Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... A...a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'illégalité de la décision du 4 novembre 2010 prononçant son licenciement.
Par un jugement n° 1403293 du 4 juillet 2016, le tribunal administratif de Marseille a condamné le centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud à lui verser la somme de 1 500 euros.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 25 août 2016 et le 6 avril 2018, Mme A..., représentée par Me E..., demande à la Cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 4 juillet 2016 en tant qu'il a limité à la somme de 1 500 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné le centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud en réparation du préjudice qu'elle a subi ;
2°) de porter à la somme de 15 000 euros le montant de l'indemnité due au titre de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter du 19 mars 2014 et capitalisation ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son insuffisance professionnelle n'est pas établie ;
- le tribunal administratif avait déjà considéré par son jugement annulant la décision de licenciement prise à son encontre que son insuffisance professionnelle n'était pas établie ;
- son renoncement à obtenir sa réintégration ne saurait justifier la minoration de son préjudice ;
- le préjudice financier subi entre le 29 novembre 2010 et le 31 août 2011 s'élève à 7 900 euros ;
- l'indemnité de licenciement versée ne fait pas obstacle à l'indemnisation de son préjudice ;
- son éviction injustifiée est à l'origine d'un préjudice moral.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 novembre 2016, le centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 27 mars 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 avril 2018 à 12 heures.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 92-849 du 28 août 1992 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,
- et les conclusions de M. Coutel, rapporteur public.
Sur les conclusions indemnitaires :
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A... a été recrutée par le centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud, à compter du 15 juin 2009, en qualité de sage-femme par un contrat à durée déterminée prorogé à trois reprises et a été affectée au service de gynécologie ; qu'à compter du 1er février 2010, elle a poursuivi son activité dans cet établissement sous contrat à durée indéterminée et a été affectée au service obstétrique ; que, par une décision du 4 novembre 2010, le directeur du centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle à compter du 6 décembre 2010 ; que, par un jugement du 26 septembre 2013, devenu définitif, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision au motif " qu'eu égard à l'évaluation ainsi portée sur les aptitudes professionnelles de Mme A..., les faits qui lui sont reprochés, s'ils peuvent être susceptibles de relever de sanctions disciplinaires, ne sauraient justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle, alors qu'au demeurant les griefs invoqués sont concentrés sur une période très courte au regard de la durée totale d'emploi de l'intéressée au sein de l'établissement ; qu'il s'ensuit que la requérante est fondée à soutenir que la décision attaquée est entachée d'erreur d'appréciation " ;
2. Considérant qu'en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre ; que sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité ; que, pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions ; qu'enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction ;
3. Considérant que la décision du 4 novembre 2010 par laquelle le directeur du centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud a prononcé le licenciement de Mme A... pour insuffisance professionnelle constitue une faute de nature à engager la responsabilité de cet établissement ; qu'il résulte des motifs du jugement du tribunal administratif de Marseille du 26 septembre 2013 que l'administration n'a pas démontré au cours de cette instance l'insuffisance professionnelle de la requérante et que l'éviction de celle-ci ne peut être fondée sur une telle insuffisance ; qu'en outre, les manquements reprochés à Mme A..., récapitulés dans un rapport établi le 19 octobre 2010, portaient sur le travail en équipe, la délégation, le partage des tâches, la gestion du bloc accouchement et son manque de rigueur dans la gestion informatique des dossiers ; que le centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud invoquait également à son encontre la survenue d'incidents avec deux patientes, dont l'une aurait été contrainte par l'intéressée à prendre un traitement qui était suspendu et l'autre aurait subi un manque d'empathie et de considération pour ses douleurs ; qu'aucun fait précis n'illustre les manquements reprochés à la requérante dans son comportement général, alors même qu'elle venait d'être affectée dans un nouveau service et qu'elle fait valoir avoir demandé en vain à suivre une formation en informatique ; que les deux incidents mentionnés ci-dessus, dont la réalité n'est pas contestée, constituent en revanche des fautes professionnelles pour Mme A... ; qu'ainsi, s'il ne résulte pas de l'instruction que le directeur du centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud aurait pu prendre une décision légalement fondée, et notamment pas une mesure de révocation à titre disciplinaire, il doit être tenu compte des fautes relevées à l'encontre de Mme A... pour apprécier le lien de causalité entre l'illégalité commise par le centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud et les préjudices de toute nature subis par l'intéressée ;
4. Considérant que la période d'éviction court de la date du 6 décembre 2010 à laquelle avait pris effet la mesure de licenciement pour insuffisance professionnelle annulée par le tribunal administratif, au 21 mars 2014, date à laquelle le centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud a reçu le courrier du 19 mars 2014 par lequel la requérante lui a fait savoir qu'elle renonçait à sa réintégration ; qu'il résulte du tableau retraçant l'historique de sa paie produit en défense par Mme A... que sa rémunération mensuelle s'est élevée en moyenne au cours de l'année 2010 à 1 882 euros nets ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que cette somme comprenait des primes et indemnités destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif de ses fonctions ; que la perte de traitement subie au cours de la période d'éviction s'élève dès lors à la somme de 50 814 euros ; qu'il résulte par ailleurs de l'instruction que le centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud a versé à Mme A... une indemnité de licenciement d'un montant brut de 7 951, 24 euros comprise dans le salaire du mois de décembre s'élevant à 7 614,08 euros nets ; qu'elle a perçu, entre le 26 novembre 2010 et le 29 juin 2013, des indemnités journalières d'un montant total de 28 916, 27 euros ; qu'elle a bénéficié, du 18 avril 2011 au 31 décembre 2013, de l'allocation d'aide au retour à l'emploi et qu'elle a perçu à ce titre la somme totale de 13 405 euros ; que les revenus dont Mme A... a bénéficié au cours de cette période s'élèvent à la somme totale de 49 935 euros ; que la perte de revenus subie au cours de la période d'éviction doit donc être évaluée à la somme de 879 euros ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que si l'état psychologique de Mme A... s'est dégradé à compter du mois de janvier 2011, elle ne produit aucun document médical de nature à établir dans quelle mesure le licenciement dont elle a fait l'objet y a concouru ; que cependant le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence subis par l'intéressée doivent être réparés par l'allocation d'une somme de 5 000 euros ;
6. Considérant qu'il résulte des motifs énoncés aux points 4 et 5 que le préjudice subi par Mme A... doit être évalué à la somme totale de 5 879 euros ; que compte tenu des fautes commises par la requérante relevées au point 3, il y a lieu de ramener à 5 000 euros la réparation due par le centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud au titre de l'illégalité de la décision du 4 novembre 2010 ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de porter à 5 000 euros le montant de l'indemnité due par le centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud à Mme A... et de réformer en ce sens le jugement attaqué du tribunal administratif de Marseille ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
8. Considérant que Mme A... a droit aux intérêts au taux légal correspondant à l'indemnité de 5 000 euros à compter du 21 mars 2014, date de réception de sa demande par le centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 6 avril 2018 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud la somme de 2 000 euros au titre de ces mêmes frais ;
D É C I D E :
Article 1er : La somme de 1 500 euros que le centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud a été condamné à verser à Mme A... par le jugement du tribunal administratif de Marseille du 4 juillet 2016 est portée à 5 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 mars 2014. Les intérêts échus à la date du 6 avril 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 4 juillet 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud versera à Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... et les conclusions du centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A...et au centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud.
Délibéré après l'audience du 19 juin 2018, où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- MmeB..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 3 juillet 2018.
N° 16MA03443 2