Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision n° 39/3 du 24 juin 2014 par laquelle La Poste (DOTC Côte d'Azur) a prononcé à son encontre la sanction du déplacement d'office en qualité de facteur qualité à Hyères PPDC à compter du 4 août 2014.
Par une ordonnance du 25 juillet 2014, le président du tribunal administratif de Nice a transmis la demande de M. C... au tribunal administratif de Toulon.
Par un jugement n° 1402795 du 27 septembre 2016, le tribunal administratif de Toulon a annulé cette décision et a ordonné la réintégration de M. C... dans ses fonctions, dans le délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 8 novembre 2016 et le 19 avril 2018, La Poste, représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 27 septembre 2016 ;
2°) de rejeter la demande de M. C... devant le tribunal administratif de Toulon ;
3°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- M. C... a obtenu communication de son dossier ;
- la matérialité des faits sanctionnés est établie.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 février 2017, M. C..., représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de La Poste sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par La Poste ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., substituant MeF..., représentant M.C....
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des pièces produites pour la première fois en appel par La Poste, que, par lettre du 29 avril 2014 dont l'intéressé a accusé réception le 16 mai suivant, M. C... a été convoqué devant le conseil de discipline et a été informé de la possibilité d'être assisté d'un ou plusieurs défenseurs de son choix et de prendre connaissance de ses dossiers personnel et disciplinaire ; que deux défenseurs ont effectivement obtenu communication de ces dossiers le 19 mai 2014 et le 22 mai 2014 ; qu'ainsi, c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a estimé que la sanction infligée avait été prise sans que M. C... ait été mis en mesure de prendre connaissance de son dossier ainsi que le prévoient les dispositions de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
2. Considérant qu'il ressort du témoignage écrit établi par la responsable du site de la Poste de Saint-Maximin la Sainte-Baume que celle-ci a reçu sur son téléphone mobile personnel, le samedi 1er mars 2014 à 23 h 40, un appel auquel elle n'a pas répondu ; que l'appelant, de sexe masculin, a laissé un message par lequel il a tenu des propos grossiers et insultants et a fait allusion au lieu de domicile privé de cette responsable et à son style vestimentaire ; que cet appel provenait de la ligne téléphonique mobile ouverte au nom de M. C..., facteur de La Poste en fonction à l'établissement de Brignoles Provence Verte ; que, rappelé peu après cet appel, ce dernier a nié en être l'auteur ; que le directeur d'établissement de Brignoles Provence Verte a mentionné dans son rapport établi le 27 mars 2014 que deux de ses collaborateurs ont reconnu la voix de M. C... sur le message enregistré ; que si M. C... ne travaillait pas sur le même site que la destinataire de cet appel, il est constant qu'il la connaissait pour s'être rendu sur ce site afin de lui remettre un certificat médical plaçant son épouse en arrêt de travail, celle-ci y ayant d'ailleurs été affectée jusqu'au 1er février 2014 ; qu'en outre, il avait l'occasion de rencontrer la personne intéressée lorsque celle-ci se rendait à des réunions sur le site de Brignoles ; que le numéro de téléphone mobile personnel de cette dernière était affiché sur son lieu de travail ; que, par ailleurs, le responsable du site de Brignoles a lui-même reçu un appel d'une durée de 57 secondes provenant du numéro de M. C... au cours de la même soirée à 23 h 33, soit quelques minutes plus tôt ; que si aucune parole n'a été prononcée, il a entendu la voix de M. C... au loin ;
3. Considérant que, pour contester les faits mentionnés au point précédent qui lui sont reprochés, M. C... se borne à affirmer qu'il n'est pas l'auteur de l'appel et du message téléphonique du 1er mars 2014 à 23 h 40 que l'un des participants à une soirée dans laquelle il se trouvait à ce moment-là aurait utilisé son téléphone laissé sans surveillance et que ces participants travaillent également à La Poste, certains d'entre eux étant affectés sur le site de Saint-Maximin la Sainte-Baume ; qu'il n'a pas révélé l'identité de ces participants et notamment celle du véritable auteur de l'appel litigieux selon lui ; que, dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que la matérialité de ces faits ne serait pas établie, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif de Toulon qui a fait application des dispositions de l'article R. 612-6 du code de justice administrative selon lesquelles : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant " ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Toulon et devant la Cour ;
Sur la légalité externe :
5. Considérant que M. C..., qui soutient qu'il ne l'a pas reçue mais n'allègue pas en avoir demandé copie à La Poste, n'a pas produit la décision attaquée ; qu'il ne met donc pas en mesure la Cour d'apprécier le bien-fondé des moyens tirés de l'incompétence et de la motivation insuffisante de cette décision ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par lettre du 29 avril 2014, dont il a accusé réception le 16 mai suivant, M. C... a été convoqué devant le conseil de discipline qui devait se tenir le 22 mai 2014 ; que le quorum n'ayant pas été atteint pour que le conseil de discipline puisse siéger à la date initialement prévue, M. C... a été convoqué par lettre du 5 juin 2014 pour le 12 juin suivant ; que si La Poste n'établit pas que le délai de huit jours prévu dans cette situation par le BRH 2004 doc RH 45 a été respecté, faute de justifier de la date à laquelle son agent a pris connaissance de cette seconde convocation, ce dernier n'a été privé, dans les circonstances de l'espèce, d'aucune garantie dès lors, d'une part, qu'ainsi il a été constaté au point 2, ses deux défenseurs ont pu consulter son dossier, d'autre part, qu'il a comparu devant le conseil de discipline le 12 juin 2014 et a été assisté par un défenseur ;
Sur la légalité interne :
7. Considérant qu'en vertu de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, applicables aux fonctionnaires de La Poste en vertu de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et à France Télécom, les sanctions disciplinaires susceptibles d'être infligées aux fonctionnaires de l'Etat sont réparties en quatre groupes ; que relèvent du premier groupe les sanctions de l'avertissement et du blâme, du deuxième groupe celles de la radiation du tableau d'avancement, de l'abaissement d'échelon, de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours et du déplacement d'office, du troisième groupe celles de la rétrogradation et de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans et du quatrième groupe celles de la mise à la retraite d'office et de la révocation ; que, selon le dernier alinéa de l'article 66, l'exclusion temporaire de fonctions peut être assortie d'un sursis total ou partiel, sans pouvoir avoir pour effet, pour l'exclusion relevant du troisième groupe, de ramener la durée de l'exclusion à moins d'un mois ;
8. Considérant qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ;
9. Considérant que les faits reprochés à M. C..., s'ils ont été commis en dehors du service, constituent des fautes de nature à justifier une sanction dès lors qu'ils ont compromis le bon déroulement du service, la destinataire de l'appel téléphonique litigieux ayant été placée pendant plusieurs mois en congé de maladie ; qu'eu égard à la nature des fonctions de l'intéressé, et en dépit de l'absence d'antécédents disciplinaires, la sanction du déplacement d'office, qui relève du deuxième groupe en vertu des dispositions de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984, n'est pas disproportionnée par rapport aux fautes commises ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que La Poste est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 24 juin 2014 prononçant à l'encontre de M. C... la sanction du déplacement d'office et lui a enjoint de réintégrer ce dernier dans ses fonctions ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de La Poste, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. C... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de La Poste présentées sur le même fondement ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 27 septembre 2016 est annulé.
Article 2 : La demande de M. C... devant le tribunal administratif de Toulon est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de La Poste au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à La Poste et à M. B... C....
Délibéré après l'audience du 3 juillet 2018, où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- Mme E..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 17 juillet 2018.
N° 16MA04134 2