Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'EARL " Domaine de Macarena " a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté en date du 31 janvier 2012 par lequel le maire de la commune de Coursegoules a, au nom de l'État, rapporté son arrêté de refus de permis de construire du 24 octobre 2011 et a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de la réalisation d'une carrière à chevaux, d'un hangar et d'une habitation, sur un terrain situé à Coursegoules.
Par un jugement n° 1201074 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de Nice a fait droit à sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 1er février 2017, la commune de Coursegoules demande à la Cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice.
Elle soutient que le refus de permis de construire en litige est susceptible d'être fondé sur un nouveau motif tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en raison de l'exposition du terrain d'assiette à un risque important et avéré de chutes de pierres et elle sollicite la substitution de ce motif à ceux initialement retenus et censurés par les premiers juges.
Par un mémoire, enregistré le 9 novembre 2018, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, demande à la Cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice.
Elle soutient que :
- elle entend s'approprier les conclusions de la commune de Coursegoules ;
- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont omis de mettre en cause l'État dans cette procédure dirigée contre un acte pris au nom de l'État et n'ont pas communiqué au préfet des Alpes-Maritimes les écritures de la requérante ;
- le refus de permis de construire en litige est susceptible d'être fondé sur un nouveau motif tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en raison de l'exposition du terrain d'assiette à un risque important et avéré de chutes de pierres et sollicite la substitution de ce motif à ceux initialement retenus et censurés par les premiers juges.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 mars 2017 et le 3 janvier 2019, l'EARL " Domaine de Macarena ", représentée par la SELARL d'avocats Asso-C... demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête d'appel ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Coursegoules le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les écritures du ministre ne sont pas recevables dès lors que le respect des prescriptions de l'article R. 811-10 du code de justice administrative n'est pas établi ;
- les risques allégués pour la sécurité et la salubrité publiques ne sont pas établis.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Portail en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Silvy, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public,
- et les observations de Me C... de la SELARL Asso-C... avocats, représentant l'EARL " Domaine de Macarena ".
Considérant ce qui suit :
1. L'EARL " Domaine de Macarena " a déposé le 30 juillet 2011 une demande de permis de construire portant sur la réalisation d'un manège équestre de 177 m², d'un hangar de 43 m² et d'un bâtiment d'habitation de 110 m² comportant quatre pièces nécessaire à l'activité agricole ainsi que de deux places de stationnement automobile sur une parcelle cadastrée Section C n° 102, au lieu-dit l'Ourméou sur le territoire de la commune de Coursegoules. Le maire de la commune, agissant pour le compte de l'État, a refusé, par un arrêté du 24 octobre 2011, de délivrer le permis de construire sollicité, avant de rapporter cet arrêté par un nouvel arrêté de refus du 31 janvier 2012. La ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales a repris à son compte les écritures d'appel de la commune et relève appel du jugement du 1er décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Nice a fait droit à la demande de L'EARL " Domaine de Macarena " et a prononcé l'annulation de ce second arrêté.
Sur l'appel de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales :
2. En premier lieu, lorsque le maire délivre un permis de construire dans une commune dépourvue de plan local d'urbanisme ou d'un document en tenant lieu, il agit en qualité d'autorité de l'État par application des dispositions du b) de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme. Dès lors, conformément aux dispositions des articles R. 811-10 et R. 811-10-1 du code de justice administrative, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales avait seule qualité pour relever appel du jugement du 1er décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 31 janvier 2012. La circonstance que l'État n'était pas présent en première instance ne fait pas obstacle à ce que la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales relève appel d'un jugement dont la commune est elle-même irrecevable à relever appel. La ministre pouvait, dès lors, régulariser la requête présentée, dans le délai d'appel, par le maire au nom de la commune de Coursegoules en s'appropriant, après l'expiration de ce délai, les conclusions de la commune.
3. En second lieu, la société appelante fait valoir que le mémoire du 9 novembre 2018 de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales était irrecevable dès lors qu'il n'est pas justifié de la délégation de signature de l'autorité signataire. Il ressort des pièces du dossier que les observations en défense de la ministre sont signées Mme B...A..., adjointe au sous-directeur des affaires juridiques de l'environnement, de l'urbanisme et de l'habitat, laquelle disposait d'une délégation de signature à cet effet résultant de l'article 4 de la décision du 18 septembre 2018, publiée au Journal officiel du 22 septembre 2018, portant délégation de signature. Cette décision est signée du directeur des affaires juridiques du ministère, nommé à cette fonction par un décret du 7 juin 2012, publié le 8 juin 2012, lui-même titulaire d'une délégation de signature permanente par l'effet de l'article 1er du décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement. Le moyen tiré de l'incompétence de l'autorité signataire du mémoire du 9 novembre 2018 doit, par suite, être écarté.
Sur la régularité du jugement :
4. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est : / a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ainsi que, lorsque le conseil municipal l'a décidé, dans les communes qui se sont dotées d'une carte communale ; (...) / b) Le préfet ou le maire au nom de l'État dans les autres communes. (...) ". Et aux termes de l'article R. 422-1 de ce code : " Lorsque la décision est prise au nom de l'État, elle émane du maire, sauf dans les cas mentionnés à l'article R. 422-2 où elle émane du préfet. ".
5. Il appartient au juge administratif, qui dirige l'instruction, d'ordonner la mise en cause des parties intéressées au litige. Il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que le maire de la commune de Coursegoules s'est prononcé au nom de l'État sur la demande de permis de construire présentée par l'EARL " Domaine de Macarena ". Par suite, en ayant omis de mettre en cause d'office le préfet des Alpes-Maritimes, le tribunal administratif de Nice a entaché son jugement d'irrégularité. Par suite, il y a lieu d'annuler le jugement du 1er décembre 2016.
6. Il y a donc lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de l'EARL " Domaine de Macarena ".
Sur la légalité de l'arrêté du 31 janvier 2012 :
En ce qui concerne la motivation de l'arrêté :
7. Aux termes de l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, désormais codifié à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / - refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions des deuxième à cinquième alinéas de l'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public ; (...). ".
8. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté portant refus de permis de construire vise les dispositions des articles L. 145-1, L. 145-3-1, du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme relatives aux principes d'aménagement et de protection en zone de montagne et le décret n° 2003-1169 du 2 décembre 2003 approuvant la directive territoriale d'aménagement des Alpes-Maritimes. Il fait également état de la nature de la demande formée par la société requérante et reprend les termes du premier arrêté du 24 octobre 2011 qui avait refusé ce même projet. Par suite, l'arrêté attaqué du 31 janvier 2012 comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui le fondent et doit être regardé comme suffisamment motivé. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté doit, dès lors, être écarté comme manquant en fait.
En ce qui concerne les motifs retenus par l'arrêté du 31 janvier 2012 :
9. Aux termes, d'une part, du I de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme : " Les terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières sont préservées. La nécessité de préserver ces terres s'apprécie au regard de leur rôle et de leur place dans les systèmes d'exploitation locaux. Sont également pris en compte leur situation par rapport au siège de l'exploitation, leur relief, leur pente et leur exposition. Les constructions nécessaires à ces activités ainsi que les équipements sportifs liés notamment à la pratique du ski et de la randonnée peuvent y être autorisés. (...) ". Ce lien de nécessité, qui doit faire l'objet d'un examen au cas par cas, s'apprécie entre, d'une part, la nature et le fonctionnement des activités de l'exploitation agricole et, d'autre part, la destination de la construction ou de l'installation projetée. Il s'ensuit que la seule qualité d'exploitant agricole du pétitionnaire ne suffit pas à caractériser un tel lien. Lorsque la construction envisagée est à usage d'habitation, il convient d'apprécier le caractère indispensable de la présence permanente de l'exploitant sur l'exploitation au regard de la nature et du fonctionnement des activités de l'exploitation agricole.
10. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 311-1 du code rural : " Sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation. Les activités de cultures marines sont réputées agricoles, nonobstant le statut social dont relèvent ceux qui les pratiquent. Il en est de même des activités de préparation et d'entraînement des équidés domestiques en vue de leur exploitation, à l'exclusion des activités de spectacle. (...) ".
11. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, par arrêté du 30 juin 2005, le préfet des Alpes-Maritimes a délivré à la pétitionnaire, constituée sous la forme d'une entreprise d'exploitation agricole à responsabilité limitée immatriculée le 24 avril 2006, une autorisation d'exploitation agricole de parcelles situées à Coursegoules, pour une activité de " parcours pour activité équestre ". Il ressort également des pièces du dossier que le projet de construction en cause prévoit la réalisation de trois bâtiments consistant en un manège de 177 m², un hangar de 43 m², un bâtiment d'habitation de quatre pièces et douze boxes destinés aux chevaux pris en pension. Il n'est pas utilement contesté que le projet en cause a pour objet la réalisation d'une écurie privée offrant à titre principal des services d'hébergements pour équidés. Dans ces conditions, alors que la nature et l'importance de l'activité agricole sont suffisamment établies, l'administration ne pouvait, sans commettre d'erreur d'appréciation, opposer à la pétitionnaire les dispositions du I de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme.
12. En second lieu, il n'est pas sérieusement contesté que tant la nature que le fonctionnement d'une activité d'écuries de chevaux de compétition, justifient une présence permanente de l'exploitant sur le site d'exploitation afin d'assurer le suivi et la surveillance des chevaux. Ainsi la construction à usage d'habitation destinée au chef d'exploitation projetée doit être regardée comme directement liée et nécessaire à l'exploitation agricole. En refusant de délivrer à la requérante le permis de construire sollicité au motif que la présence sur les lieux du chef d'exploitation n'est pas nécessaire, le maire de la commune de Coursegoules a, dès lors, entaché sa décision d'erreur d'appréciation.
13. Il s'ensuit que le maire de la commune de Coursegoules ne pouvait légalement fonder son arrêté du 31 janvier 2012 sur ces deux motifs.
En ce qui concerne la demande de substitution de motifs :
14. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
15. Pour établir la légalité de l'arrêté attaqué du 31 janvier 2012, la ministre invoque un autre motif dont elle demande qu'il soit substitué aux motifs initialement retenus, tiré de ce que ce que le projet contrevient aux dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme alors en vigueur, aux termes duquel : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".
16. Il ressort des pièces du dossier et notamment des pièces du dossier de demande de permis de construire que le terrain d'assiette du projet est situé au bas des fortes pentes descendant du Sommet de Viériou jusqu'à la route départementale D8 et que cette déclivité importante, telle qu'elle est établie par les quatre plans de coupes figurant sur le document graphique PC2à5, imposera des terrassements importants et laissera les installations projetées en contrebas de talus marqués. Il ressort également de l'étude àréalisée à la demande de la commune le 9 janvier 2017 et de l'expertise du service de restauration des terrains de montagnes (RTM) de l'office national des forêts du 27 juillet 2017, postérieurs à la décision attaquée mais qui se fondent sur des études plus anciennes, notamment la carte d'aléa réalisée en mai 1986, et révèlent une situation objective préexistante, que le projet est surplombé par des formations rocheuses calcaires, particulièrement sensibles aux différents facteurs d'érosion et dont peuvent se détacher et se sont précédemment détachés des blocs de pierre importants. Ces études, non utilement contredites, établissent la réalité d'un risque pour l'ensemble du projet et particulièrement marqué sur sa partie située à l'est du terrain et destinée à accueillir la carrière. Une telle exposition au risque de chute de pierres et de mouvement de terrain qui pèsera sur l'exploitant, ses employés, les éventuels visiteurs du site et les animaux accueillis révèle une atteinte à la sécurité publique et est de nature à justifier le refus de délivrance de permis de construire en litige. Dès lors, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de procéder à la substitution de motifs demandée, laquelle ne prive l'EARL " Domaine de Macarena " d'aucune garantie procédurale.
17. Il résulte de tout ce qui précède que l'EARL " Domaine de Macarena " n'est pas fondée à demander l'annulation de cet arrêté.
Sur les frais de justice :
18. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
19. En vertu de ces dispositions, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par l'EARL " Domaine de Macarena " doivent, dès lors, être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice n° 1201074 du 1er décembre 2016 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par l'EARL " Domaine de Macarena " devant le tribunal administratif de Nice est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'EARL " Domaine de Macarena ", à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la commune de Coursegoules.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2019, où siégeaient :
- M. Portail, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Gougot, premier conseiller,
- M Silvy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 mars 2019.
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N° 17MA00460
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