Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet des Alpes-Maritimes a déféré au tribunal administratif de Nice, comme prévenue d'une contravention de grande voirie prévue et réprimée par les articles L. 2122-1 et L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques, la SA de la Villa Gal, prise en la personne du président de son conseil d'administration, M. D..., et a demandé, d'une part, sa condamnation à l'amende maximale prévue par la loi ainsi qu'au remboursement des frais d'établissement du procès-verbal et des frais annexes engagés par l'administration, d'autre part, que soient ordonnés l'enlèvement des installations et la démolition des constructions faisant l'objet de cette contravention, sous astreinte de 500 euros par jour de retard au-delà d'un délai fixé par le tribunal, et enfin que soit autorisée l'intervention directe de l'Etat aux frais et risques de la contrevenante en cas de non-exécution par cette dernière des mesures objet de la contravention en cause.
Par un jugement n° 1604699 du 21 novembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a condamné la SA de la Villa Gal au paiement d'une amende de 1 500 euros ainsi qu'une somme de 85,46 euros au titre des frais de procès-verbal, à évacuer hors du domaine public maritime l'ensemble des installations et ouvrages visés par le procès-verbal du 24 mai 2016 dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l'expiration de ce délai, et a autorisé l'administration à procéder d'office en cas d'inexécution de la société dans ce délai.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête et un mémoire enregistrés le 30 janvier 2018 et le 24 juillet 2018 sous le n° 18MA00438, la SA de la Villa Gal, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 novembre 2017 du tribunal administratif de Nice ;
2°) de rejeter le déféré préfectoral ;
3°) de la relaxer des poursuites de contravention de grande voirie engagées à son encontre ;
4°) à titre subsidiaire, de la relaxer des poursuites de contravention de grande voirie en tant qu'elles portent sur la terrasse en arc de cercle de 14 m² identifiée sur le procès-verbal de constatation du 24 mai 2016 ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué a méconnu le principe du contradictoire dès lors que les visas relatifs à l'analyse du déféré du préfet des Alpes-Maritimes contiennent des informations qui ne lui ont pas été au préalable communiquées ;
- il n'est pas établi que l'agent ayant transmis au tribunal administratif de Nice le procès-verbal de constatation du 24 mai 2016, bénéficiait d'une délégation régulière en ce sens de la part du préfet des Alpes-Maritimes ;
- en retenant, pour considérer que les installations et ouvrages en cause doivent être regardés comme appartenant au domaine public maritime, que ceux-ci sont " atteints par le plus haut flot en l'absence de précipitations exceptionnelles ", après avoir pourtant constaté que lesdites installations et lesdits ouvrages ne sont situés qu'" à proximité ", fut-elle " immédiate ", du rivage de la mer, le tribunal a commis une erreur de droit et une erreur de fait ;
- les installations et ouvrages en cause ne peuvent être regardés comme soumis dans leur totalité à l'action de la mer ;
- la terrasse en arc de cercle de 14 m² est comprise dans sa totalité au sein des limites de la parcelle cadastrée section AN n° 106, appartenant à la SA de la Villa Gal.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés.
II. Par une requête et un mémoire enregistrés le 6 février 2018 et le 19 juillet 2018 sous le n° 18MA00518, la SA de la Villa Gal, représentée par Me C..., demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du 21 novembre 2017 du tribunal administratif de Nice.
Elle fait valoir que sa situation financière ne lui permet pas de prendre à sa charge les frais de démolition des ouvrages incriminés et reprend les mêmes moyens que ceux exposés dans l'instance n° 18MA00438.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 24 mai 2016 à l'encontre de la SA de la Villa Gal pour avoir notamment implanté sans autorisation sur le domaine public maritime, un terre-plein bordé par un quai d'une superficie de 142 m², une terrasse bétonnée d'une superficie de 209 m², une terrasse en arc de cercle d'une superficie de 14 m², un quai délimitant une plate-forme d'une superficie de 49 m² et un passage de 1 mètre de largeur et de 15 mètres de longueur d'une superficie de 15 m², faisant obstacle au libre passage des piétons devant la villa " Cansoun del Mar " qu'elle exploite en location saisonnière, située sur le territoire de la commune de Villefranche-sur-Mer. Par jugement n° 1604699 du 21 novembre 2017, le tribunal administratif de Nice, saisi par le préfet des Alpes-Maritimes a condamné la SA de la Villa Gal pour contravention de grande voirie, à payer une amende de 1 500 euros, ainsi qu'une somme de 85,46 euros au titre des frais du procès-verbal du 24 mai 2016, et lui a enjoint d'évacuer hors du domaine public les installations et ouvrages visés dans le procès-verbal, dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement, en autorisant l'administration à procéder d'office à la suppression de ces aménagements à ses frais, risques et périls, en cas d'inexécution passé ce délai. Par les deux requêtes susvisées, la SA de la Villa Gal, d'une part, relève appel de ce jugement sous le n° 18MA00438, et d'autre part, demande à la Cour, sous le n° 18MA00518, de surseoir à l'exécution dudit jugement.
Sur la jonction :
2. Les requêtes susvisées de la société de la Villa Gal tendent respectivement à l'annulation et au sursis à l'exécution du même jugement. Elles ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). ".
4. Il ressort des pièces du dossier que, le recours ainsi que les pièces jointes présentés par le préfet des Alpes-Maritimes, enregistrés le 9 novembre 2016 au greffe du tribunal administratif de Nice, ont été communiqués le 15 novembre 2016 à la société de la Villa Gal, qui n'a pas produit de mémoire en défense. En faisant mention, tant dans les visas du jugement que dans le point 4, de l'argumentation développée par le préfet, le tribunal n'a pas méconnu les exigences qui découlent des dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative et qui sont destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction. Il suit de là que la société Villa Gal n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait intervenu à la suite d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire ne peut en conséquence qu'être écarté.
Sur la régularité des poursuites :
5. Aux termes de l'article 43 du décret susvisé du 29 avril 2004 " Le préfet de département peut donner délégation de signature, notamment en matière d'ordonnancement secondaire : 1° En toutes matières et notamment pour celles qui intéressent plusieurs chefs des services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat dans le département, au secrétaire général et aux chargés de mission ; (...) ".
6. Par arrêté n° 2016-635 du 5 août 2016, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture des Alpes-Maritimes, M. Frédéric Mac Kain, secrétaire général de la préfecture des Alpes-Maritimes a reçu délégation du préfet " pour signer tous arrêtés, actes, circulaires et décisions y compris les déférés préfectoraux s'inscrivant dans le cadre de l'exercice du contrôle de légalité, relevant des attributions de l'État dans le département des Alpes-Maritimes à l'exception : - des réquisitions prises en application de la loi du 11 juillet 1938 ; - des arrêtés portant convocations des collèges électoraux ; - des déclinatoires de compétence et arrêtés de conflit. ". Il ressort des pièces du dossier que le mémoire introductif d'instance enregistré le 9 novembre 2016 a été signé par M. Frédéric Mac Kain au nom du préfet des Alpes-Maritimes. En application des dispositions mentionnées, ce dernier était compétent pour déférer au tribunal administratif de Nice la société de la Villa Gal comme prévenue d'une contravention de grande voirie. Dès lors, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait été saisi par une autorité incompétente manque en fait.
Sur le bien-fondé de l'action domaniale :
7. Aux termes de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public maritime naturel de L'Etat comprend : / 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. / Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ; (...). Aux termes des dispositions de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous " et aux termes de l'article L. 2132-3 du même code : " Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende ".
8. D'une part, il résulte de ces dispositions que le sol et le rivage de la mer font partie du domaine public maritime naturel de l'Etat et ne peuvent appartenir à une propriété privée, sans que puisse y faire obstacle les actes de propriété dont sont susceptibles de se prévaloir les riverains. Par suite, ces derniers ne peuvent y édifier des ouvrages ou y réaliser des aménagements sans l'autorisation de l'autorité compétente de l'Etat, sous peine de poursuites pour contravention de grande voirie.
9. D'autre part, pour constater que l'infraction à caractère matériel d'occupation irrégulière du domaine public est constituée le juge de la contravention de grande voirie doit déterminer, au vu des éléments de fait et de droit pertinents, si la dépendance concernée relève du domaine public. S'agissant du domaine public maritime, le juge doit appliquer les critères fixés par l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques.
10. Il résulte de l'instruction, et notamment des mentions ainsi que des photographies annexées au procès-verbal de contravention de grande voirie dressé le 24 mai 2016 à l'encontre de la société de la Villa Gal, que différents ouvrages et aménagements de grande ampleur ont été construits en dur sur le rivage de la mer développant une superficie totale de 429 m². Ces ouvrages se composent " d'un terre-plein bordé par un quai de hauteur variable, mesurant 60 mètres de longueur et 2,35 mètres de largeur moyenne, d'une superficie de 142 m², d'une terrasse bétonnée d'une superficie de 209 m², d'une terrasse en arc de cercle d'une superficie de 14 m², d'un quai délimitant une plate-forme d'une superficie de 49m² et d'un passage de 1 mètre de largeur et de 15 mètres de longueur d'une superficie de 15m² ". Ces constatations sont corroborées par un plan d'état des lieux comparé à l'extrait du cadastre annexé à ce procès-verbal sur lequel sont reportées les limites du domaine public maritime ainsi que par des photographies produites par la société requérante au soutien de ses écritures dont il ressort que les ouvrages incriminés édifiés devant la villa ont été érigés en bordure de mer sur des rochers atteints par l'eau. C'est en particulier le cas de la terrasse en arc de cercle édifiée sur des enrochements couverts naturellement par la mer à l'intérieur des limites atteintes par les plus hauts flots. Par ailleurs, la simple circonstance que l'emprise de la terrasse en cause se trouve comprise au sein des limites de la parcelle cadastrées AN n° 106 appartenant à la société de la Villa Gal, n'a aucune influence sur la délimitation du domaine public maritime qui résulte de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques. En outre, il ressort de ces pièces que l'état de dégradation de ces installations trouve son origine dans l'action des plus hauts flots, en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles. Dès lors, ces installations se situent sur le rivage de la mer faisant partie du domaine public maritime par application des critères définis à l'article L. 2111-4 précité du code général de la propriété des personnes publiques. La société de la Villa Gal qui au demeurant a sollicité auprès du préfet des Alpes-Maritimes le renouvellement de l'autorisation d'occupation temporaire du domaine public maritime qui arrivait à échéance le 31 décembre 2008 pour l'ensemble de ces ouvrages et aménagements, n'apporte aucun élément de nature à établir que ces constatations relevées dans le procès-verbal, dont les mentions font foi jusqu'à preuve contraire, comporteraient des inexactitudes. Ainsi, la contravention de grande voirie est caractérisée au regard des dispositions des articles L. 2122-1 et L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques. Dès lors, le moyen tiré d'une erreur de fait et d'une erreur de droit dans l'application des dispositions de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques doit être écarté.
11. Il résulte de ce qui précède que la société de la Villa Gal n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice l'a condamnée au paiement d'une amende de 1 500 euros, d'une somme de 85,46 euros et a décidé qu'elle devait libérer le domaine public maritime sous astreinte. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :
12. Le présent arrêt statue sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de Nice du 21 novembre 2017 présentées par la société de la Villa Gal. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont ainsi devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, pas lieu d'y statuer.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui, dans la présente instance, n'est pas la partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par la société de la Villa Gal et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 18MA00518 tendant au sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Nice du 21 novembre 2017.
Article 2 : La requête n° 18MA00438 de la société de la Villa Gal est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme de la Villa Gal et au ministre de la transition écologique et solidaire.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 14 septembre 2018, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 28 septembre 2018.
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N° 18MA00438, 18MA00518
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