Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C...a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 55 325,60 euros, assortie des intérêts à compter de sa demande préalable, en réparation des conséquences dommageables de la carence du préfet de la Lozère dans l'exercice de ses pouvoirs de police des installations classées pour la protection de l'environnement.
Par une ordonnance n° 1403528 du 29 août 2016 prise sur le fondement des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 3 novembre 2016, 12 et 21 juin 2018, 24 juillet 2018, M. C..., représenté par Me G..., demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 29 août 2016 du président du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) à titre principal de condamner l'Etat à lui verser la somme de 55 325,60 euros, assortie des intérêts à compter de sa demande préalable formée le 5 août 2014 ;
3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Lozère de faire usage de l'ensemble de ses pouvoirs de police afin de s'assurer de la bonne remise en état de sa parcelle cadastrée ZN n° 16 ;
4°) à titre également subsidiaire, d'ordonner une expertise aux fins de déterminer le montant de son entier préjudice ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 7 013 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa demande devant le tribunal administratif de Nîmes était assortie de précisions suffisantes de sorte qu'elle ne pouvait faire l'objet d'un rejet sur le fondement des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ;
- sa parcelle cadastrée section ZN n° 16 n'a pas été remise en état conformément à l'article 7-3 de l'arrêté préfectoral du 12 avril 2002 autorisant la SA Marquet à exploiter une carrière au lieudit " Le Couffinet " dès lors qu'aucune végétalisation n'a été réalisée afin de lui restituer sa fonction première d'exploitation pastorale ou agricole ;
- en s'abstenant de prendre les mesures permettant d'assurer la remise en état de sa parcelle, le préfet de Lozère a commis, dans l'exercice de ses pouvoirs de police, une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
- le préjudice financier correspondant à 1 500 m3 de terre végétale s'élève à 44 460 euros, la perte d'exploitation s'élève à 5 865,60 euros et le préjudice moral à 5 000 euros ;
- le mémoire en défense présenté par le ministre de la transition écologique et solidaire est irrecevable faute de justification de la délégation consentie à son signataire.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 mai, 14 juin et 17 juillet 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- et les conclusions de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 18 juin 2007, le préfet de Lozère a constaté que l'autorisation d'exploiter la carrière au lieu-dit " Le Couffinet " sur la commune de Sainte-Colombe-de-Peyre, délivrée par arrêté préfectoral du 12 avril 2002 à la société Marquet a cessé de produire ses effets. Par procès-verbal de récolement du 2 mai 2012, l'inspecteur des installations classées a constaté que les travaux nécessaires à assurer la protection des intérêts mentionnées à l'article L. 511-1 du code de l'environnement à la suite de l'arrêt définitif de la carrière, ont été réalisés conformément à l'arrêté préfectoral du 12 avril 2002. Le 28 mars 2013, M. C..., propriétaire de la parcelle cadastrée section ZN n° 16 sur laquelle était implantée une partie des installations autorisées de la carrière, a demandé au préfet de Lozère la remise en état de sa parcelle au motif qu'aucune végétalisation n'aurait été réalisée. Le 4 août 2014, M. C... a saisi le préfet de la Lozère d'une demande préalable d'indemnisation laquelle a été rejetée le 13 septembre 2014. M. C... relève appel de l'ordonnance du 29 août 2016 par laquelle le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 55 325,60 euros en réparation des préjudices qu'il aurait subi du fait de la carence du préfet de la Lozère dans l'exercice de ses pouvoirs de police des installations classées.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.(...).".
3. Il ressort des pièces du dossier que devant le tribunal administratif de Nîmes, M. C... soutenait que contrairement aux prescriptions de l'article 7-2 de l'arrêté préfectoral du 12 avril 2002 autorisant la société Marquet à exploiter la carrière sur le site " Le Couffinet ", aucune terre végétale n'avait été déposée, qu'il n'avait pas été convié à la visite des lieux s'étant tenue le 8 novembre 2012 préalablement au procès-verbal de récolement du 12 novembre 2012 et que la société Marquet avait reconnu par un écrit du 25 octobre 1999 avoir " emprunté " sur sa parcelle cadastrée section ZN n° 16 destinée à l'exploitation de la carrière, 1 500 m3 de terre végétale. Le requérant n'a assorti sa demande d'aucun élément justificatif susceptible de venir au soutien de son allégation relative à l'absence de revégétalisation de sa parcelle. M. C... n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que c'est à tort que le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête sur le fondement des dispositions précitées.
4. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée pour irrégularité.
Sur la recevabilité des écritures du ministre de la transition écologique et solidaire devant la Cour :
5. Le décret susvisé du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement dispose en son article 1er que : " À compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / 1° Les secrétaires généraux des ministères, les directeurs d'administration centrale, les chefs des services à compétence nationale mentionnés au premier alinéa de l'article 2 du décret du 9 mai 1997 susvisé et les chefs des services que le décret d'organisation du ministère rattache directement au ministre ou au secrétaire d'État (...) ". Aux termes de l'article 3 de ce décret : " Les personnes mentionnées aux 1° et 3° de l'article 1er peuvent donner délégation pour signer taus actes relatifs aux affaires pour lesquelles elles ont elles-mêmes reçu délégation : / 1 ° Aux magistrats, aux fonctionnaires de catégorie A et aux agents contractuels chargés de fonctions d'un niveau équivalent, qui n'en disposent pas au titre de l'article 1er (...). ".
6. Par décision du 14 mai 2018, publiée au journal officiel le 17 mai 2018, le directeur des affaires juridiques du ministère de la transition écologique et solidaire a donné délégation de signature notamment à Mme E...A..., administratrice civile hors classe, à l'effet de signer, au nom du ministre, tous actes, arrêtés et décisions pour les affaires relatives aux risques pour l'environnement y compris en matière contentieuse. Mme A... était dès lors compétente pour signer les mémoires en défense présentés au nom de l'Etat dans la présente instance. Ainsi, la fin de non-recevoir opposée par M. C... ne peut être accueillie.
Sur la responsabilité pour faute de l'Etat :
7. D'une part, aux termes de l'article R. 512-39-1 du code de l'environnement : " Lorsqu'une installation classée est mise à l'arrêt définitif, (...) /III.- (...) l'exploitant doit placer le site de l'installation dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et qu'il permette un usage futur du site déterminé selon les dispositions des articles R. 512-39-2 et R. 512-39-3. ". L'article L. 511-1 du même code dispose : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. Les dispositions du présent titre sont également applicables aux exploitations de carrières au sens des articles L. 100-2 et L. 311-1 du code minier. ". Aux termes de l'article R. 512-39-3 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- Lorsqu'une installation classée soumise à autorisation est mise à l'arrêt définitif, (....), l'exploitant transmet au préfet dans un délai fixé par ce dernier un mémoire précisant les mesures prises ou prévues pour assurer la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 compte tenu du ou des types d'usage prévus pour le site de l'installation. (...). II.- Au vu notamment du mémoire de réhabilitation, le préfet détermine, s'il y a lieu, par arrêté pris dans les formes prévues à l'article R. 512-31, les travaux et les mesures de surveillance nécessaires. Ces prescriptions sont fixées compte tenu de l'usage retenu en tenant compte de l'efficacité des techniques de réhabilitation dans des conditions économiquement acceptables ainsi que du bilan des coûts et des avantages de la réhabilitation au regard des usages considérés. III.- Lorsque les travaux prévus dans le mémoire ou prescrits par le préfet sont réalisés, l'exploitant en informe le préfet. L'inspecteur des installations classées constate par procès-verbal la réalisation des travaux. Il transmet le procès-verbal au préfet qui en adresse un exemplaire à l'exploitant ainsi qu'au maire ou au président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme et au propriétaire du terrain. ". Enfin, aux termes de l'article R. 512-39-4 de ce code : " I. - A tout moment, même après la remise en état du site, le préfet peut imposer à l'exploitant, par arrêté pris dans les formes prévues à l'article R. 181-45, les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. ".
8. D'autre part, l'articler 7-3 de l'arrêté préfectoral du 12 avril 2002 dispose : " L'exploitant est tenu de remettre en état le site affecté par son activité compte tenu des caractéristiques essentielles du milieu environnant. Conformément aux indications de l'étude d'impact, le site est restitué en fin d'exploitation dans un état permettant sa réutilisation ultérieure à des fins de terrains d'herbages. (...) ".
9. Il résulte de l'instruction, qu'à la suite de plusieurs visites d'inspection, les services de la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement ainsi que la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) d'Occitanie ont demandé à la société Marquet de réaménager le site " Le Couffinet ", conformément aux prescriptions de remise en état fixées par l'arrêté d'autorisation du 12 avril 2002. Ainsi, la société Marquet a procédé à un apport de terre végétale de 500 m3 provenant du site de Saint-Flour lui appartenant et 2 000 m3 provenant de la parcelle n° 13 attenante et propriété de cette même société. Ces dépôts ont été distribués sur les quatre hectares de la parcelle n° 16 de M. C... impactés par l'exploitation de la carrière. La copie des bons de livraison de la terre végétale à destination du site " Le Couffinet " établis le 9 février 2009, joints au courrier de la société Marquet du 17 décembre 2014 adressé à la DREAL attestent de la réalisation de ces opérations. Par ailleurs, suite à ces dépôts de terre végétale, par courrier du 31 août 2009, l'inspecteur des installations classées a demandé à la société Marquet de procéder à la réalisation des travaux et aménagements définis lors de l'entrevue du 26 mars 2009 avec l'entreprise exploitante, ce dont il a informé M. C... par courrier du 1er décembre 2009. Il ressort des factures du 13 novembre 2009 et 31 octobre 2011, que la société Marquet a également procédé à ces travaux de végétalisation par ensemencement hydraulique sur les talus et modelés pour une surface de 38 000 m², correspondant à la surface exploitée par la carrière et, dans un second temps, a également fait procéder à des travaux d'engazonnement hydraulique en deux passages sur une surface de 15 000 m². Si le requérant verse en appel une expertise foncière d'un ingénieur agronome en date du 21 octobre 2016 selon laquelle, sur une surface de 2,2 hectares de la parcelle de M. C..., la terre végétale serait pratiquement absente, la végétation étant limitée à des genêts et de la mousse avec des roches affleurantes, des cailloux en surface et des falaises abruptes, ce qui empêcherait tout pâturage ou utilisation agricole et la faible épaisseur de la couche humifère en nombre d'endroits serait insuffisante pour accueillir avec succès un semis de plantes herbagères, ces constatations ne sont pas corroborées par les photographies jointes à ce document. Celui-ci, en tout état de cause, ne démontre pas qu'avant l'exploitation de la carrière, la morphologie du site n'était pas identique dès lors que, dans ce secteur, le milieu environnemental est caractérisé par des pâturages peu fournis et des espaces où le substratum granitique est affleurant. Enfin, les photographies aériennes versées au dossier permettent de constater globalement une remise en état de la parcelle concernée sur laquelle la végétation est assez similaire à celle des parcelles attenantes. Il résulte ainsi des circonstances de l'espèce que l'Etat a bien imposé à l'exploitant les prescriptions nécessaires en vue de la remise en état conformément à l'arrêté d'exploitation de la carrière tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et qu'il permette un usage futur du site en terrains d'herbages. Il suit de là, qu'en l'absence de toute carence fautive du préfet de la Lozère dans la mise en oeuvre de ses pouvoirs de police des installations classées, M. C... n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de l'Etat à ce titre.
Sur les conclusions indemnitaires :
10. M. C... demande la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 55 325,60 euros en réparation des préjudices nés, selon lui, de la carence fautive du préfet de la Lozère dans la mise en oeuvre de ses pouvoirs de police des installations classées. Dès lors que le préfet de la Lozère n'a commis aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, les conclusions indemnitaires du requérant ne peuvent qu'être rejetées.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Par suite, la requête doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées aux fins d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C...et au ministre de la transition écologique et solidaire.
Copie en sera adressée au préfet de la Lozère.
Délibéré après l'audience du 11 janvier 2019, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme F..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 25 janvier 2019.
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N° 16MA04090
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