Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 16 février 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé sa remise aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et subsidiairement, avant-dire droit, de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle en interprétation du droit de l'Union européenne concernant les dispositions de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013.
Par un jugement n° 1701527 en date du 17 mars 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a décidé, sans qu'il y ait lieu de surseoir à statuer pour saisir la Cour de justice de l'Union européenne, de rejeter cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 12 mai 2017, 7 juillet 2017 et 20 juillet 2017, M. B..., représenté par Me Perollier, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille du 17 mars 2017;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 16 février 2017 portant remise aux autorités italiennes ;
3°) à titre subsidiaire et avant-dire droit, de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle en interprétation du droit de l'Union européenne ainsi formulée : " Les dispositions de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 font-elles obstacle à ce que les autorités compétentes de l'Etat membre qui estime qu'un autre Etat membre doit prendre ou reprendre en charge un ressortissant d'un pays tiers qui y a déjà formulé une demande d'asile sur laquelle il n'a pas été encore statué définitivement, ou une autre personne visée à l'article 18 paragraphe 1, point c) ou d) du règlement, prenne une décision de transfert et la notifie à l'intéressé, avant que l'Etat susceptible d'être responsable n'ait été requis, ou si ce dernier a été requis, avant que l'Etat requis ait accepté cette prise en charge ou reprise en charge " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil qui s'engage à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier pour insuffisance de motivation, violation du principe du contradictoire, et dénaturation des pièces du dossier soumis au premier juge ;
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé en droit ;
- il a été pris en violation du droit à l'information du requérant, à défaut de mention des délais applicables à la mise en oeuvre de la décision de transfert, en méconnaissance de l'article 26 du règlement ;
- il est entaché d'erreur de droit en ce qui concerne l'application des articles 18 1 c) et d) du règlement ;
- le préfet n'a pas examiné sa situation personnelle ;
- l'arrêté contesté a été pris en violation de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013, une décision de transfert ne pouvant être prise que dans le cas d'une saisine puis de l'acceptation de l'Etat-membre désigné comme responsable de l'examen de la demande ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'interprétation de l'article 26 du règlement pose une difficulté sérieuse d'interprétation sur la question de la possibilité d'édiction d'une décision de remise à un Etat-membre désigné comme responsable de l'examen d'une demande d'asile, avant que n'intervienne la décision d'acceptation de cet Etat.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 juin 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par une décision du 19 juin 2017, le bureau d'aide juridictionnelle a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guidal, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. B..., de nationalité malienne, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, au cours de l'année 2015 ; qu'ayant été interpellé, il a fait l'objet le 16 février 2017 d'un contrôle d'identité et a été retenu pour vérification de son droit de circulation et de séjour ; que la consultation du fichier " Eurodac " a permis d'établir que ses empreintes digitales avaient déjà été relevées par les autorités italiennes le 18 novembre 2014 ; que se fondant sur le fait qu'il avait formulé une demande d'asile en Italie, le préfet des Bouches-du-Rhône a, en application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, décidé par arrêté du 16 février 2017 sa remise aux autorités italiennes ; que M. B... relève appel du jugement du 17 mars 2017 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;
Sur la légalité de la décision de remise aux autorités italiennes :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement et du Conseil : "1-L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de: / (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre; / c) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29 le ressortissant de pays tiers ou l'apatride qui a retiré sa demande en cours d'examen et qui a présenté une demande dans un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre; / d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 26 du même règlement : " Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'État membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale " ; que ces dernières dispositions s'appliquent à toutes les demandes de reprise en charge effectuées par la France auprès d'autres Etats dans les cas visés à l'article 18 du même règlement, y compris ceux de ses paragraphes b) ou d) dans lesquels la personne concernée séjourne irrégulièrement en France sans y avoir demandé l'asile ;
3. Considérant que, pour pouvoir procéder au transfert d'un ressortissant étranger vers un autre Etat en mettant en oeuvre ces dispositions du règlement, et en l'absence de dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile organisant une procédure différente, l'autorité administrative doit obtenir l'accord de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile avant de pouvoir prendre une décision de transfert de la personne concernée vers cet Etat ; qu'une telle décision de transfert ne peut donc être prise, et a fortiori être notifiée à l'intéressé, qu'après l'acceptation de la prise en charge par l'Etat requis ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet des Bouches-du-Rhône, après avoir constaté le 16 février 2017 par consultation du fichier " Eurodac " que M. B... interpellé en séjour irrégulier en France avait effectué une demande d'asile en Italie, a décidé le jour même de transférer l'intéressé aux autorités italiennes sur le fondement des c) et d) du 1 de l'article 18 du règlement n° 604/2013 ; qu'il ressort tant des termes de cette décision que des indications du préfet en défense, qu'à la date de son édiction et de sa notification à M. B..., aucune demande de reprise en charge de l'intéressé n'avait été transmise aux autorités italiennes ni à fortiori acceptée par celles-ci ; que la décision en litige a ainsi été prise avant toute acceptation de la prise en charge par l'Etat requis ; qu'elle est dès lors, entachée d'une erreur de droit et, par suite, illégale ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête et sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
Sur les frais liés au litige :
6. Considérant que M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Perollier, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Perollier ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 17 mars 2017 et la décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 16 février 2017 sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à Me Perollier, avocat de M. B..., la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Perollier.
Copie en sera adressé au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 13 avril 2018 où siégeaient :
- M. Pocheron, président,
- M. Guidal, président-assesseur,
- M. Maury, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 27 avril 2018.
N° 17MA01993 2
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