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09/05/2018 | FRANCE | N°16MA03163

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 09 mai 2018, 16MA03163


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Fonds de garantie des victimes de terrorisme et d'autres infractions a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision de la commune de Nîmes rejetant implicitement sa demande tendant au paiement de la somme de 12 900 euros correspondant à celle qu'il a versée à M. B... au titre du préjudice subi par celui-ci, de condamner la commune à lui verser cette somme, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2010, et de mettre à sa charge une somme de 3 000 euros au titre

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Fonds de garantie des victimes de terrorisme et d'autres infractions a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision de la commune de Nîmes rejetant implicitement sa demande tendant au paiement de la somme de 12 900 euros correspondant à celle qu'il a versée à M. B... au titre du préjudice subi par celui-ci, de condamner la commune à lui verser cette somme, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2010, et de mettre à sa charge une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1401621 du 2 juin 2016, le tribunal administratif de Nîmes a condamné la commune de Nîmes à verser la somme de 12 900 euros au Fonds de garantie des victimes de terrorisme et d'autres infractions et celle de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par ordonnance du 17 juin 2016, le président du tribunal a rectifié, pour erreur matérielle, ce jugement en jugeant que l'article 1er est complété par la phrase " ladite somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2010 ".

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 août 2016, la commune de Nîmes, représentée par la SELARL d'avocats Lyias Partners, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 2 juin 2016 ;

2°) de mettre à la charge du Fonds de garantie des victimes de terrorisme et d'autres infractions une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur les conclusions du Fonds de garantie des victimes de terrorisme et d'autres infractions tendant à l'annulation de la décision rejetant implicitement sa demande préalable à fin d'indemnité ;

- le tribunal a écarté à tort la fin de non-recevoir qu'elle opposait, tirée de la tardiveté du recours ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en se croyant liés par le quantum réclamé par le Fonds, sans mettre en oeuvre les règles relatives à la responsabilité des personnes morale de droit public, se contentant d'un contrôle restreint sur le caractère proportionné ou non du montant des indemnités allouées ;

- ils ont commis une erreur de droit en ne tenant pas compte des sommes prises en charge au titre des traitements, charges patronales et des frais médicaux versés à son agent d'un montant de 18 243,04 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2016, le Fonds de garantie des victimes de terrorisme et d'autres infractions, représenté par la SELARL d'avocats cabinet Cassel, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Nîmes une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué et de la tardiveté de la demande de première instance seront écartés ;

- les autres moyens soulevés par la commune de Nîmes ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 90-589 du 6 juillet 1990 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lopa Dufrénot,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la commune de Nîmes.

Considérant ce qui suit :

1. Le 2 avril 2007, M. B..., directeur de la mairie annexe de Pissevin à Nîmes a été, en qualité de personne chargée d'une mission de service public, victime de violences volontaires et d'outrages. A la suite de la condamnation, le 18 octobre 2007, de l'auteur des faits, le tribunal de grande instance de Nîmes, statuant sur intérêts civils l'a condamné à régler à la victime, à titre principal, la somme de 12 900 euros en réparation de son préjudice corporel. En exécution d'un accord conclu entre M. B... et le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, homologué par la commission d'indemnisation des victimes d'infraction le 28 juin 2010, le Fonds lui a versé cette somme. Par le jugement attaqué tel que rectifié par l'ordonnance du président du tribunal du 17 juin 2016, le tribunal administratif de Nîmes a fait droit à la demande du Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions et a condamné la commune de Nîmes à lui verser la somme de 12 900 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2010.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En demandant au tribunal administratif à la fois l'annulation de la décision implicite de rejet de sa réclamation préalable adressée à la commune de Nîmes le 13 juillet 2010 et la condamnation de celle-ci au versement de la somme de 12 900 euros, le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions a donné à sa demande, dans son ensemble, le caractère d'un recours de plein contentieux. En condamnant, dans l'article 1er de son jugement, au versement de l'indemnité réclamée sans prononcer expressément l'annulation de la décision implicite rejetant la demande préalable d'indemnité, qui a pour seul objet et pour seul effet de lier le contentieux, le tribunal administratif n'a pas entaché son jugement d'une omission à statuer sur ces dernières conclusions. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement sur ce point doit être écarté.

Sur la fin de non recevoir opposée par la commune de Nîmes à la demande de première instance :

3. L'article R. 421-2 du code de justice administrative énonce que, sauf disposition législative ou réglementaire contraire, le silence gardé pendant plus de deux mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet. Les intéressés disposent, pour se pourvoir contre cette décision implicite, d'un délai de deux mois à compter du jour de l'expiration de la période mentionnée au premier alinéa. Néanmoins, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient dans ce délai de deux mois, elle fait à nouveau courir le délai du pourvoi. De plus, l'article R. 421-3 dans sa rédaction en vigueur à la date de la demande du Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions précise que " Toutefois, l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : / 1° En matière de plein contentieux ; (...) ".

4. Le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions a adressé le 13 juillet 2010 à la commune de Nîmes une demande tendant à ce qu'elle prenne en charge les conséquences financières de l'agression dont a été victime M. B...et lui rembourse les indemnités qu'il avait déjà réglées. Cependant, cette demande indemnitaire, reçue le 22 juillet 2010, présente le caractère d'une demande de plein contentieux pour laquelle, en application des dispositions de l'article R. 421-3 du code de justice administrative alors en vigueur, seule une décision expresse de rejet fait courir le délai de recours. En l'absence d'une telle décision, à la date du 14 mai 2014, date d'enregistrement au greffe du tribunal administratif de la demande indemnitaire présentée par le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, celle-ci n'était pas tardive. En conséquence, la fin de non-recevoir soulevée par la commune et tirée de la tardiveté de la demande, ne peut qu'être écartée.

Sur le bien-fondé de la créance :

5. Tout d'abord, en vertu des articles 706-3 et 706-4 du code de procédure pénale, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits, volontaires ou non, qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut, sous certaines conditions se trouvant réunies en l'espèce, obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne auprès d'une commission d'indemnisation des victimes d'infractions, juridiction civile instituée dans le ressort de chaque tribunal de grande instance. Le dernier alinéa de l'article 706-9 du même code dispose que les indemnités allouées à ce titre sont versées par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions. Selon les termes de l'article 706-11 de ce code : " Le fonds est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle le remboursement de l'indemnité ou de la provision versée par lui, dans la limite du montant des réparations à la charge desdites personnes (...) ".

6. Ensuite, l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 prévoit que les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. La collectivité publique est subrogée aux droits de la victime pour obtenir des auteurs des menaces ou attaques la restitution des sommes versées au fonctionnaire intéressé. Elle dispose, en outre, aux mêmes fins, d'une action directe qu'elle peut exercer au besoin par voie de constitution de partie civile devant la juridiction pénale. Si ces dispositions ne substituent pas la collectivité publique à l'auteur des attaques pour le paiement des dommages et intérêts mis à sa charge par une décision de justice, elles lui imposent d'assurer la juste réparation du préjudice subi par son agent. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que la collectivité publique dont dépend un agent victime de violences dans le cadre de ses fonctions, dès lors qu'elle est tenue, au titre de la protection instituée par l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, de réparer le préjudice résultant de ces violences, est au nombre des personnes à qui le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions peut réclamer le remboursement de l'indemnité ou de la provision qu'il a versée à cet agent à raison des mêmes violences, dans la limite du montant à la charge de cette collectivité.

7. Enfin, l'article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 dispose : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial d traitement et de l'indemnité de résidence./ Toutefois, si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ".

8. La nature et l'étendue des réparations incombant à une collectivité publique ne dépendent pas de l'évaluation du dommage faite par l'autorité judiciaire dans un litige auquel elle n'a pas été partie, mais doivent être déterminées par le juge administratif compte tenu des règles relatives à la responsabilité des personnes morales de droit public et indépendamment des sommes qui ont pu être exposées par le requérant à titre de provision, d'indemnités ou d'intérêts.

9. Il résulte de l'instruction, et notamment du jugement du tribunal de grande instance de Nîmes statuant sur intérêts civils du 19 mai 2009 qui se fonde sur les conclusions de l'expertise médicale diligentée, qu'en conséquence des coups de pieds et coups de poing reçus ayant entrainé une fracture du col de l'omoplate, ce qui n'est pas contesté, M. B... a souffert d'une déficit fonctionnel temporaire avec des raideurs douloureuses de l'épaule droite du 2 avril au 21 décembre 2007. N'ayant pas perdu son autonomie, l'intéressé a accompli néanmoins les actes de la vie courante jusqu'au 31 octobre 2007, date à laquelle, il a exercé ses fonctions tout en supportant une gêne. L'expert médical a fixé à 7 % le déficit fonctionnel permanent et à 2/7 le taux de souffrance. Ainsi, en réparation des préjudices à caractère personnel subis par M. B..., les premiers juges, qui ne se sont pas estimés liés par l'évaluation effectuée par le juge judiciaire, ont fait une juste appréciation de ceux-ci en fixant à 12 900 euros l'indemnité destinée à les réparer.

10. La commune de Nîmes fait état de débours engagés en application des dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, correspondant au maintien du traitement destiné à compenser le préjudice patrimonial résultant de l'agression dont a été victime son agent dans l'exercice de ses fonctions, au paiement de charges patronales afférentes au traitement, aux dépenses médicales d'une part, ainsi que les honoraires d'avocat et frais divers exposés lors des instances judiciaires d'autre part. Toutefois, compte tenu de leur nature, de tels frais ne peuvent s'imputer sur le poste de préjudice à caractère personnel tels que les déficits fonctionnels temporaire et définitif auxquels ils sont étrangers. Dès lors, la commune de Nîmes ne peut utilement soutenir qu'eu égard au montant des débours engagés qui excède celui de l'indemnité versée par le Fonds, la créance dont se prévaut ce dernier n'est pas fondée.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Nîmes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes l'a condamnée à verser au Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions la somme de 12 900 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2010.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la commune de Nîmes sur ce fondement. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Nîmes la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Nîmes est rejetée.

Article 2 : La commune de Nîmes versera une somme de 2 000 euros au Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Nîmes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Nîmes et au Fonds de garantie des victimes de terrorisme et d'autres infractions.

Délibéré après l'audience du 20 avril 2018, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,

- M. Portail, président-assesseur,

- Mme Lopa Dufrénot, première conseillère.

Lu en audience publique, le 9 mai 2018.

2

N° 16MA03163


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA03163
Date de la décision : 09/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-05-03 Responsabilité de la puissance publique. Recours ouverts aux débiteurs de l'indemnité, aux assureurs de la victime et aux caisses de sécurité sociale. Subrogation.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: Mme Micheline LOPA-DUFRENOT
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SELARL LYSIAS PARTNERS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-05-09;16ma03163 ?
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