Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 17 février 2018 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois mois.
Par un jugement n° 1800745 du 21 février 2018, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 mars 2018, sous le n° 18MA01267, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier du 21 février 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 17 février 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il bénéficie de garanties de représentation suffisantes pour lui permettre de bénéficier d'un délai de départ volontaire ;
- l'arrêté en litige viole les dispositions de l'article 15 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- il méconnaît les dispositions des articles L. 551-1 et L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est contraire aux dispositions de L. 511-1-III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 19 février 1992, de nationalité ivoirienne, relève appel du jugement du 21 février 2018 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 février 2018 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois mois.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., célibataire et sans charge de famille, est entré en France le 4 septembre 2010 à l'âge de 18 ans, sous couvert d'un visa étudiant. Il a bénéficié de plusieurs cartes de séjour " étudiant " renouvelées jusqu'au 8 novembre 2012 pour poursuivre des études à l'université de Panthéon-Assas qu'il a finalement arrêtées sans obtenir de diplôme. S'il s'est inscrit, au mois de septembre 2016, en première année de licence d'économie de l'université de Montpellier, le relevé de note du 26 janvier 2018 versé au débat montre qu'il a été ajourné avec une moyenne de 7,83/20 et qu'il est toujours en première année. La relation avec une ressortissante française d'une durée de cinq mois dont il se prévaut est très récente. En outre, M. A... n'établit pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine où résident ses parents ainsi qu'une partie de sa fratrie et où il a vécu jusqu'à l'âge de 18 ans. Dans ces conditions et alors même que deux de ses frères et sa soeur dont deux résident en France attesteraient le prendre en charge financièrement, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, l'arrêté en litige n'a pas porté une atteinte au droit au respect de sa vie privée et familiale disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, cet arrêté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
4. Considérant que le 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permet au préfet de ne pas accorder de délai de départ à l'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français lorsqu'il existe un risque qu'il se soustraie à cette obligation, et que ce risque est établi, " sauf circonstance particulière ", " (...) c) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français depuis novembre 2012, sans avoir demandé le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " étudiant ". Ainsi et alors même que M. A... justifierait d'un domicile stable par la production d'un bail de location à son nom du 31 mars 2017, le risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement pouvait être présumé en application des dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si M. A... invoque des circonstances particulières tenant à la durée de son séjour en France, à la poursuite de ses études et à sa relation avec une ressortissante française, ces circonstances n'étaient pas de nature à faire écarter la présomption de risque de fuite. Par suite, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Le 1. de l'article 15 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 dispose que : " À moins que d'autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l'éloignement en particulier lorsque : a) il existe un risque de fuite, ou b) le ressortissant concerné d'un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d'éloignement. - Toute rétention est aussi brève que possible et n'est maintenue qu'aussi longtemps que le dispositif d'éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise ". Aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; / 7° Doit être reconduit d'office à la frontière en exécution d'une interdiction de retour ou d'une interdiction administrative du territoire ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. ".
7. M. A... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions des articles 15 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008, L. 551-1 et L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre de l'arrêté contesté qui ne prévoit pas de mesure de placement en rétention administrative ou d'assignation à résidence.
8. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) ".
9. Il résulte de ces nouvelles dispositions, en vigueur depuis le 1er novembre 2016, que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, ou lorsque l'étranger n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.
10. Si M. A... soutient qu'il réside en France depuis huit ans, qu'il n'a jamais fait l'objet d'une mesure d'éloignement, que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il souhaite poursuivre ses études, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que le préfet de l'Hérault a pu légalement fixer à trois mois la durée de l'interdiction de retour en France.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 17 février 2018.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. A... la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 22 février 2019, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 8 mars 2019.
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N° 18MA01267
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