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20/04/2018 | FRANCE | N°16MA04867

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 20 avril 2018, 16MA04867


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 11 février 2015 par laquelle le directeur du secrétariat général du siège du groupe La Poste a prononcé à son encontre la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans, d'enjoindre à La Poste de le réintégrer et de reconstituer sa carrière ainsi que ses droits sociaux dans un délai de 15 jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1501600 du 26 octobr

e 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure dev...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 11 février 2015 par laquelle le directeur du secrétariat général du siège du groupe La Poste a prononcé à son encontre la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans, d'enjoindre à La Poste de le réintégrer et de reconstituer sa carrière ainsi que ses droits sociaux dans un délai de 15 jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1501600 du 26 octobre 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2016, M. F..., représenté par la SCP d'avocats S. Joseph-Barloy - F. Barloy, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 26 octobre 2016 ;

2°) d'annuler la décision du 11 février 2015 par laquelle le directeur du secrétariat général du siège du groupe La Poste a prononcé à son encontre la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre à La Poste de le réintégrer et de reconstituer sa carrière ainsi que ses droits sociaux dans un délai de 15 jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de La Poste une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'irrégularité de la procédure, ni davantage de l'erreur de droit et du détournement de pouvoir en raison de la présence dans son dossier d'un échéancier de paiement comme pièce à charge ;

- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de l'erreur de droit et du détournement de pouvoir en ce que le rapport d'enquête vise les faits en récidive ;

- en reprenant intégralement l'arrêt de la Cour, rendu sur la disproportion dont était entachée l'ancienne sanction de révocation, les premiers juges ne se sont pas prononcés sur la sanction qui était soumise à leur examen et n'ont pas motivé leur jugement sur ce point ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé sur le moyen tiré du détournement de pouvoir ;

- M. B... ne disposait pas de délégation pour prononcer la suspension des fonctions ;

- la procédure disciplinaire est irrégulière dès lors que Mme A... n'était pas habilitée pour proposer une sanction disciplinaire et donc lancer la procédure par le courrier du 28 décembre 2012 qui ne saurait être analysé comme une lettre d'information ;

- l'entier dossier, qui ne comportait pas le rapport de saisine du conseil de discipline, lui a été communiqué en méconnaissance de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 et l'article 1er du décret du 25 octobre 1984 ;

- ce rapport non communiqué en temps utile ne se bornait pas à résumer le contenu des pièces du dossier mais qualifiait les faits juridiquement ;

- les droits de la défense ont été méconnus en l'état des différences entre le rapport d'enquête, qui vise l'utilisation à des fins personnelles de la carte de carburant associée à son véhicule de service, et le rapport de saisine signé par la directrice adjointe, présidente du conseil de discipline, qui retient également l'utilisation à des fins personnelles du véhicule de service, argument auquel le tribunal n'a pas répondu ;

- le délai de quatre jours pour prendre connaissance du dossier était trop bref ;

- ses observations écrites dont il résulte du procès-verbal qu'elles n'ont pas été déposées, ni communiquées aux membres du conseil, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, n'ont pas été lues en séance et il a été ainsi privé d'une garantie ;

- la présidente du conseil de discipline n'a pas invité les défenseurs à présenter d'ultimes observations ;

- la présidente du conseil de discipline, par les propos tenus inexacts ou par une prise de position personnelle, a manqué d'impartialité, ayant une influence sur le sens de l'avis rendu ;

- la convocation du 30 octobre 2012 pour enquête en cours, imprécise sur son objet et sans signature, a entaché d'irrégularité la procédure et il aurait dû bénéficier de la neutralité des agents enquêteurs, supérieurs hiérarchiques ;

- le tribunal n'a pas pris en compte les explications précises de nature à établir les erreurs de fait sur la surévaluation des consommations de carburant ;

- la sanction est disproportionnée ;

- la nouvelle sanction a pour finalité de réorganiser le fonctionnement des départements de l'Aude et des Pyrénées-Orientales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2017, La Poste, représentée par la SELARL D...AMG, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. F... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. F... ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 25 janvier 2018, M. F... demande, en outre, à la Cour, d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 741-2 du code de justice administrative, la suppression du passage à la page 11 du mémoire de La Poste, commençant par " face à un catalogue d'arguments (...) " et se terminant par " s'était déjà rendu coupable des mêmes fautes " et de condamner La Poste à verser à son conseil la somme 1 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le décret n° 90-1111 du 12 décembre 1990 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lopa Dufrénot,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me G... représentant M. F... et de Me D... représentant La Poste.

Considérant ce qui suit :

1. Depuis 2007, M. F... ayant atteint le grade de cadre supérieur, exerce les fonctions de directeur territorial de la sûreté au sein de la direction de La Poste Aude et Pyrénées-Orientales. Par un arrêt n° 15MA00486 du 4 octobre 2016, la Cour a confirmé le jugement rendu par le tribunal administratif de Montpellier du 19 décembre 2014 annulant la sanction disciplinaire de révocation prononcée à l'encontre de l'intéressé le 14 mai 2013 au motif du caractère disproportionné de cette sanction. Par décision du 11 février 2015, le directeur du secrétariat général du siège du groupe La Poste a prononcé la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté la demande de M. F... tendant à l'annulation de cette mesure, à sa réintégration et à la reconstitution de sa carrière, sous astreinte.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. L'article L. 9 du code de justice administrative énonce que les jugements sont motivés.

3. D'une part, les premiers juges, saisis du moyen invoqué par M. F... tiré du caractère disproportionné de la sanction d'exclusion temporaire de ses fonctions pendant deux ans ont statué puis écarté le moyen ainsi soulevé en visant la sanction de " révocation ". Toutefois, il ressort de la lecture de l'ensemble du jugement attaqué que cette mention est le fruit d'une erreur purement matérielle. Dans ces conditions, ils n'ont pas omis de répondre au moyen soulevé par le requérant et, ainsi, n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité.

4. D'autre part, il résulte de l'examen du jugement attaqué que les premiers juges ont expressément écarté les moyens, invoqués par M. F..., tirés de l'irrégularité de la procédure disciplinaire, de l'erreur de droit et du détournement de pouvoir entachant la décision en litige. Le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par M. F... au soutien de ces moyens, a ainsi suffisamment motivé son jugement sur ce point.

5. Enfin, en relevant, au point 22 de son jugement, que le requérant n'établissait par aucune des pièces produites le détournement de pouvoir qu'il invoquait, le tribunal a également suffisamment motivé son jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité externe :

6. En premier lieu, la circonstance alléguée par le requérant, à supposer qu'elle soit établie, que l'auteur ou le signataire du courrier du 29 novembre 2012 portant suspension de ses fonctions serait dépourvu d'habilitation pour ce faire, est sans incidence sur la légalité de la décision du 11 février 2015 prononçant la sanction disciplinaire attaquée.

7. En deuxième lieu, par courrier du 28 décembre 2012, M. F... a été informé de l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre et des droits dont il disposait dans ce cadre. L'absence de délégation habilitant l'auteur ou le signataire de ce courrier, à la supposer établie, est sans influence sur la légalité de la sanction disciplinaire en litige. De plus, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que l'information sur le lancement de la procédure disciplinaire précise les faits reprochés, la sanction susceptible d'être envisagée et les motifs de la décision à venir. Le moyen tiré du défaut de motivation de ce courrier doit donc être écarté.

8. En troisième lieu, l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et l'article 1er du décret du 25 octobre 1984 énonce que le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée, a droit à la communication de l'intégralité du dossier et de tous les documents annexes ainsi qu'à l'assistance de défenseurs de son choix. L'article 2 du même décret prévoit, en outre, que le conseil de discipline est saisi par un rapport émanant de l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, qui doit indiquer clairement les faits reprochés au fonctionnaire et préciser les circonstances dans lesquelles ils se sont produits.

9. Il est constant que M. F... a consulté son dossier comportant notamment le rapport d'enquête établi par le service national d'enquêtes de La Poste ainsi que les pièces annexées telles que les réponses manuscrites aux questions posées lors de son audition. En revanche, ce dossier ne comprenait pas le rapport de saisine du conseil central de discipline. Toutefois, ce document lu le 25 avril 2013 aux membres du conseil, lors de la tenue de la séance, se bornait à mentionner les faits reprochés à l'intéressé, objet de l'enquête interne ayant donné lieu à la rédaction d'un rapport régulièrement communiqué à celui-ci, portant sur l'utilisation de la " carte pétrolier " associée à son véhicule de service pour des déplacements à titre privé et des déplacements avec son véhicule personnel à des fins privées, faits, au demeurant, reconnus par M. F... lors de son audition au cours de cette enquête. Dans le cadre de la rédaction du complément au rapport de saisine du conseil central de discipline, son auteur, directrice générale adjointe, ultérieurement présidente du conseil central de discipline, a procédé à la qualification des griefs au regard des obligations déontologiques qui s'imposent à tout fonctionnaire, telles que l'intégrité. Or, une telle qualification n'est pas de nature à regarder le rapport de saisine comme ayant contenu des éléments nouveaux susceptibles d'avoir une incidence sur l'avis émis par le conseil central de discipline ou la décision de sanction prise ultérieurement, privant ainsi l'intéressé d'une garantie. Ainsi la circonstance que le rapport n'avait pas été communiqué au requérant avant la séance du conseil de discipline n'a pas été de nature à entacher d'irrégularité la procédure disciplinaire suivie à son encontre.

10. En quatrième lieu, il est constant que M. F... a pu consulter son dossier administratif. La circonstance que son dossier n'a été disponible que quatre jours n'a pas été de nature à porter atteinte à ses droits.

11. En cinquième lieu, les articles 3 et 5 du décret du 25 octobre 1984 indiquent que le rapport établi par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire et les observations écrites éventuellement présentées par le fonctionnaire sont lus en séance devant le conseil de discipline. L'article 8 du même décret prévoit que le conseil de discipline, au vu notamment des observations écrites produites devant lui, émet un avis motivé sur les suites qui lui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée. Il résulte de ces dispositions que le fonctionnaire traduit en conseil de discipline doit pouvoir présenter en temps utile des observations écrites, lues en séance, dans des conditions qui permettent à l'intéressé d'assurer sa défense et d'éclairer le conseil de discipline sur les données de l'affaire.

12. Il n'est pas contesté que, lors de la séance du conseil central de discipline, les observations écrites adressées par M. F... qui, en raison de son état de santé, était absent, n'ont pas été lues. Toutefois, il résulte des termes même du procès-verbal de cet organisme que " la défense est jointe en annexe du présent compte-rendu ". En outre, le procès-verbal mentionne que les défenseurs représentant l'intéressé ont pu développer la teneur des observations écrites de celui-ci en ce qui concerne les faits ayant donné lieu aux règlements de la part de l'intéressé afin de rembourser les frais indus restés à la charge de La Poste en 2009, l'absence d'enrichissement de sa part à raison des faits reprochés, la circonstance qu'il reconnaissait n'avoir utilisé qu'à une reprise la carte de carburant à des fins privées, l'étendue de la zone géographique où il exerçait ses fonctions et son état de santé. Dans ces conditions, la seule circonstance que les observations écrites du requérant n'ont pas été lues au cours de la séance ne peut être regardée comme ayant eu une incidence sur le sens de l'avis émis par le conseil central de discipline ou privé le requérant d'une garantie. Le moyen tiré de la violation de ses droits de la défense doit, dès lors, être écarté.

13. En sixième lieu, au cours de la séance devant le conseil central de discipline, les défenseurs de M. F... ont eu la parole en dernier. Aussi, le moyen tiré de ce qu'il appartenait à la présidente du conseil de les inviter à prendre la parole en dernier, ne peut qu'être écarté.

14. En septième lieu, en l'absence de disposition législative contraire, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen. Toutefois, tout employeur public est tenu, vis-à-vis de ses agents, à une obligation de loyauté. Il ne saurait, par suite, fonder une sanction disciplinaire à l'encontre de l'un de ses agents sur des pièces ou documents qu'il a obtenus en méconnaissance de cette obligation, sauf si un intérêt public majeur le justifie. Il appartient au juge administratif, saisi d'une sanction disciplinaire prononcée à l'encontre d'un agent public, d'en apprécier la légalité au regard des seuls pièces ou documents que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire pouvait ainsi retenir.

15. Ni le défaut de précision de l'objet de la convocation adressée à M. F... à une audition dans le cadre d'une enquête administrative interne, ni l'absence de signature ou de la mention de la qualité de supérieur hiérarchique des agents enquêteurs ne sont de nature à regarder l'enquête comme s'étant déroulée dans des conditions déloyales susceptibles d'avoir une incidence sur les droits de la défense de l'intéressé.

16. En huitième lieu, la qualification par les auteurs du rapport d'enquête interne de faits commis en " récidive " n'est pas, par elle-même, de nature à entacher la procédure disciplinaire d'irrégularité.

17. En neuvième lieu, l'article 2 du décret du 25 octobre 1984 énonce que le rapport de saisine du conseil de discipline doit indiquer clairement les faits reprochés au fonctionnaire et préciser les circonstances dans lesquelles ils se sont produits.

18. En rappelant l'existence d'un fait antérieur reproché à M. F..., bien qu'il n'ait pas donné lieu à poursuite disciplinaire et alors que sa réalité n'est pas contestée et en annexant le plan de remboursement des frais indûment mis à la charge de La Poste, les auteurs du rapport de saisine du conseil de discipline se sont bornés à préciser, comme l'y autorisent les dispositions de l'article 2 du décret du 25 octobre 1984, les circonstances dans lesquelles sont survenus les faits reprochés au vu desquels la procédure disciplinaire a été engagée. Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure disciplinaire doit être écarté.

19. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que la présidente du conseil central de discipline a été à l'origine d'un avis et d'observations complémentaires au rapport de saisine de ce conseil proposant l'adoption d'une sanction de révocation. Quand bien même Mme E..., en qualité de présidente a exprimé en séance son opinion sur le caractère fautif du comportement de M. F..., qui au cours de l'enquête interne avait lui-même reconnu globalement les faits, et a apporté des renseignements sur l'organisation territoriale de La Poste, il ne ressort pas des mêmes pièces, notamment du procès-verbal de séance que celle-ci ait manifesté une quelconque animosité personnelle particulière à l'égard de l'intéressé. Le moyen tiré du défaut d'impartialité de la présidente du conseil central de discipline doit donc être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

20. En premier lieu, la sanction contestée d'une exclusion des fonctions d'une durée de deux ans prononcée à l'encontre de M. F..., directeur territorial de la sûreté au sein de la direction de La Poste est fondée sur les motifs que celui-ci n'a pas respecté les règles déontologiques en vigueur, correspondant à l'utilisation à des fins personnelles du véhicule de service ainsi que de la carte de carburant mise à sa disposition et des dispositions de l'article 55 du règlement intérieur de La Poste, manquant à ses devoirs de probité, de loyauté et d'intégrité. Il ressort du rapport d'enquête administrative du 26 novembre 2012, auquel étaient annexés des tableaux mensuels des consommations de carburant de 2010 à 2012, le détail des volumes en 2011 et 2012 et l'ensemble des réponses manuscrites de M. F... aux questions posées, que l'examen approfondi de la " carte pétrolier " confiée au fonctionnaire, associée au véhicule de service mis à sa disposition, a révélé une consommation excessive de carburant entre janvier 2010 et août 2012, évaluée en fonction de la consommation théorique du véhicule et notamment de la prise de carburant pendant les congés de l'agent, telle que la carte d'essence ne pouvait qu'avoir été utilisée indifféremment pour des trajets professionnels et personnels, au moyen tant du véhicule de service que du véhicule propre à l'intéressé. Le préjudice estimé de La Poste, non compris les frais annexes de péage ou d'autres services et sous réserve d'une analyse plus approfondie, était fixé à la somme de 3 102 euros. Le rapport rappelait l'existence de faits similaires en 2009 sans poursuite disciplinaire, La Poste ayant été remboursée des frais indument mis à sa charge. Au cours de son audition, M. F... reconnaissait avoir utilisé la carte de carburant affectée à son véhicule professionnel au cours des années 2010, 2011 et 2012 pour effectuer des trajets personnels, avec son véhicule de service et son véhicule privé, en l'occurrence principalement en vue d'effectuer des déplacements entre Perpignan, son domicile, et Montpellier où son épouse était hospitalisée, tout en niant le caractère personnel de certains des achats de carburant, listés dans le rapport de l'enquête diligentée par La Poste. M. F... persiste à contester l'ampleur des consommations reprochées, et plus précisément il fait valoir le caractère exceptionnel de l'utilisation de la carte pétrolière pour un déplacement personnel avec son véhicule personnel le 15 juillet 2011, la logique des prises d'essence avant ses congés et la nature professionnelle de ses déplacements le 11 avril 2011 sur Lyon durant ses congés et du 4 au 6 juin 2012 à Cestas-Gironde. De plus, il critique la prise en compte de références théoriques pour fixer l'estimation moyenne des consommations qui lui sont reprochées. Toutefois, ces contestations de caractère limité ne sont pas de nature à infirmer la réalité des griefs reprochés. Le moyen tiré des inexactitudes matérielles ne peut, par suite, qu'être écarté.

21. En deuxième lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

22. D'une part, l'usage de la carte professionnelle de carburant à des fins privées par M. F..., agent public, garant de la mise en oeuvre opérationnelle de la politique de sûreté dans le réseau de La Poste, constitue une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire. Les circonstances alléguées de la mention inappropriée dans le rapport d'enquête interne de faits commis en " récidive " et de la présence dans son dossier personnel de l'échéancier de remboursement de frais dus à La Poste sont sans incidence sur la légalité de la sanction contestée.

23. D'autre part, eu égard à la nature des manquements aux devoirs d'intégrité et de probité, reprochés, à leur importance sur près de trois années durant, à leur réitération dès lors qu'au cours de l'année 2009, des faits de nature identique avaient été commis par M. F..., donnant lieu, comme il a été dit, au seul remboursement de frais indûment mis à la charge de La Poste, sans susciter néanmoins chez l'intéressé de prise de conscience, alors que les fonctions assurées au sein de La Poste impliquaient du requérant, directeur territorial de la Sûreté, d'être le garant de la mise en oeuvre de la politique de sûreté qu'il devait définir lui-même et d'être l'interlocuteur technique unique des autorités départementales en charge de l'ordre public, l'autorité disciplinaire n'a pas, en l'espèce, en dépit de circonstances familiales et personnelles difficiles subies par cet agent et de ses qualités professionnelles indéniables, pris une sanction disproportionnée à la gravité des fautes reprochées, en décidant de prononcer une exclusion de ses fonctions pendant une durée de deux ans.

24. En dernier lieu, le détournement de pouvoir allégué M. F... n'est pas établi.

25. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

26. Le présent arrêt qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 11 février 2015, n'appelle aucune mesure d'exécution au sens des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative. Ainsi, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.

Sur les conclusions aux fins de suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires et de condamnation de La Poste :

27. En application des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, le juge administratif peut " prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts ".

28. Le passage du mémoire en défense de La Poste, enregistré le 19 septembre 2017, commençant par " face à un catalogue d'arguments (...) " et finissant par " s'était déjà rendu coupable des mêmes fautes " dont le conseil de M. F... demande la suppression, ne présente néanmoins pas un caractère injurieux, outrageant ou diffamatoire au sens des dispositions précitées. Il n'y a donc pas lieu de faire droit aux conclusions ainsi présentées.

Sur les frais liés au litige :

29. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de La Poste, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. F... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. F... la somme que La Poste demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de La Poste tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...F...et à la société La Poste.

Délibéré après l'audience du 10 avril 2018, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,

- M. Portail, président-assesseur,

- Mme Lopa Dufrénot, première conseillère.

Lu en audience publique, le 20 avril 2018.

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N°16MA04867


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA04867
Date de la décision : 20/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Motifs - Faits de nature à justifier une sanction.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Procédure - Conseil de discipline.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: Mme Micheline LOPA-DUFRENOT
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SCP S.JOSEPH-BARLOY - F.BARLOY

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-04-20;16ma04867 ?
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