Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Nîmes, d'une part, d'annuler l'arrêté par lequel le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt a mis fin à ses fonctions de professeur de lycée professionnel agricole stagiaire à compter du 1er novembre 2015, ainsi que la lettre du 10 décembre 2015 lui notifiant cet arrêté et, d'autre part, d'enjoindre à cette autorité de prononcer sa titularisation à compter du 1er septembre 2015 avec toutes conséquences en termes de reconstitution de carrière, ou de procéder au réexamen de sa situation, éventuellement après consultation du jury saisi de son dossier exempt des rapports comportant des considérations liées à son handicap avec toutes conséquences de droit et de fait, sous une astreinte par jour de retard que le tribunal voudra bien fixer.
Par un jugement n° 1600442 du 11 avril 2018, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt en tant qu'il fixe rétroactivement sa date d'effet au 1er novembre 2015 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 juin 2018 et un mémoire, enregistré le 27 août 2018, MmeC..., représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 11 avril 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté par lequel le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt a mis fin à ses fonctions de professeur de lycée professionnel agricole stagiaire à compter du 1er novembre 2015 ;
3°) d'enjoindre à l'Etat de prononcer sa titularisation à compter du 1er septembre 2015 avec toutes conséquences en termes de reconstitution de carrière, et subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation, éventuellement après consultation du jury saisi de son dossier exempt des rapports comportant des considérations liées à son handicap avec toutes conséquences de droit et de fait, sous une astreinte par jour de retard que la Cour voudra bien fixer ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il appartenait aux premiers juges de tirer les conséquences de l'annulation partielle de l'arrêté en cause en condamnant l'Etat à lui verser son traitement du 1er novembre 2015 au 12 décembre 2015 ;
- la mesure contestée constitue un licenciement en cours de stage dès lors que l'arrêté du 14 octobre 2015 avait pour effet de prolonger son stage ;
- une telle mesure a été prise en considération de la personne, notamment de son handicap, justifiant l'accès préalable à son dossier et le respect des droits de la défense ;
- cette mesure n'est pas motivée ;
- le dossier individuel soumis aux deux jurys ne comportait pas l'avis global du directeur de l'ENFA, prévu par l'article 6.2 de la note de service du 2 juillet 2014 ;
- le jury intervenu le 13 mai 2015, devait écarter l'avis défavorable du chef d'établissement du 25 mars 2015 illégal en ce que cet avis était antérieur au rapport du médecin du travail du 2 avril 2015 et a été rendu en considération de son handicap, son état de santé constituant ainsi une discrimination en violation des articles 6 et 6 sexies du statut général ;
- l'appréciation de son aptitude physique à l'emploi ne relevait pas de la compétence du chef d'établissement, ni du jury ;
- cet avis était le seul avis défavorable soumis au jury du 13 mai 2015 et a été déterminant ;
- le second jury devait écarter l'avis de l'inspecteur qui porte des appréciations tirées de son état de santé et de son handicap ;
- la décision de ne pas la titulariser a été prise le 9 juillet 2015, la consultation de la commission paritaire administrative ayant donc été formelle avant l'édiction du nouvel arrêté, n'a pu avoir pour effet de régulariser la procédure prévue à l'article 25 du décret du 28 mai 1982 et les premiers juges ont commis une erreur de droit en estimant que l'article 7 de l'arrêté du 16 juin 1995 impose la seule information de la commission dès lors que l'article 7 méconnaît l'article 25 du décret du 28 mai 1982 ;
- compte tenu de son handicap, elle pouvait prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 27 de la loi du 11 janvier 1984 et des articles 6 et 8 du décret du 25 août 1995 ;
- au cours du déroulement du stage, il appartenait à l'administration de prendre des mesures appropriées afin de compenser son handicap et d'aménager le poste, conformément à l'article 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983 et, ainsi, l'absence d'aménagement du poste et de mesure de compensation sont discriminatoires ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle a exercé comme agent contractuel pendant près de 11 ans, qu'aucun problème de sécurité n'a été posé lors de ses fonctions et qu'a été reconnue sa capacité professionnelle ;
- les appréciations défavorables portées sur sa manière de servir tiennent uniquement à son état de santé en violation des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la directive 2000-78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 et des dispositions des articles 6 et 6 sexies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le défaut d'implication dans la vie de l'établissement et de travail en équipe, qui n'est pas de nature à justifier un refus de titularisation, découle de ses absences et est contredit par sa participation à la commission Hygiène et Sécurité et des attestations produites aux débats.
La requête a été communiquée au ministre de l'agriculture et de l'alimentation qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2000-78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits, notamment son article 33 ;
- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;
- le décret n° 90-90 du 24 janvier 1990 ;
- le décret n° 95-979 du 25 août 1995 ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le décret n° 2012-631 du 3 mai 2012 ;
- le décret n° 2015-36 du 19 janvier 2015 ;
- l'arrêté du 16 juin 1995 relatif aux conditions d'évaluation du stage en vue de l'admission au certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré agricole, de l'enseignement technique agricole, ou de lycée professionnel agricole ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lopa Dufrénot,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de MmeC....
Considérant ce qui suit :
1. Ayant été enseignante contractuelle, Mme C...a été nommée, par arrêté du 6 août 2014, professeur de lycée professionnel agricole stagiaire, à la suite de son succès aux épreuves du concours organisé dans le cadre de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique. Par arrêté du 6 août 2014, elle a été nommée professeur de lycée professionnel agricole stagiaire à compter du 1er septembre 2014 et affectée au lycée d'enseignement général et technologique agricole de la Lozère sur le site de Saint Chély d'Apcher. A la suite de la délibération du 11 juin 2015 du jury ne proposant ni sa titularisation, ni la prorogation du stage, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, par arrêté notifié le 12 décembre 2015, a mis fin aux fonctions de MmeC.... Par le jugement dont celle-ci relève appel, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cet arrêté du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt en tant qu'il fixe rétroactivement sa date d'effet au 1er novembre 2015 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, les employeurs visés à l'article 2 prennent, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l'article L. 323-3 du code du travail d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer et d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée, sous réserve que les charges consécutives à la mise en oeuvre de ces mesures ne soient pas disproportionnées, notamment compte tenu des aides qui peuvent compenser en tout ou partie des dépenses supportées à ce titre par l'employeur ".
3. Ces dispositions imposent à l'autorité administrative de prendre les mesures appropriées au cas par cas pour permettre l'accès de chaque personne handicapée à l'emploi auquel elle postule sous réserve, d'une part, que ce handicap n'ait pas été déclaré incompatible avec l'emploi en cause et, d'autre part, que ces mesures ne constituent pas une charge disproportionnée pour le service.
4. Il constant que MmeC..., atteinte de lésions du membre inférieur gauche et d'une hernie discale générant des difficultés pour emprunter des escaliers, courir ou garder une position assise prolongée, l'obligeant au port d'une genouillère rotulienne, a été reconnue travailleur handicapé par décision de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) de la Haute-Garonne du 13 janvier 2014. Il ressort de l'ensemble des pièces du dossier que, dès le 13 mars 2014, la requérante a informé les services du ministère de l'agriculture de sa situation, en leur adressant les justificatifs, notamment la décision de la MDPH du 13 janvier 2014. De même, dès connu le lycée d'affectation de son stage, Mme C... a, courant juillet 2014, fourni cette information auprès de l'établissement, précisant les contraintes liées au suivi de sa rééducation spécialisée ne pouvant avoir lieu dans le département de la Lozère. Le site du lycée, situé sur un terrain pentu est caractérisé par l'éloignement des salles d'enseignement, de la salle des professeurs, du centre équestre et de la carrière d'obstacles, les uns des autres et la présence de nombreux escaliers d'accès aux salles. Or, malgré ses demandes auprès de cet établissement, ce n'est qu'à la suite de la saisine de l'assistante sociale du ministère de l'agriculture, que la requérante a fait l'objet d'une visite médicale auprès du médecin de prévention, le 5 mars 2015. Ensuite, il est constant que la visite de son poste n'a eu lieu que le 2 avril 2015. Aux termes de son rapport, le médecin de prévention a conclu à la compatibilité de son état de santé avec l'emploi sous réserve de la mise en oeuvre d'aménagements destinés à compenser strictement le handicap de l'intéressée, tels que l'obtention d'une place de parking fonctionnelle, le regroupement des activités d'enseignement sur un site unique hormis les cours pratiques à la carrière d'obstacles, la mise à disposition d'un véhicule de fonction pour se rendre à la carrière d'obstacles située à deux kilomètres, d'un vestiaire et l'installation d'une rampe aux escaliers. Si Mme C...a bénéficié, à sa demande, dès la rentrée scolaire, du regroupement de ses cours d'enseignement sur trois journées, toutefois, d'une part, l'organisation tant d'une visite médicale que d'une visite de poste n'a eu lieu que tardivement au cours de l'année scolaire malgré les courriers adressés dès mars et juillet 2014 par MmeC.... D'autre part, contrairement aux allégations du ministre de l'agriculture en première instance, l'autorisation de stationner son véhicule personnel près des salles de cours ne lui a pas été accordée, ni davantage la mise à sa disposition d'une salle de cours unique pour dispenser les enseignements théoriques alors qu'elle devait emprunter les nombreux escaliers pour accéder aux salles situées dans la partie la plus haute des bâtiments, ni d'un vestiaire. De plus, à supposer que l'accompagnement en véhicule des élèves depuis les salles de cours vers la carrière d'obstacles, après la traversée d'une voie publique, constituait un risque pour la sécurité publique, aucun aménagement ou mesure pour y pallier n'a été étudié, ni adopté. Enfin, il n'est pas contesté, ni même allégué par le ministre, que les aménagements du poste, recommandés par le médecin de prévention, auraient constitué une charge disproportionnée pour l'établissement d'enseignement. Dans ces conditions, en l'absence de visite médicale et visite du poste où s'est accompli le stage de l'intéressée, au début de l'année scolaire et de la mise en oeuvre d'aménagements réels et appropriés permettant de compenser strictement le handicap de Mme C..., les conditions de déroulement de ce stage, aggravées par les contraintes liées à la topographie du site de l'établissement, ont préjudicié à la requérante dont l'état de santé en a pâti. De telles conditions ne peuvent pas être regardées comme étant étrangères aux appréciations portées par le jury lors de ses délibérations des 13 mai 2015 et 11 juin 2015 sur son aptitude professionnelle. Par suite, en mettant fin aux fonctions de Mme C...et en refusant sa titularisation, le ministre de l'agriculture a méconnu les dispositions de l'article 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a seulement annulé l'arrêté du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt en tant qu'il a fixé rétroactivement sa date d'effet au 1er novembre 2015 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme C.... Il y a lieu d'annuler cet arrêté du ministre et de reformer ce jugement, dans cette mesure, en ce qu'il est contraire au présent arrêt.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ". En outre, aux termes de l'article L. 911-3 du même code : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".
7. En premier lieu, comme il a été dit au point 1, le tribunal administratif a annulé l'arrêté du ministre de l'agriculture, notifié à Mme C...le 12 décembre 2015, en tant qu'il a fixé rétroactivement sa date d'effet au 1er novembre 2015. Eu égard à son motif, l'annulation de cette décision impliquait nécessairement le versement à l'intéressée de son traitement du 1er novembre 2015 au 12 décembre 2015. Par suite, Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté les conclusions de sa demande présentées à cette fin. En conséquence, il y a lieu de l'annuler, dans cette mesure, et d'enjoindre à l'Etat de verser à Mme C...le traitement auquel elle avait droit en qualité de professeur de lycée professionnel agricole stagiaire du 1er novembre 2015 au 12 décembre 2015.
8. En second lieu, le présent arrêt, qui procède à l'annulation de la décision de refus de titularisation à l'issue du stage, n'implique toutefois pas la titularisation de l'intéressée. Par suite, les conclusions de Mme C...tendant à ce qu'il soit ordonné à l'Etat de la titulariser ne peuvent qu'être rejetées. En revanche, eu égard au motif qui fonde l'annulation de l'arrêté du ministre de l'agriculture, le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint à l'Etat de procéder au réexamen de la situation de la requérante, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme C...et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : L'arrêté du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt mettant fin aux fonctions de Mme C...et refusant sa titularisation est annulé.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'agriculture et de l'alimentation de procéder au versement à Mme C...de son traitement en qualité de professeur de lycée professionnel agricole stagiaire du 1er novembre 2015 au 12 décembre 2015.
Article 3 : le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 11 avril 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Il est enjoint au ministre de l'agriculture et de l'alimentation de procéder au réexamen de la situation de Mme C...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 5 : L'Etat versera à Mme C...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C...est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Copie en sera adressée, pour information, au Défenseur des droits.
Délibéré après l'audience du 11 décembre 2018, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- MmeD..., première conseillère,
- Mme Lopa Dufrénot, première conseillère.
Lu en audience publique, le 21 décembre 2018.
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N° 18MA02711