Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
I - M. I... D...et Mme H... C...épouse D...ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du préfet du Var n° 2014-10 du 6 juin 2014 portant déclaration d'insalubrité remédiable de l'immeuble 28 impasse de la Gaie Vallée à Toulon dont ils sont propriétaires et de condamner l'Etat à leur verser la somme de 7 000 euros en réparation du préjudice subi.
Par un jugement n° 1404188 du 27 octobre 2016, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ces demandes.
II - M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler les titres exécutoires n° 00195 (titre n° 003001) et n° 00288 (titre n° 004327) des 17 juin et 1er septembre 2015, par lesquels la commune de Toulon leur réclame paiement des sommes de 10 788 euros et de 3 480 euros, au titre des frais d'hébergement de Mme J... B...A....
Par un jugement n° 1502724 et 1503498 du 27 octobre 2016, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ces demandes.
Procédures devant la Cour :
I - Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 16MA04095 les 8 novembre 2016, 11 novembre et 23 décembre 2017, M. et MmeD..., représentés par Me G..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1404188 du tribunal administratif de Toulon du 27 octobre 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Var n° 2014-10 du 6 juin 2014 portant déclaration d'insalubrité remédiable de l'immeuble 28 impasse de la Gaie Vallée à Toulon dont ils sont propriétaires ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 7 000 euros en réparation du préjudice subi ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens ainsi qu'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve d'une renonciation expresse à l'aide juridictionnelle.
Ils soutiennent que :
- le rapport concluant à l'insalubrité est irrégulier ;
- la tenue de la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques est irrégulière faute de convocation régulière de ses membres ;
- il n'existe pas de trace d'un débat contradictoire devant le conseil ;
- le conseil n'a pas épuisé sa compétence ;
- les articles L. 1331-27 et 1331-28-1 du code de la santé publique ont été méconnus ;
- l'arrêté ne distingue pas les parties communes des parties privatives ;
- le bail a été résilié le 23 août 2016 ;
- la locataire et la commune sont responsables des désordres.
La commune de Toulon, représentée par Me F..., a présenté des observations, par mémoires enregistrés les 6 février 2017 et 11 décembre 2017. Elle conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis 2000 euros à la charge des époux D...sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. D...ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2017, le ministre des affaires sociales et de la santé conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est tardive ;
- les autres moyens soulevés par M. et Mme D... ne sont pas fondés.
II - Par une requête, enregistrée sous le n° 16MA04150 le 11 novembre 2016, M. et Mme D..., représentés par Me G..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1502724 et 1503498 du tribunal administratif de Toulon du 27 octobre 2016 ;
2°) d'annuler les titres exécutoires ;
3°) de mettre à la charge de la ville de Toulon une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que les titres sont illégaux dès lors que l'arrêté du 6 juin 2014 est lui-même illégal, par les mêmes moyens que ceux présentés à l'appui de la requête n° 16MA04095.
La commune de Toulon, représentée par Me F..., a présenté un mémoire, enregistré le 6 février 2017. Elle conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis 2000 euros à la charge des époux D...sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. D...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marcovici,
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,
- et les observations de Me G..., représentant M. et Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Les instances n° 16MA04095 et 16MA04150 présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.
Sur les conclusions dirigées contre le jugement n° 1404188 du 27 octobre 2016 :
2. À la suite d'une plainte de la locataire, le service communal d'hygiène et de santé de la commune de Toulon a effectué des visites, les 18 janvier 2013 et 7 février 2014, de l'immeuble situé 28 impasse de la Gaie Vallée " référence cadastrale DR 0290, dépendance au nord de la parcelle ", à Toulon, à l'issue desquelles une interdiction d'habiter à compter du 1er septembre 2014 a été notifiée à M. et Mme D.... Après avis rendu par le conseil de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) lors de sa séance du 14 mai 2014, le préfet du Var a pris, le 6 juin 2014, un arrêté portant déclaration d'insalubrité remédiable de l'immeuble en application des articles L. 1331-26 et suivants du code de la santé publique. Sous le n° 16MA04095, M. et Mme D...relèvent appel du jugement du 27 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif a rejeté leur demande tendant, d'une part, à l'annulation de cet arrêté et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à leur verser une somme de 7 000 euros à titre de dommages intérêts.
3. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ".
4. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de M. et Mme D... comme irrecevable au motif qu'elle avait été présentée tardivement, les intéressés n'ayant pas été en mesure d'apporter la preuve de la réception par les services de la préfecture du recours gracieux qu'ils prétendaient leur avoir adressé. Les requérants produisent, pour la première fois en appel, un accusé postal attestant la réception d'un pli par la préfecture du Var le 22 juillet 2014. Si le ministre soutient que la production de ce document ne saurait suffire à attester la réception par les services de la préfecture du recours gracieux en cause, il n'apporte aucun élément à la Cour quant au contenu du pli dont les services de la préfecture du Var ont ainsi accusé réception. Dans ces conditions, M. et Mme D... doivent désormais être regardés comme apportant la preuve qui leur incombe de la présentation d'un recours gracieux, de nature à avoir conservé le délai du recours contentieux. Ce dernier n'était donc pas expiré lorsqu'ils ont introduit, le 21 novembre 2014, devant le tribunal administratif de Toulon, leurs demandes tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 6 juin 2014 et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à leur verser une somme de 7 000 euros. Les requérants sont donc fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur première demande comme irrecevable et, la seconde par voie de conséquence du rejet de la première. Le jugement du 27 octobre 2016 doit, par suite, être annulé.
5. Il y a lieu, pour la Cour, d'évoquer et, par là, de statuer en qualité de juge de première instance sur ces demandes de M. et Mme D....
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 6 juin 2014 :
6. Aux termes des trois premiers alinéas de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique : " Lorsqu'un immeuble, bâti ou non, vacant ou non, attenant ou non à la voie publique, un groupe d'immeubles, un îlot ou un groupe d'îlots constitue, soit par lui-même, soit par les conditions dans lesquelles il est occupé ou exploité, un danger pour la santé des occupants ou des voisins, le représentant de l'Etat dans le département, saisi d'un rapport motivé du directeur général de l'agence régionale de santé ou, par application du troisième alinéa de l'article L. 1422-1, du directeur du service communal d'hygiène et de santé concluant à l'insalubrité de l'immeuble concerné, invite la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques à donner son avis dans le délai de deux mois : / 1° Sur la réalité et les causes de l'insalubrité ; / 2° Sur les mesures propres à y remédier ". Le quatrième alinéa du même article précise que : " L'insalubrité d'un bâtiment doit être qualifiée d'irrémédiable lorsqu'il n'existe aucun moyen technique d'y mettre fin, ou lorsque les travaux nécessaires à sa résorption seraient plus coûteux que la reconstruction ". Aux termes de l'article L. 1331-28 du même code : " (...) / II. - Lorsque la commission ou le haut conseil conclut à la possibilité de remédier à l'insalubrité, le représentant de l'Etat dans le département prescrit par arrêté les mesures adéquates ainsi que le délai imparti pour leur réalisation sur avis de la commission ou du haut conseil et prononce, s'il y a lieu, l'interdiction temporaire d'habiter et, le cas échéant, d'utiliser les lieux. / (...) ".
7. En premier lieu, contrairement aux affirmations des requérants, le rapport du 25 mars 2014 établi par la directrice du service hygiène et santé de la commune de Toulon était d'une précision suffisante quant à l'état d'insalubrité du logement en cause pour permettre à l'autorité administrative de prendre la décision attaquée, quand bien même aucune photographie ne figurait au dossier, que le rapport ne permettrait pas de s'assurer des causes de l'humidité du local ou qu'y figurerait une erreur factuelle tenant au fait que la locataire y résidait avec sa fille.
8. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 1331-27 du code de la santé publique : " Le représentant de l'Etat dans le département avise les propriétaires, tels qu'ils figurent au fichier immobilier, au moins trente jours à l'avance de la tenue de la réunion de la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques et de la faculté qu'ils ont de produire dans ce délai leurs observations. Il avise également, dans la mesure où ils sont connus, les titulaires de droits réels immobiliers sur les locaux, les titulaires de parts donnant droit à l'attribution ou à la jouissance en propriété des locaux, les occupants et, en cas d'immeuble d'hébergement, l'exploitant (...) ".
9. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que les propriétaires figurant au fichier immobilier ont été avisés conformément aux dispositions précitées. Si M. et Mme D... soutiennent que la SCI Gaie Vallée aurait la qualité de propriétaire, aucune pièce du dossier ne permet de tenir cette affirmation comme établie. La seule attestation de M. E... selon lequel il serait propriétaire des locaux en cause ne le permet pas davantage. Enfin, le syndic de copropriété de l'immeuble ou les copropriétaires n'avaient pas à être informés, préalablement à la séance de la commission, de leur faculté de présenter des observations, au seul motif que les murs de façade constituent des parties communes, dès lors que l'insalubrité, telle qu'elle a été constatée dans le rapport, concernait exclusivement l'intérieur du logement, c'est-à-dire des parties privatives.
10. En troisième lieu, en se bornant à demander que l'administration prouve que les membres de la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques ont reçu en temps utile les documents nécessaires à leur information, sans faire état d'aucun élément circonstancié propre à mettre en doute la réalité de cette transmission, les requérants ne peuvent être regardés comme satisfaisant la part de la charge de la preuve qui leur incombe.
11. En quatrième lieu, contrairement à l'affirmation des requérants, le compte-rendu de la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques fait état des observations qu'ils ont présentées lors de la séance du 14 mai 2014.
12. En cinquième lieu, ladite commission a exercé son office, sans se borner à entériner le rapport de la directrice du service d'hygiène et de santé de Toulon, en constatant, d'une part, la présence d'humidité et de moisissures, le manque de ventilation, le caractère insuffisant de l'éclairage naturel des pièces ainsi que l'inadéquation de l'isolation et du chauffage et, en estimant, d'autre part, que le traitement des problèmes d'infiltration en provenance des façades, l'amélioration de l'isolation thermique, la mise en place de ventilations conformes et efficaces, l'agrandissement de la fenêtre et l'adaptation du moyen de chauffage seraient propres à y remédier.
13. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 1331-28-1 du même code : " Le représentant de l'Etat dans le département notifie l'arrêté d'insalubrité aux personnes visées au premier alinéa de l'article L. 1331-27. Lorsque les travaux prescrits ne concernent que les parties communes d'un immeuble en copropriété, la notification aux copropriétaires est valablement faite au seul syndicat des copropriétaires qui doit en informer dans les plus brefs délais l'ensemble des copropriétaires... ".
14. Ainsi qu'il a été dit au point 9, les travaux ne concernant que les parties privatives, le traitement des problèmes d'infiltration en provenance des façades devant être assuré à l'intérieur du logement et non à l'extérieur de l'immeuble, c'est sans irrégularité que l'arrêté n'a pas été notifié au syndic de propriété.
15. En dernier lieu, la circonstance que l'état d'insalubrité pourrait avoir été provoqué par les agissements de la locataire ou par des travaux publics réalisés par la commune sur la voie publique est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué qui n'a pour objet que de faire cesser les causes d'insalubrité constatées au sein de l'immeuble. Enfin, si les requérants soutenaient devant le tribunal administratif que les travaux prescrits dans le rapport, et repris dans l'arrêté en litige, étaient plus onéreux que la valeur de l'appartement, cette affirmation n'est justifiée par aucune pièce.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
16. Les époux D...demandent la condamnation de l'Etat à leur verser une somme de 7 000 euros en réparation des préjudices qu'ils ont subis. Mais ils se bornent à invoquer des fautes de la commune de Toulon, ou de Mme B...A..., sans d'ailleurs les établir. Dès lors, leurs conclusions dirigées contre l'Etat ne peuvent qu'être rejetées.
17. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la demande présentée par M. et Mme D... devant le tribunal administratif de Toulon sous le n° 1404188 ne peut qu'être rejetée.
Sur les conclusions dirigées contre le jugement n° 1502724 et 1503498 du 27 octobre 2016 :
18. À défaut pour M. et Mme D... d'assurer l'hébergement temporaire de leur locataire, Mme J... B...A..., celle-ci a été hébergée par la commune de Toulon. Par deux titres exécutoires des 17 juin et 1er septembre 2015, la commune de Toulon leur a ainsi réclamé paiement, au titre des frais d'hébergement de l'intéressée, des sommes de 10 788 euros pour la période du 26 novembre 2014 au 31 mai 2015 et de 3 480 euros pour la période du 1er juin 2015 au 30 juillet 2015. Sous le n° 16MA04150, M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 27 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande d'annulation de ces titres.
19. Leur requête étant exclusivement fondée sur l'exception d'illégalité de l'arrêté du préfet du Var du 6 juin 2014, par les mêmes moyens que ceux invoqués à l'appui de leur requête n° 16MA04095, M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a rejeté leurs demandes présentées sous les n° 1502724 et 1503498, par les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points 6 à 15 du présent arrêt.
Sur les frais de l'instance :
20. Ni l'Etat, ni la commune de Toulon n'ayant la qualité de partie perdante à ces instances, les demandes des époux D...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande formulée par la commune de Toulon à ce titre.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1404188 du 27 octobre 2016 du tribunal administratif de Toulon est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme D... devant le tribunal administratif de Toulon sous le n° 1404188 est rejetée.
Article 3 : La requête n° 16MA04150 de M. et Mme D... est rejetée.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Toulon fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. I... D..., à Mme H... C...épouse D... et au ministre des solidarités et de la santé.
Copie en sera adressée au préfet du Var et à la commune de Toulon.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2018, où siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,
- M. Marcovici, président assesseur,
- M. Pecchioli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2018.
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N° 16MA04095 - 16MA04150