Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2017, par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours mentionnant le pays de destination.
Par un jugement n° 1800266 du 29 mai 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 29 juin 2018, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 29 mai 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté précité ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une carte de séjour temporaire et à titre subsidiaire de procéder à une nouvelle instruction de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice.
Il soutient que :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- elle méconnait l'article 6 alinéa 7 de l'accord franco-algérien alors que son état de santé nécessite une prise en charge dont le défaut entrainerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il ne peut pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; elle est également entachée d'erreur d'appréciation ;
- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit d'observations en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Gougot a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 22 décembre 2017, le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté la demande de titre de séjour que lui avait présentée M. A..., ressortissant algérien, sur le fondement de son état de santé et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. A... interjette appel du jugement du 29 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : [...] 7° au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. ". Il appartient à l'autorité administrative, de vérifier, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des stipulations de l'accord franco-algérien précitées, au vu de l'avis émis par le médecin, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
3. En l'espèce, le préfet ne conteste pas que M. A...réside habituellement en France. Et il ressort de la décision attaquée que l'avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration du 30 octobre 2017 a estimé que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge dont le défaut entrainerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Le requérant soutient toutefois qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il justifie ainsi, qu'après avoir en vain tenté de suivre un traitement à l'hôpital " Archet 2 " nécessitant des injections, prises de médicaments et analyses sanguines hebdomadaires, avoir participé à une étude pharmaceutique en collaboration avec " Novartis pharma " qui aurait permis une évolution positive de son état de santé. Et il se prévaut d'une attestation du médecin du service de dermatologie du centre hospitalier Archet du 18 janvier 2018 selon laquelle l'intéressé est atteint d'un psoriasis sévère avec une atteinte articulaire invalidante nécessitant un suivi régulier et un traitement sous " Stelara " qui n'est pas disponible en Algérie. Cette attestation est corroborée par la production d'une notice mentionnant les différents pays dans lesquels le médicament " Stelara " est disponible, parmi lesquels la France est citée, mais l'Algérie ne figure pas. En outre le requérant produit plusieurs attestations d'officines pharmaceutiques algériennes selon lesquelles le médicament n'est pas disponible en Algérie, y compris sous la forme générique. Enfin il se prévaut également d'une attestation du 5 juin 2018 du chef d'unité d'essais thérapeutiques du centre hospitalier de Nice qui précise qu'il souffre depuis le 4 mars 2014 d'un psoriasis modéré à sévère actuellement très bien contrôlé par Stelara. Dans ces conditions, le requérant doit être regardé comme démontrant que c'est à tort que le préfet des Alpes-Maritimes a estimé qu'il pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'ensemble des moyens, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête.
Sur les conclusions à fin d'injonction:
5. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ". Eu égard aux motifs du présent arrêt, son exécution entraîne nécessairement la délivrance à l'intéressé d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à M. A... ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 29 mai 2018 et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 22 décembre 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et suivant les modalités précisées dans les motifs sus indiqués.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nice.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2018, où siégeaient :
- M. Poujade, président de chambre,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme Gougot, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 novembre 2018.
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N° 18MA03070
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