Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... D...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la délibération du 1er mars 2014 par laquelle le conseil municipal de Curel a approuvé le plan d'alignement du chemin n° 8 dit " du cimetière ".
Par un jugement n° 1403273 du 9 juin 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 août 2016 et le 14 février 2018, Mme D..., représentée par la SCP Bayetti-Santiago-Revah, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 juin 2016 ;
2°) à titre principal d'annuler la délibération du 1er mars 2014 du conseil municipal de Curel ;
3°) à titre subsidiaire d'ordonner une expertise judiciaire ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Curel une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le mémoire en défense de la commune et l'avis d'audience n'ont pas été régulièrement communiqués à son conseil ;
- un procès-verbal de bornage a été établi irrégulièrement entre la commune et un riverain du chemin communal n° 8 sans qu'elle ne soit appelée à cette opération ;
- l'alignement ne pouvait être établi au regard de l'assiette cadastrale ;
- le plan d'alignement est entaché d'un détournement de procédure ;
- le plan d'alignement ne répond pas à un but d'intérêt public ;
- en recourant à la procédure d'alignement la commune a entendu réaliser une expropriation déguisée.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 26 janvier 2018 et le 26 février 2018, la commune de Curel, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme D... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la voirie routière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guidal, président,
- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., substituant Me C..., représentant la commune de Curel.
1. Considérant que, par une délibération du 1er mars 2014, le conseil municipal de la commune de Curel (Alpes-de-Haute-Provence) a adopté le plan d'alignement du chemin n° 8 dit " du cimetière " ; que Mme D... relève appel du jugement du 9 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération ;
Sur la légalité de la délibération du 1er mars 2014 :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 112-1 du code de la voirie routière : " L'alignement est la détermination par l'autorité administrative de la limite du domaine public routier au droit des propriétés riveraines. Il est fixé soit par un plan d'alignement, soit par un alignement individuel. / Le plan d'alignement, auquel est joint un plan parcellaire, détermine après enquête publique (...) la limite entre voie publique et propriétés riveraines. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 112-2 du même code : " La publication d'un plan d'alignement attribue de plein droit à la collectivité propriétaire de la voie publique le sol des propriétés non bâties dans les limites qu'il détermine. / Le sol des propriétés bâties à la date de publication du plan d'alignement est attribué à la collectivité propriétaire de la voie dès la destruction du bâtiment. / Lors du transfert de propriété, l'indemnité est, à défaut d'accord amiable, fixée et payée comme en matière d'expropriation " ; que la procédure d'alignement prévue par l'article L. 112-1 du code de la voirie routière en vue de procéder aux élargissements ou redressements des voies communales ne saurait légalement s'appliquer à des modifications qui comportent une emprise importante sur les terrains privés bordant la voie publique ;
3. Considérant qu'il ressort de l'extrait du registre des voies communales produit par la commune que le chemin n° 8 dit " du cimetière ", d'une largeur moyenne de 3 mètres a été classé comme voie communale sur une longueur de 550 mètres le 19 juillet 1959 ; qu'après enquête publique, une partie de ce chemin a par la suite été déclassée par délibération du conseil municipal du 19 novembre 2009 ; que, par ailleurs, à la suite de l'adoption du plan local d'urbanisme en 2007 et dans le cadre d'une zone à urbaniser et à vocation d'habitat la commune a procédé, dans la partie sud de ce chemin, à l'acquisition de différentes parcelles et à des échanges avec des propriétaires riverains en vue de modifier l'assiette de cette voie communale ;
4. Considérant qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que le plan d'alignement, adopté par le conseil municipal de Curel le 1er mars 2014, prévoit, en ce qui concerne la partie nord de ce même chemin n° 8, une servitude de reculement sur l'emprise des terrains privés jouxtant cette voie publique afin de porter la largeur de la chaussée de trois à sept mètres ; que la superficie des propriétés non bâties dans les limites déterminées par ce plan est supérieure à l'emprise de l'ancienne voie ; que cette opération de voirie, qui, eu égard à son importance, et alors qu'elle présente un caractère d'utilité publique, n'est pas une simple modification des limites de la voie existante ; qu'elle ne pouvait ainsi être légalement réalisée par le recours à la procédure d'alignement mais seulement après cession ou par voie d'expropriation ; que, par suite, la délibération litigieuse du 1er mars 2014 est par ce motif entachée d'illégalité ;
5. Considérant qu'il résulte ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ni d'ordonner une expertise judiciaire inutile à la résolution du présent litige, que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande ;
Sur les frais liés au litige :
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme D..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement des sommes que demande la commune de Curel ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Curel le versement de la somme 2 000 euros à Mme D... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 juin 2016 et la délibération du 1er mars 2014 du conseil municipal de Curel sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Curel tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La commune de Curel versera à Mme D..., une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D...et à la commune de Curel.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-de-Haute-Provence.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2018, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- M. Maury, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 avril 2018.
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N° 16MA03176
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