Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B...C...ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'enjoindre à la commune de Marseille d'exécuter les travaux d'insonorisation de la salle de spectacle " Espace Julien " décidés par le jugement n° 0304788 du tribunal du 12 décembre 2006 et le jugement n° 0304788 du 23 février 2009, de procéder à la liquidation provisoire de l'astreinte prononcée par le jugement n° 1003648 du tribunal du 2 novembre 2010 à la somme de 770 700 euros et de porter le taux de l'astreinte définitive à 1 000 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1604032 du 22 mai 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 juin 2018 et le 30 novembre 2018, M. et MmeC..., représentés par la SELARL Henry A...Avocats Associés, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 mai 2018 ;
2°) d'enjoindre à la commune de Marseille de réaliser les travaux décidés par les jugements du tribunal du 12 décembre 2006 et du 23 novembre 2009 ;
3°) de procéder à la liquidation provisoire de l'astreinte prononcée par le jugement du tribunal du 2 novembre 2010 à la somme de 770 700 euros ;
4°) de porter le taux de l'astreinte définitive à 1 000 euros par jour de retard à compter de la décision ;
5°) à défaut, de porter le taux de l'astreinte provisoire à 500 euros par jour de retard ;
6°) de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les travaux d'insonorisation n'ont pas été effectués ;
- les travaux effectués en 2007 ne correspondent pas à ceux préconisés par le rapport d'expertise ;
- le projet de restructuration de l'Espace Julien prévoyant notamment l'expropriation de leur immeuble n'a jamais été réalisé ;
- la faisabilité technique des travaux proposés par la commune consistant en une désolidarisation de la poutre ancrée dans le mur mitoyen pour limiter la propagation des ondes n'est pas établie ;
- les travaux sont possibles dès lors que les lieux n'ont pas été modifiés ;
- le coût des travaux ne représente pas une charge excessive pour la commune ;
- il ne peut pas leur être reproché de ne pas vouloir vendre leur immeuble ;
- le juge de l'exécution n'a pas le pouvoir de remettre en cause les mesures décidées par le dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution est demandée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2018, la commune de Marseille, représentée par la SCP CabinetD..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme C...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le coût des travaux préconisés par l'expert est trop élevé par rapport au budget communal ;
- ces travaux ne sont pas faisables ;
- ils sont au demeurant obsolètes au regard des travaux effectués et de ceux à venir ;
- elle tente en vain de trouver une solution depuis 2008 ;
- il y a lieu de minorer l'astreinte.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas,
- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant M. et MmeC..., et de Me D..., représentant la commune de Marseille.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 911-4 du même code : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. / (...) Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. / Le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut renvoyer la demande d'exécution au Conseil d'Etat ". Enfin, l'article R. 921-7 du même code dispose : " A compter de la date d'effet de l'astreinte prononcée, même à l'encontre d'une personne privée, par le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, le président de la juridiction ou le magistrat qu'il désigne, après avoir accompli le cas échéant de nouvelles diligences, fait part à la formation de jugement concernée de l'état d'avancement de l'exécution de la décision. La formation de jugement statue sur la liquidation de l'astreinte. / Lorsqu'il est procédé à la liquidation de l'astreinte, copie du jugement ou de l'arrêt prononçant l'astreinte et de la décision qui la liquide est adressée au ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière. ".
2. Lorsqu'il a prononcé une astreinte dont il a fixé le point de départ, le juge administratif doit se prononcer sur la liquidation de l'astreinte, en cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive. Il peut, le cas échéant, modérer l'astreinte provisoire ou la supprimer, même en cas d'inexécution de la décision juridictionnelle. Il peut, le cas échéant, la supprimer pour le passé et l'avenir, notamment lorsque la personne qui a obtenu le bénéfice de l'astreinte n'a pas pris de mesure en vue de faire exécuter la décision d'injonction et ne manifeste pas l'intention de la faire exécuter.
3. Par un jugement du 11 juin 2002, le tribunal administratif de Marseille a condamné la ville de Marseille à verser à M. et Mme C...la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice causé par les nuisances sonores résultant de l'exploitation de la salle de spectacles dénommée " Espace Julien " située cours Julien. Par un jugement du 12 décembre 2006, devenu définitif en l'absence d'appel, le tribunal leur a alloué, au même titre, la somme de 10 000 euros, a annulé le refus implicite de la ville de Marseille de réaliser des travaux d'insonorisation de la salle de spectacles et enjoint à la commune de réaliser les travaux préconisés par le rapport d'expertise déposé le 6 mai 1998, avant le 30 septembre 2007, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par jugement du 23 février 2009, le tribunal a, d'une part, liquidé l'astreinte à la somme de 39 500 euros et, d'autre part, enjoint à la ville de Marseille de réaliser les travaux utiles pour mettre la salle aux normes acoustiques, et notamment ceux recommandés par le rapport d'expertise déposé le 17 septembre 2008, avant le 30 novembre 2009, sous astreinte, passé ce délai, de 500 euros par jour de retard. Par jugement du 2 novembre 2010, le tribunal a liquidé l'astreinte prononcée par le jugement du 23 février 2009 à la somme de 50 550 euros et a enjoint à la commune d'exécuter les jugements du 12 décembre 2006 et du 23 février 2009 pour le 28 février 2011, sous astreinte de 300 euros par jour de retard. M. et Mme C...relèvent appel du jugement du 22 mai 2018 rejetant leur demande d'injonction d'exécuter les travaux et de liquidation de l'astreinte prononcée le 2 novembre 2010 et tendant à ce que le taux de l'astreinte définitive soit porté à la somme de 1 000 euros par jour de retard à compter de la décision.
4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise complémentaire ordonnée par le jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 juillet 2008, que les travaux réalisés par la commune de Marseille au mois de juin 2007 consistant dans le doublage de la partie mitoyenne du mur séparatif entre l'immeuble appartenant aux époux C...et l'Espace Julien au niveau de la scène de la salle de concert n'ont pas rendu la salle conforme aux normes acoustiques en vigueur. Il n'est pas contesté que la totalité des travaux préconisés par le premier rapport d'expertise n'a pas été exécutée. Il n'est pas davantage démontré par la commune que l'exécution de travaux d'insonorisation conformément aux normes en vigueur serait techniquement impossible. Par ailleurs, il n'est pas établi par les pièces versées au dossier d'appel, identiques à celles déjà produites en première instance, et notamment les documents relatifs au dossier d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique du projet de création du département de danse du conservatoire national de région et de réaménagement de l'Espace Julien et du centre Julien, que ce projet ait été réalisé et que les travaux engagés par la commune aient mis fin aux nuisances sonores dont se plaignent les requérants. Ainsi, à la date du présent arrêt, la commune de Marseille, qui ne peut utilement se prévaloir de ce que M. et Mme C... auraient refusé de lui céder l'immeuble leur appartenant, ne justifie pas avoir exécuté l'injonction fixée à l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 novembre 2010, par la réalisation des travaux d'insonorisation indiqués dans les jugements des 12 décembre 2006 et 23 février 2009.
5. Il n'appartient pas au juge de l'exécution, contrairement à ce qui est soutenu par les consortsC..., d'édicter de nouvelles mesures en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative mais seulement de procéder à la liquidation de l'astreinte prononcée par le jugement du 2 novembre 2010 pour la période du 1er mars 2011 à la date du présent arrêt, soit le 20 décembre 2018 inclus. Les conclusions présentées par la commune tendant à ce que soit ordonnée une expertise doivent également être rejetées.
6. Pour 2 852 jours, le montant de l'astreinte qui a couru s'élève à 855 600 euros. Dans les circonstances de l'affaire et eu égard notamment à l'importance de cette somme au regard du coût prévisible des travaux d'insonorisation et aux travaux déjà effectués, il y a lieu de modérer l'astreinte en limitant son montant à la somme de 150 000 euros.
7. Il y a lieu d'affecter, en l'espèce, 90 % du montant total de l'astreinte liquidée par le présent arrêt, soit la somme de 135 000 euros, au budget de l'État en application des dispositions de l'article L. 911-8 du code de justice administrative. M. et Mme C...se trouvent ainsi fondés à obtenir la somme de 15 000 euros au titre de la liquidation de cette même astreinte.
8. Il n'y a pas lieu de fixer le taux d'une astreinte définitive ni de porter le taux de l'astreinte provisoire à 500 euros par jour de retard.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C...sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande de liquidation de l'astreinte prononcée par le jugement du 2 novembre 2010.
Sur les frais liés au litige :
10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M et Mme C... et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. et Mme C... au titre des frais exposés par la commune de Marseille.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 22 mai 2018 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : La commune de Marseille est condamnée à verser la somme de 135 000 euros à l'Etat et la somme de 15 000 euros aux épouxC....
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : La commune de Marseille versera à M. et Mme C...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Marseille en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...C...et à la commune de Marseille.
Copie en sera adressée au ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière en application des dispositions de l'article R. 921-7 du code de justice administrative et à la direction générale des finances publiques de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2018 où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président de chambre,
- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,
- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère.
Lu en audience publique, le 20 décembre 2018.
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N° 18MA02928