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24/07/2018 | FRANCE | N°18MA00962

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 24 juillet 2018, 18MA00962


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la métropole Nice Côte d'Azur à lui verser la somme de 124 716,26 euros, ainsi que les intérêts au taux légal, à titre de provision sur les sommes qui lui sont dues en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite de la chute d'un pin planté sur la pente du talus bordant la route de la Sirole à Nice.>
Par une ordonnance n° 1701797 du 12 février 2018, le juge des référés du tribun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la métropole Nice Côte d'Azur à lui verser la somme de 124 716,26 euros, ainsi que les intérêts au taux légal, à titre de provision sur les sommes qui lui sont dues en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite de la chute d'un pin planté sur la pente du talus bordant la route de la Sirole à Nice.

Par une ordonnance n° 1701797 du 12 février 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 février 2018, Mme B..., représentée par Me A...C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice du 12 février 2018 ;

2°) statuant en référé, de condamner la métropole Nice Côte d'Azur à lui verser la somme de 124 716,26 euros à titre de provision, ainsi que les intérêts au taux légal ;

3°) de mettre à la charge de la métropole Nice Côte d'Azur la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la métropole est responsable des dommages causés par le pin déraciné, dépendance de la voie publique ;

- elle subit un préjudice matériel, une perte de jouissance et une perte de revenus, notamment locatifs.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 mars 2018 et le 30 avril 2018, la métropole Nice Côte d'Azur, représentée par la SELARL Lestrade - Capia, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'est pas propriétaire de la bande de terrain en litige qui n'est pas une dépendance du domaine public routier qui lui a été transféré ;

- cette bande de terre ne constitue pas un ouvrage public ;

- elle n'a pas la charge de l'entretien du pin ni du talus ;

- la chute du pin ne résulte pas d'un défaut d'entretien ;

- la créance dont la requérante se prévaut est prescrite en application de la loi du 31 décembre 1968 ;

- les dommages matériels ne sont pas imputables à la chute du pin ;

- les préjudices immatériels ne sont pas justifiés ;

- le préjudice de jouissance est surévalué ;

- le préjudice locatif n'est pas établi ;

- la requérante ne justifie pas des démarches indemnitaires effectuées auprès de son assureur.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 25 avril 2018, Mme B... conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens.

Elle soutient, en outre, que la créance n'est pas prescrite.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des assurances ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la voirie routière ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 ;

- le décret du 17 octobre 2011 portant création de la métropole dénommée " Métropole Nice Côte d'Azur " ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la Cour a désigné M. Vanhullebus, président, en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... est propriétaire à Nice d'un ensemble immobilier partiellement bâti, cadastré section DS n° 55, situé en contrebas de la route de la Sirole, elle-même en contrebas de la parcelle, cadastrée section DS n° 56, appartenant à la SCI Twiggy. Mme B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice de condamner la métropole Nice Côte d'Azur à lui verser une provision sur les sommes qui lui sont dues en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la chute, le 16 novembre 2010, d'un pin planté en amont de la voie publique que constitue la route départementale n° 914, devenue route métropolitaine n° 6914 à compter de son transfert à la métropole Nice Côte d'Azur, le 1er janvier 2012. Mme B... fait appel de l'ordonnance du 12 février 2018 par laquelle le juge des référés a rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ".

3. Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude.

Sur la responsabilité de la métropole Nice Côte d'Azur :

4. Il résulte de l'instruction et notamment de la seconde expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Nice, le 20 décembre 2013, que le pin dont le déracinement a provoqué les dommages dont Mme B... demande la réparation, était implanté dans la partie du talus comprise entre la route de la Sirole et la propriété de la SCI Twiggy. Il résulte également de l'instruction et notamment des profils de terrain figurant dans ce rapport d'expertise, que le talus a été pratiqué en déblai au droit de la voie publique. Ce talus apparaît ainsi utile à la bonne conservation ou à la bonne utilisation de la route qu'il borde. Il constitue, par suite, l'accessoire de cette voie et présente le caractère d'un ouvrage public, alors même qu'il se situe, dans sa partie où était planté le pin en litige, sur le terrain que le propriétaire précédant la SCI avait cédé gratuitement à la commune par un acte du 18 février 1972.

5. Il résulte des dispositions combinées du III de l'article L. 5211-5 du code général des collectivités territoriales et des articles L. 1321-2, L. 5217-2, L. 5217-4 et L. 5217-5 de ce code, dans leur rédaction applicable, que la métropole exerce de plein droit les compétences en matière notamment d'entretien des routes qui étaient auparavant classées dans le domaine public routier départemental, ainsi que de leurs dépendances et accessoires. Il suit de là qu'une métropole est responsable à l'égard des tiers des dommages pouvant leur être causés par des ouvrages publics routiers accessoires aux voies dont la gestion lui a été transférée, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que ces ouvrages se situeraient hors du domaine public routier.

6. Il résulte de ce qui a été indiqué aux points 4 et 5 que la circonstance que le talus ne fasse pas partie du domaine public routier transféré à la métropole Nice Côte d'Azur est sans incidence sur la responsabilité que celle-ci encourt dans le cas où cet ouvrage public, dont elle a la garde, cause un dommage aux tiers.

7. Le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers, tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages, qui doivent revêtir un caractère anormal et spécial pour ouvrir droit à réparation, résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure.

8. Mme B... est un tiers à l'égard de l'ouvrage public. La responsabilité de la métropole Nice Côte d'Azur n'est dès lors pas subordonnée à l'existence d'un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public. Par suite, la métropole ne peut pas utilement se prévaloir de l'absence de défaut d'entretien du pin en litige.

Sur l'exception de prescription quadriennale :

9. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ". L'article 2 de cette loi dispose que " La prescription est interrompue par (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ".

10. Mme B... demande la réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la chute d'un pin survenue au cours du mois de novembre 2010. Le juge des référés du tribunal de grande instance de Nice a, sur demande de l'intéressée, ordonné le 18 octobre 2011 une expertise au contradictoire de la SCI Twiggy, du département des Alpes-Maritimes, qui était alors le maître d'ouvrage de la voie publique, puis de la métropole Nice Côte d'Azur. L'expert a déposé son rapport le 11 février 2013. Il suit de là que la créance dont Mme B... se prévaut n'était pas prescrite lorsqu'elle a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nice, le 10 mai 2017, d'une demande de condamnation de la métropole à lui verser une provision. L'exception de prescription opposée par la métropole doit dès lors être écartée.

Sur le montant de la provision :

11. En application des dispositions, citées au point 2, de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, dans le cas où les éléments soumis par les parties au juge des référés sont de nature à établir l'existence de l'obligation avec un degré suffisant de certitude, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant.

12. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport du premier expert désigné par le juge des référés du tribunal de grande instance de Nice, le 18 octobre 2011, que la chute du pin implanté sur la pente du talus de la route de Sirole, en travers de celle-ci, le 16 novembre 2010, a endommagé la niche du coffret de raccordement au réseau public de distribution d'énergie électrique, un muret et quatre arbres de haute futaie appartenant à Mme B..., dont l'un, fortement incliné par la poussée du pin déraciné, a soulevé le dallage situé devant un cabanon ainsi qu'un garde-corps maçonné. L'obligation d'indemniser les préjudices nés de ces dommages directement imputables à l'ouvrage public dont la métropole Nice Côte d'Azur a la garde n'est pas sérieusement contestable.

13. Il ressort des devis du 25 juillet 2011 et du 9 janvier 2012 ainsi que de la facture du 18 janvier 2013 annexés à ce rapport, que le coût des travaux de maçonnerie et de clôture doit être évalué à 11 520 euros, que les frais d'abattage, d'élagage, de débitage et d'écobuage des quatre arbres endommagés le 16 novembre 2010, ainsi que de la partie supérieure du pin du talus routier restée dans la propriété de Mme B... après la réouverture de la voie à la circulation publique par les services techniques du département, doit être estimé à la somme de 4 500 euros et que le montant du remplacement des quatre arbres abattus qui appartenaient à la requérante doit être évalué à 2 500 euros.

14. Si la toiture de l'abri de jardin situé sur la propriété de Mme B...a été détruite par la chute d'un arbre lors de l'intervention des pompiers provoquée par les précipitations de neige du 31 janvier 2012, il ressort clairement du rapport du premier expert désigné qu'une partie des arbres à débiter à la suite de l'accident du 16 novembre 2010, serait nécessairement tombée sur le cabanon. Il suit de là que la reconstruction de cet ouvrage est en lien direct avec le dommage de travaux publics imputable à la métropole. Il y a lieu, au vu du devis du 9 janvier 2012 et du complément du 5 mai 2012 annexés au rapport de l'expert, d'évaluer le préjudice correspondant à la somme de 6 000 euros.

15. Les dommages à la propriété de Mme B... qui ont été causés par la neige tombée le 31 janvier 2012 ne peuvent, en revanche, être regardés comme présentant un lien de causalité direct et certain avec la chute du pin survenue le 16 novembre 2010. La requérante ne justifie pas non plus de l'existence d'un lien direct entre, d'une part, cet accident et, d'autre part, les frais de séjour hôtelier qu'elle aurait exposés pour un montant de 1 500 euros et la perte alléguée de revenus locatifs.

16. Il ressort d'une lettre du 31 janvier 2013 annexée au rapport de l'expert que Mme B... a été en congé maladie pendant plusieurs mois et qu'elle a interrompu ses activités professionnelles du mois de décembre 2011 au mois de mars 2012. La requérante ne rapporte toutefois pas la preuve, dont la charge lui incombe, que cet arrêt serait la conséquence directe de la chute d'un pin, le 16 novembre 2010. Elle n'est dès lors pas fondée à réclamer une provision au titre de la perte de revenus qu'elle aurait subie à cette occasion.

17. La requérante a subi du fait de l'accident en litige un préjudice de jouissance de sa propriété, présentant un caractère anormal et spécial, qu'il y a lieu de réparer par la somme de 2 000 euros.

18. Les dégâts aux biens appartenant à Mme B... qui ont été provoqués par la chute, le 16 novembre 2010, d'un pin d'un talus routier ne présentent pas le caractère de dommages matériels directs résultant d'inondations, de coulées de boue ou de mouvements de terrain et ayant eu pour cause déterminante l'effet d'un tel agent naturel, au sens et pour l'application des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 125-1 du code des assurances. La métropole Nice Côte d'Azur ne peut dès lors utilement soutenir, au demeurant sans assortir son moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, que " les différents épisodes pluvieux ont fait l'objet d'arrêtés reconnaissant l'état de catastrophe naturelle ".

19. Il résulte de ce qui a été indiqué aux points 12, 13, 14 et 17 que le montant de la provision qui présente un caractère de certitude suffisant s'élève à 26 520 euros.

Sur les intérêts :

20. Mme B... a droit aux intérêts au taux légal de la provision de 26 520 euros à compter du 10 mai 2017, date d'enregistrement de sa demande au greffe du tribunal administratif de Nice.

21. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la métropole Nice Côte d'Azur demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu de mettre à la charge de la métropole Nice Côte d'Azur une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.

O R D O N N E :

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice du 12 février 2018 est annulée.

Article 2 : La métropole Nice Côte d'Azur est condamnée à verser à Mme B... une provision de 26 520 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 mai 2017.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La métropole Nice Côte d'Azur versera à la SCI Twiggy la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par la métropole Nice Côte d'Azur sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme D... B...et à la métropole Nice Côte d'Azur.

Fait à Marseille, le 24 juillet 2018.

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N°18MA00962


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