Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'Association Citoyenne de Défense de l'Hôpital Public de Briançon (ACDHPB) a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté n° 2012/DG/01/08 du 30 janvier 2012 du directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) Provence-Alpes-Côte d'Azur fixant le schéma régional d'organisation des soins (SROS) de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur en tant qu'il prévoit la fermeture du service de réanimation du centre hospitalier de Briançon.
Par un jugement n° 1207853 du 1er octobre 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 décembre 2015 et le 29 janvier 2016, l'ACDHPB, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 1er octobre 2015 ;
2°) de prononcer le sursis à exécution de ce jugement ;
3°) d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2012 du directeur général de l'ARS Provence-Alpes-Côte d'Azur fixant le SROS de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur en tant qu'il prévoit la fermeture du service de réanimation du centre hospitalier de Briançon.
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est entaché d'un vice d'incompétence ;
- les procès-verbaux des réunions de concertation de la conférence des territoires sur le projet de SROS n'ont pas été communiqués ;
- l'arrêté est entaché de vices de procédure en l'absence de communication des procès-verbaux des réunions de concertation de la conférence des territoires sur le projet de SROS de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et de consultation préalable du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, d'annonce prématurée de la suppression du service de réanimation du centre hospitalier de Briançon et de non respect des périodes de demandes de renouvellement d'agrément ;
- il est entaché d'un vice de forme dès lors que n'y ont pas été annexés les documents financiers et statistiques ;
- il est entaché d'une erreur de droit au regard de l'application des articles 1 et 8 de la loi du 9 janvier 1985 ;
- il méconnait l'article R. 6123-37 du code de la santé publique ;
- il n'est pas compatible avec l'avenant au contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens conclu le 1er août 2011 ;
- il va entraîner la dénonciation par les autorités italiennes de l'accord de coopération transfrontalière du 11 avril 2011 ;
- il méconnait l'article L. 1434-7 du code de la santé publique ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'absence de prise en compte de la réalité du territoire et du bassin de santé et de la mise en danger des patients ;
- il est entaché d'un détournement de pouvoir en l'absence de prise en compte de l'avis du préfet de région.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 décembre 2017, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.
Il s'en remet aux écritures produites en première instance par l'ARS Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code du travail ;
- la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas,
- et les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique.
1. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 1431-1 du code de la santé publique : " Le projet régional de santé est arrêté par le directeur général de l'agence régionale de santé après avis du préfet de région, du conseil régional, des conseils départementaux, des conseils municipaux, ainsi que de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie. " ;
2. Considérant que le moyen tiré de ce que les procès-verbaux des réunions de concertation de la conférence des territoires sur le projet de SROS de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur n'ont pas été communiqués n'est pas plus en appel qu'en première instance assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien fondé ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 4612-8 du code du travail, dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée, applicable aux établissements de santé en vertu des dispositions du 3° de l'article L. 4111-1 du même code : " Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail. " ;
4. Considérant que l'arrêté contesté du 30 janvier 2012 par lequel le directeur général de l'ARS Provence-Alpes-Côte d'Azur fixe le SROS de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur prévoit notamment la fermeture du service de réanimation du centre hospitalier de Briançon ; qu'il ressort des pièces du dossier que cette décision ne fixe aucune modalité pratique de mise en oeuvre approuvée par une autre décision ; qu'il suit de là que la décision en litige ne modifie pas par elle-même les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail du personnel de l'établissement de soins ; qu'elle n'était dès lors pas soumise à la consultation préalable du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'il est constant que la suppression du service de réanimation du centre hospitalier de Briançon a été annoncée prématurément dans une réponse ministérielle à une question parlementaire orale le 15 décembre 2011, avant la fin de la concertation fixé au 24 décembre suivant ; que, toutefois, la décision d'approbation du SROS de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur relève de la compétence du directeur général de l'ARS ; qu'il suit de là que la prise de position ministérielle est sans incidence sur la régularité de la procédure d'adoption de l'arrêté contesté ;
6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article R. 6123-37 du code de la santé publique : " L'unité de réanimation comporte au minimum huit lits. A titre dérogatoire, après analyse des besoins de la population et lorsque l'éloignement de l'établissement pratiquant la réanimation impose des temps de trajets excessifs à une partie significative de la population, le directeur général de l'agence régionale de santé peut fixer cette capacité minimale à six lits. " ;
7. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'elles n'ont vocation à s'appliquer qu'à la délivrance des autorisations des activités de réanimation, et non à l'édiction du SROS ; que l'arrêté contesté prévoit de supprimer l'unité de réanimation du centre hospitalier de Briançon et non de diminuer sa capacité de 8 à 6 lits ou d'autoriser une activité de réanimation ; qu'en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que l'activité réelle de l'unité de réanimation du centre hospitalier de Briançon correspond à seulement 2 lits actifs, en-deçà de la capacité minimale prévue par les dispositions précitées ; qu'il suit de là que l'association requérante ne peut utilement se prévaloir ni de ce que le directeur général de l'ARS de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur n'aurait pas justifié sa décision de suppression au regard des dispositions de l'article R. 6123-37 du code de la santé publique ni d'une méconnaissance de ces dispositions par le SROS ;
8. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " La République française reconnaît la montagne comme un ensemble de territoires dont le développement équitable et durable constitue un objectif d'intérêt national en raison de leur rôle (...) sanitaire (...) Le développement équitable et durable de la montagne s'entend comme une dynamique de progrès initiée, portée et maîtrisée par les populations de montagne et appuyée par la collectivité nationale, qui doit permettre à ces territoires d'accéder à des niveaux et conditions de vie comparables à ceux des autres régions et offrir à la société des services (...) de haute qualité. (...) L'Etat et les collectivités publiques apportent leur concours aux populations de montagne pour mettre en oeuvre ce processus de développement équitable et durable en encourageant notamment les évolutions suivantes : (...) - réévaluer le niveau des services en montagne, assurer leur pérennité et leur proximité par une généralisation de la contractualisation des obligations. " ; que l'article 8 de cette loi prévoit que : " Les dispositions de portée générale sont adaptées, en tant que de besoin, à la spécificité de la montagne. " ;
9. Considérant que le SROS de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ne constitue pas une disposition de portée générale au sens des dispositions de l'article 1er de la loi du 9 janvier 1985 ; qu'en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier, et notamment des indications figurant dans le SROS, que la suppression du service de réanimation du centre hospitalier de Briançon s'accompagne de la réorganisation des activités de réanimation des centres hospitaliers de Briançon et de Gap situés dans le même territoire de santé des Hautes-Alpes sur le centre hospitalier de Gap sans diminution du nombre total de lits ; que les patients du centre hospitalier de Briançon nécessitant des soins de réanimation pourront être transférés dans cette nouvelle unité ; que l'activité réelle du service de réanimation du centre hospitalier de Briançon équivaut à 2 lits, ce qui ne permet pas d'assurer une qualité et une sécurité des soins satisfaisantes eu égard aux exigences techniques particulièrement élevées dans cette spécialité, notamment en termes de ressources médicales ; que l'ACDHPB n'établit pas que la fréquentation du service de réanimation du centre hospitalier de Briançon serait équivalente à celle de l'établissement de soins de Gap ; qu'elle n'établit pas davantage que la réorganisation de ces deux services de réanimation aurait pour conséquence une diminution du pronostic vital des patients actuellement admis au centre hospitalier de Briançon dès lors que son unité de réanimation va être transformée en unité de surveillance continue, apte à stabiliser et à conditionner, le cas échéant, un patient dont l'état de santé nécessiterait un transfert vers une unité de réanimation et que ce transfert est assuré par des moyens spécialement adaptés ; qu'ainsi, la décision contestée n'a pas pour objet, ni pour effet, de priver la population montagnarde du territoire des Hautes-Alpes de l'accès aux soins de réanimation répondant aux enjeux tant d'accessibilité que de sécurité et ne méconnait dès lors pas l'objectif fixé par l'article 8 de la loi du 9 janvier 1985 ;
10. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article L. 1434-7 du code de la santé publique, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " Le schéma régional d'organisation des soins a pour objet de prévoir et de susciter les évolutions nécessaires de l'offre de soins afin de répondre aux besoins de santé de la population et aux exigences d'efficacité et d'accessibilité géographique. (...) Il prend en compte également les difficultés de déplacement des populations, ainsi que les exigences en matière de transports sanitaires, liées en particulier aux situations d'urgence. (...) " ;
11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du SROS, que ce document comporte un résumé de l'état des lieux sanitaire du département des Hautes-Alpes, une description des orientations régionales en termes d'accessibilité et de proximité, de qualité et de sécurité et d'efficience des soins et d'accès aux soins ainsi que des bilans de la situation sanitaire existante et de l'activité des différents services de réanimations illustrée par différents tableaux annexés dont il est tiré un certain nombre de conséquences sur l'évolution immédiate des autorisations et sur leur évolution à cinq ans compte tenu de l'augmentation de la population, de la démographie des anesthésistes-réanimateurs, de la lourdeur des prises en charge et de la modification des techniques, prenant dès lors en compte la réalité du territoire et du bassin de santé du Briançonnais conformément aux dispositions de l'article L. 1434-7 du code de la santé publique ; qu'il n'est pas établi par la requérante que les temps réels de transfert vers l'unité de réanimation du centre hospitalier de Gap n'auraient pas été vérifiés ni qu'ils seraient ainsi de nature à mettre en danger la vie des patients dont l'état de santé nécessite un tel transfert possible en transport héliporté ni que la suppression du service de réanimation en litige entrainerait une augmentation de la mortalité ; qu'il n'est pas non plus démontré que la recherche d'un lit dans le service réanimation du centre hospitalier de Gap s'effectuera au détriment des autres patients ni qu'elle sera plus complexe que si le service de réanimation était maintenu à Briançon ni que l'accompagnement pendant le transfert ne sera pas assuré dans des conditions compatibles avec l'état de santé et la sécurité du patient ; que la réorganisation des activités de réanimation de ces deux établissements de soins sans diminution du nombre total de lits porté à 12 est conforme à l'objectif fixé par le SROS d'une meilleure sécurité des soins alors que les ressources médicales se raréfient ; que le moyen tiré de ce que le seuil de 12 lits serait manifestement erroné n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'il suit de là qu'en décidant la suppression du service de réanimation du centre hospitalier de Briançon, le directeur général de l'ARS Provence-Alpes-Côte d'Azur n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la spécificité du bassin de santé du Briançonnais et de la complexité de la prise en charge des patients ;
12. Considérant, en septième lieu, que les dispositions de l'alinéa 3 de l'article L. 1434-7 du code de la santé publique sont inapplicables aux territoires étrangers frontaliers que le schéma n'avait dès lors pas à prendre en compte ;
13. Considérant, en huitième lieu, que les circonstances, à les supposer établies, que les documents financiers et statistiques ne seraient pas annexés au SROS et que les périodes de dépôt des demandes de renouvellement des autorisations relatives à l'exercice de l'activité de réanimation n'auraient pas été respectées, sont, ainsi que l'ont considéré à juste titre les premiers juges, sans influence sur la légalité de l'arrêté contesté ; qu'il en est de même, pour la même raison, du moyen tiré du risque de dénonciation par les autorités italiennes de l'accord de coopération transfrontalière ; que le moyen tiré de ce que le SROS de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ne serait pas compatible avec le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens est inopérant dès lors qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne subordonne la légalité des SROS à leur compatibilité avec les contrats d'objectifs et de moyens conclus entre les agences régionales de santé et les établissements de santé ;
14. Considérant, en dernier lieu, que comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le directeur général de l'ARS Provence-Alpes-Côte d'Azur aurait commis un détournement de pouvoir en décidant la suppression du service de réanimation du centre hospitalier de Briançon ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ACDHPB n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
16. Considérant que la Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête de l'ACDHPB tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet ; qu'il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer ;
17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse quelque somme que ce soit à l'ACDHPB au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de l'Association Citoyenne de Défense de l'Hôpital Public de Briançon tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 1er octobre 2015 du tribunal administratif de Marseille.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de l'Association Citoyenne de Défense de l'Hôpital Public de Briançon est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Association Citoyenne de Défense de l'Hôpital Public de Briançon et au ministre des solidarités et de la santé.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2018 où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président de chambre,
- M. Barthez, président assesseur,
- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère.
Lu en audience publique, le 12 avril 2018.
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N° 15MA04942
kp