme totale de 65 212 euros ;

Sur la demande du CCAS tendant à ce que l'expertise du docteur Chammas soit écartée des débats :

2. Considérant qu'en soutenant que l'expert n'aurait pas été correctement informé par Mme B... de ses antécédents pathologiques relatifs à son épaule droite, le CCAS conteste le bien-fondé des conclusions de l'expert ; qu'une telle contestation ne saurait conduire, comme il le demande, à écarter des débats l'expertise, laquelle constitue une pièce du dossier et dont il appartient au juge seul d'apprécier le bien-fondé au regard des autres éléments versés au dossier ; qu'en l'espèce, si le CCAS produit des déclarations d'accident du travail datant du 22 mai 2000, du 8 décembre 2007, et du 23 avril 2008 dans lesquels Mme B... fait état de douleurs à l'épaule droite, il ne résulte pas de l'instruction que ces accidents du travail aient alors empêché une guérison complète de Mme B..., alors que l'expert a relevé qu'un arthroscanner de l'épaule droite effectué le 22 juin 2009, moins d'un mois après l'accident de travail ici en cause, ne révélait pas d'état antérieur particulier relatif à l'épaule droite de l'intéressée ; que la circonstance que, le 7 janvier 2012 soit avant l'examen effectué en mai de la même année par le docteur Chammas, Mme B... ait subi un nouvel accident du travail affectant son épaule droite, ne suffit pas à établir une erreur entachant les conclusions de ce docteur au regard des conséquences de l'accident de travail du 31 mai 2009 sur l'état de santé de Mme B... ; que n'est pas davantage de nature à affecter la validité de ces conclusions le fait que, le 11 mars 2006, le médecin du travail avait déjà recommandé " Pas de port de charge seule ; port de charges limité ou partagé " ; qu'ainsi, les éléments versés au dossier par le CCAS ne sont pas de nature à invalider les conclusions de l'expertise ;

Sur le principe de la responsabilité et l'évaluation des préjudices consécutifs à l'accident de travail :

3. Considérant que les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les intéressés peuvent prétendre, au titre des conséquences patrimoniales de l'atteinte à l'intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions ; qu'elles ne font, en revanche, obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des dommages ne revêtant pas un caractère patrimonial, tels que des souffrances physiques ou morales, un préjudice esthétique ou d'agrément ou des troubles dans les conditions d'existence, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incomberait ;

4. Considérant que la circonstance que le fonctionnaire victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle ne remplit pas les conditions auxquelles les dispositions mentionnées ci-dessus subordonnent l'obtention d'une rente ou d'une allocation temporaire d'invalidité fait obstacle à ce qu'il prétende, au titre de l'obligation de la collectivité qui l'emploie de le garantir contre les risques courus dans l'exercice de ses fonctions, à une indemnité réparant des pertes de revenus ou une incidence professionnelle ; qu'en revanche, elle ne saurait le priver de la possibilité d'obtenir de cette collectivité la réparation de préjudices d'une autre nature, dès lors qu'ils sont directement liés à l'accident ou à la maladie ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Montpellier et menée par le docteur Chammas, et qu'il n'est pas contesté par l'appelante, que son état de santé est consolidé depuis le 2 mars 2011 et que le taux du déficit fonctionnel permanent dont elle reste atteinte à la suite de l'accident du travail du 31 mai 2009 doit être fixé à 7 %, eu égard aux précisions données par l'expert ; qu'en vertu de l'article 2 du décret susvisé du 2 mai 2005, ce taux, comme le constate d'ailleurs la requérante, est insuffisant pour donner lieu au versement d'une allocation temporaire d'invalidité ; qu'en application des principes rappelés aux points 3 et 4, Mme B... n'est pas fondée à obtenir réparation des préjudices patrimoniaux qu'elle invoque au titre de l'incidence professionnelle et de l'aide d'une tierce personne ;

6. Considérant, s'agissant des préjudices extra-patrimoniaux, qu'en premier lieu, Mme B... est fondée à prétendre que, compte tenu de son taux de déficit fonctionnel permanent partiel, le tribunal administratif de Montpellier a fait une insuffisante évaluation de l'indemnité destinée à réparer ce chef de préjudice en en fixant le montant à 4 700 euros ; qu'il convient de porter cette indemnité à la somme de 7 500 euros ; qu'en revanche, en fixant à la somme de 100 euros l'indemnité destinée à réparer le déficit fonctionnel temporaire partiel subi, évalué par l'expert à 25 % du 31 mai au 16 juin 2009 et à 10 % du 17 juin au 31 juillet 2009, les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante de ce chef de préjudice ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'expertise menée par le docteur Chammas que ce dernier, qui s'est prononcé après la consolidation de l'état de santé de Mme B..., a pris en compte dans leur ensemble les souffrances endurées par l'intéressée et les a estimées, pour l'ensemble de la période qui a précédé la consolidation, à 2,5 sur une échelle de 7 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'en fixant à un montant de 2 000 euros l'indemnité destinée à réparer ce chef de préjudice, le tribunal administratif de Montpellier en ait fait une insuffisante appréciation ; qu'il en va de même pour la réparation, qu'il a fixée à 200 euros, du préjudice esthétique, lié à l'immobilisation temporaire du bras droit pendant les quelques semaines qui ont précédé la reprise par Mme B... de son travail ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'au titre du préjudice d'agrément, Mme B... se borne à indiquer qu'elle est privée du plaisir de soulever ses petits-enfants ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'en fixant à un montant de 500 euros l'indemnité destinée à réparer ce chef de préjudice, le tribunal administratif de Montpellier en ait fait une insuffisante appréciation ; qu'alors que Mme B...se borne à évoquer les difficultés qu'elle éprouve à enlacer son compagnon, le préjudice sexuel n'est pas établi ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a limité à 7 500 euros le montant de l'indemnité destinée à réparer l'ensemble des préjudices subis par l'intéressée consécutivement à l'accident du travail du 31 mai 2009 ; qu'il y a lieu de porter cette indemnité à la somme de 10 300 euros et de réformer dans cette mesure le jugement attaqué ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B... qui n'est, dans la présente instance, ni partie perdante, ni tenue aux dépens, la somme que le CCAS de Montpellier demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, sur le fondement des mêmes dispositions et dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du CCAS de Montpellier une somme de 2 000 euros au titre de ces frais exposés par l'appelante et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : L'indemnité que le CCAS de Montpellier a été condamné à verser à Mme B..., par l'article 1er du jugement du 5 juin 2015 du tribunal administratif de Montpellier, est portée à la somme de 10 300 euros.

Article 2 : Le jugement du 5 juin 2015 du tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu'il est contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Le CCAS de Montpellier versera la somme de 2 000 euros à Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par le CCAS de Montpellier sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au centre communal d'action sociale de Montpellier.

Délibéré après l'audience du 27 février 2018, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,

- M. Portail, président-assesseur,

- Mme Busidan, première conseillère.

Lu en audience publique, le 13 mars 2018.

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N° 15MA02890


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