Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI Cavendish Property France a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur les revenus locatifs auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011 ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1500160 du 23 mars 2017, le tribunal administratif de Nice a réduit les bases imposables à l'impôt sur les sociétés assignées à la SCI Cavendish Property France au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011 respectivement des sommes de 396 254 euros, de 109 290 euros et de 29 386 euros, l'a déchargée des droits et pénalités correspondant aux réductions de bases ainsi définies et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 mai 2017 et le 8 janvier 2018, la SCI Cavendish Property France, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 23 mars 2017 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) à titre principal, de prononcer la décharge des impositions restant en litige et des pénalités correspondantes ;
3°) à titre subsidiaire, avant-dire droit de désigner un expert, avec mission de déterminer la valeur locative de la propriété " Anne-Sophie ", lequel devra rendre son rapport dans les six mois de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'est pas passible de l'impôt sur les sociétés dès lors que l'activité locative meublée de la villa dont elle est propriétaire depuis 1999 présentait un caractère occasionnel et non habituel ;
- elle est fondée à se prévaloir des énonciations des paragraphes 1 et 30 de l'instruction administrative publiée le 9 janvier 2013 sous la référence BOI-BIC-CHAMP-40-20 ainsi que de l'instruction du 23 mars 2007 référencée 5D-2-07 ;
- en tout état de cause, elle ne peut être assujettie à l'impôt sur les sociétés que pour la période correspondant à la seconde location estivale de la villa, soit du 10 juillet 2011 au 1er septembre 2011 ;
- si la Cour considérait qu'elle devait être assujettie à l'impôt sur les sociétés, il n'est pas démontré que la prétendue occupation par l'associé de la SCI constitue un acte anormal de gestion ;
- l'associé de la société, en contrepartie, a supporté la charge des frais afférents au bien ;
- la valeur locative retenue par l'administration est excessive ;
- la méthode de l'administration consistant à appliquer à la valeur vénale un taux de rendement est dénuée de tout réalisme ;
- le taux de rendement de 3 % retenu n'est pas adapté au cas d'espèce ;
- la contribution sur les revenus locatifs n'est pas applicable dès lors qu'elle n'est pas assujettie à l'impôt sur les sociétés ;
- la majoration de 40 % sanctionne en l'espèce une divergence concernant l'appréciation du régime fiscal auquel elle est assujettie et non un refus de produire les déclarations résultant de l'exercice d'une activité commerciale.
Par des mémoires, enregistrés le 5 octobre 2017 et le 7 mars 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête et par la voie de l'appel incident à ce que la date du début de l'activité commerciale de la SCI Cavendish Property France soit fixée au 27 février 2009.
Il soutient que :
- l'activité de la société requérante passible de l'impôt sur les sociétés a débuté à compter du 27 février 2009, date à laquelle un mandat de recherche de locataires a été consenti à l'agence John Taylor ;
- les moyens soulevés par la SCI Cavendish Property France ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Carotenuto,
- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.
1. Considérant que la SCI Cavendish Property France dont le capital social était détenu par la société de droit monégasque Bronnaya, elle-même détenue à concurrence de 99,50 % par M. B..., ressortissant russe, a acquis, le 10 novembre 1999, une propriété située sur le territoire de la commune de Saint-Paul-de-Vence, dénommée villa " Anne-Sophie " ; que cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2009, 2010 et 2011 ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale a estimé que la SCI exerçait une activité commerciale occulte de loueur de meublés ; que la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 66-2° du livre des procédures fiscales lui a été appliquée en matière d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt sur le montant des loyers encaissés ; que dans les bases d'imposition a été pris en compte le montant de l'avantage en nature correspondant aux loyers qu'elle a renoncés à percevoir de M. B... en contrepartie de la mise à disposition de la villa dont il s'agit ; que par le jugement du 23 mars 2017, le tribunal administratif de Nice a réduit les bases imposables à l'impôt sur les sociétés assignées à la SCI Cavendish Property France au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011 respectivement des sommes de 396 254 euros, de 109 290 euros et de 29 386 euros, l'a déchargée des droits et pénalités correspondant aux réductions de bases ainsi définies et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ; que la société relève appel de ce jugement en tant qu'il ne lui a pas donné entièrement satisfaction ; que le ministre, par la voie de l'appel incident, demande à la Cour de fixer la date du début de l'activité commerciale de la SCI Cavendish Property France au 27 février 2009 ;
Sur le principe de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés de la SCI Cavendish Property France :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 34 du code général des impôts : " Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux (...) les bénéfices (...) provenant de l'exercice d'une profession commerciale (...) " ; qu'aux termes des dispositions du 2 de l'article 206 du même code, relatif à l'impôt sur les sociétés : " Sous réserve des dispositions de l'article 239 ter, les sociétés civiles sont également passibles dudit impôt, même lorsqu'elles ne revêtent pas l'une des formes visées au 1, si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 (...) " ;
3. Considérant qu'une société civile qui donne habituellement en location des locaux garnis de meubles doit être regardée comme exerçant une activité commerciale au sens des dispositions de l'article 34 du code général des impôts ; qu'à raison de cette activité elle doit être assujettie à l'impôt sur les sociétés en application des dispositions du 2 de l'article 206 du même code ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SCI Cavendish Property France a loué, en meublé, la villa " Anne-Sophie " durant la période allant du 20 juillet 2009 au 20 août 2009 et durant la période allant du 10 juillet 2011 au 1er septembre 2011 ; que la société requérante qui a acquis la villa en cause en 1999, l'a donc détenue pendant dix ans sans la donner en location ; qu'il n'est pas contesté qu'elle a souhaité vendre ce bien en 2008 et qu'elle l'a, finalement, donné en location à deux reprises à une même personne, qui était intéressée par l'acquisition de la villa ; que si à compter du 27 février 2009, la société a donné un mandat non exclusif à l'agence John Taylor afin de mettre en location sa propriété, elle n'a conclu aucun autre mandat de recherche de locataires saisonniers ; que, dans ces circonstances, en l'absence de volonté de la société d'exploiter un fonds de commerce et de se constituer une clientèle, la société requérante ne peut être regardée comme ayant donné habituellement en location des locaux meublés et donc comme ayant exercé une activité commerciale ; que par suite, l'administration fiscale n'était pas fondée à l'assujettir sur ce fondement à l'impôt sur les sociétés ainsi qu'à la contribution sur les revenus locatifs ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI Cavendish Property France est fondée à demander la décharge des impositions restant en litige, ainsi que des pénalités qui les assortissent ; qu'ainsi et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ni d'ordonner une expertise, la SCI Cavendish Property France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté le surplus de sa demande ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCI Cavendish Property France d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 23 mars 2017 est annulé en tant qu'il a rejeté le surplus de la demande de la SCI Cavendish Property France.
Article 2 : La SCI Cavendish Property France est déchargée, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur les revenus locatifs restant à sa charge au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011.
Article 3 : L'Etat versera à la SCI Cavendish Property France une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions d'appel incident du ministre de l'action et des comptes publics sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Cavendish Property France et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 17 avril 2018, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- Mme Boyer, premier conseiller,
- Mme Carotenuto, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 3 mai 2018.
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N° 17MA02084
mtr