Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... E...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 24 avril 2014 par lequel le maire de la commune de La Roquette-sur-Var a procédé à la mise sous scellés du chantier sur la parcelle cadastrée section A n° 906 sur le territoire de la commune.
Par un jugement n° 1403062 du 5 janvier 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 février 2017 et le 30 juin 2017, M. E..., représenté par la SCP Gobert et associés agissant par Me F..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice n° 1403062 du 5 janvier 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté de mise sous scellés du 24 avril 2014 du maire de la commune de La Roquette-sur-Var ;
3°) de mettre à la charge de la commune de La Roquette-sur-Var la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a intérêt à agir contre l'arrêté attaqué ;
- les arrêtés interruptifs de travaux des 10 juin 2010 et 19 mars 2014 pris par le maire de La Roquette-sur-Var sont illégaux et ne pouvaient légalement fonder l'arrêté portant mise sous scellés de son terrain ;
- il pouvait exciper de l'illégalité de ces actes non réglementaires ;
- l'arrêté de mise sous scellés est une conséquence inéluctable des arrêtés interruptifs de travaux des 10 juin 2010 et 19 mars 2014 et sa légalité doit être appréciée dans le cadre de la théorie des opérations complexes ;
- l'arrêté interruptif du 19 mars 2014 ne pouvait être légalement pris dès lors que les éléments matériels qui le fondent ne permettent pas d'établir la poursuite des travaux critiqués ;
- l'arrêté interruptif du 19 mars 2014 ne mentionne pas le creusement d'une tranchée et une telle opération n'était pas soumise à autorisation comme en dispose l'article R. 421-4 du code de l'urbanisme.
Par des mémoires, enregistrés le 27 décembre 2017 et le 4 janvier 2019, la commune de La Roquette-sur-Var, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête d'appel de M. E... ;
2°) de mettre à la charge de M. E... la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête de première instance était irrecevable car dépourvue de moyens présentés dans le délai de recours contentieux.
- les autres moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2018, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés en appel par M. E... ne sont pas fondés et renvoie aux écritures du préfet des Alpes-Maritimes pour le surplus.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 24 avril 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Portail en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Silvy, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public,
- et les observations de Me H... de la SCP Gobert et associés, représentant M. E..., et de Me G..., de la SELARL C...-Suarès-Blanco, représentant la commune de La Roquette-sur-Var.
Considérant ce qui suit :
1. Le maire de la commune de La Roquette-sur-Var a dressé, le 19 mars 2014, un procès-verbal d'infraction à la législation de l'urbanisme à l'encontre de M. E..., propriétaire d'un terrain cadastré section n° 906 sur le territoire communal relatif à des travaux non autorisés et a pris, le même jour, un arrêté interruptif de travaux. Le 24 avril 2014, le maire de la commune de La Roquette-sur-Var a pris un arrêté portant mise sous scellés du chantier. M. E... relève appel du jugement du 5 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 avril 2014.
Sur la compétence de la juridiction administrative :
2. Aux termes de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme : " Les infractions aux dispositions des titres Ier, II, III, IV et VI du présent livre sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l'État et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l'urbanisme suivant l'autorité dont ils relèvent et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font foi jusqu'à preuve du contraire. / Les infractions visées à l'article L. 480-4 peuvent être constatées par les agents commissionnés à cet effet par le ministre chargé des monuments historiques et des sites, et assermentés, lorsqu'elles affectent des immeubles compris dans un secteur sauvegardé ou soumis aux dispositions législatives du code du patrimoine relatives aux monuments historiques ou aux dispositions législatives du code de l'environnement relatives aux sites et qu'elles consistent, soit dans le défaut de permis de construire, soit dans la non-conformité de la construction ou des travaux au permis de construire accordé. Il en est de même des infractions aux prescriptions établies en application des articles L. 522-1 à L. 522-4 du code du patrimoine. / Lorsque l'autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire (...) ont connaissance d'une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 160-1 et L. 480-4, ils sont tenus d'en faire dresser procès-verbal. / Copie du procès-verbal constatant une infraction est transmise sans délai au ministère public. (...) La commune ainsi que l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile, en ce qui concerne les faits commis sur leur territoire et constituant une infraction à l'alinéa premier du présent article. ". Et aux termes de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme : " L'interruption des travaux peut être ordonnée soit sur réquisition du ministère public agissant à la requête du maire, du fonctionnaire compétent ou de l'une des associations visées à l'article L. 480-1, soit, même d'office, par le juge d'instruction saisi des poursuites ou par le tribunal correctionnel. / L'autorité judiciaire statue après avoir entendu le bénéficiaire des travaux ou l'avoir dûment convoqué à comparaître dans les quarante-huit heures. La décision judiciaire est exécutoire sur minute et nonobstant toute voie de recours. / Dès qu'un procès-verbal relevant l'une des infractions prévues à l'article L. 480-4 a été dressé, le maire peut également, si l'autorité judiciaire ne s'est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux. Copie de cet arrêté est transmise sans délai au ministère public. / L'autorité judiciaire peut à tout moment, d'office ou à la demande, soit du maire ou du fonctionnaire compétent, soit du bénéficiaire des travaux, se prononcer sur la mainlevée ou le maintien des mesures prises pour assurer l'interruption des travaux. En tout état de cause, l'arrêté du maire cesse d'avoir effet en cas de décision de non-lieu ou de relaxe. / Le maire est avisé de la décision judiciaire et en assure, le cas échéant, l'exécution. / Lorsque aucune poursuite n'a été engagée, le procureur de la République en informe le maire qui, soit d'office, soit à la demande de l'intéressé, met fin aux mesures par lui prises. / Le maire peut prendre toutes mesures de coercition nécessaires pour assurer l'application immédiate de la décision judiciaire ou de son arrêté, en procédant notamment à la saisie des matériaux approvisionnés ou du matériel de chantier. / La saisie et, s'il y a lieu, l'apposition des scellés sont effectuées par l'un des agents visés à l'article L. 480-1 qui dresse procès-verbal. (...) ".
3. Les articles L. 480-1 et suivants du code de l'urbanisme fixent les règles des procédures pénales qui peuvent être engagées à raison de la méconnaissance des règles applicables aux constructions, aménagements et démolitions prescrites par les titres Ier à VII du livre IV de ce code. La décision par laquelle le maire d'une commune, agissant au nom de l'État, fait apposer des scellés par application des dispositions précitées de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme tend à assurer le respect de l'arrêté interruptif de travaux préalablement et présente, dès lors, un caractère détachable de la procédure judiciaire. La juridiction administrative est compétente pour connaître d'une demande tendant à l'annulation d'une telle décision.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
4. En premier lieu, l'article R. 411-1 du code de justice administrative dispose : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ".
5. Le mémoire introductif d'instance présenté par M. E... devant le tribunal administratif de Nice doit être regardé, dans les termes où il est formulé, comme soulevant par la voie de l'exception l'illégalité de l'arrêté du 19 mars 2014 par lequel le maire de La Roquette-sur-Var a ordonné l'interruption des travaux. La fin de non-recevoir tirée de ce que la demande de première instance n'aurait pas comporté de moyens présentés dans le délai de recours doit donc être écartée.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction en vigueur à la date d'introduction de la demande de première instance, " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". La demande de première instance doit être regardée comme tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 avril 2014 par lequel le maire de la commune de La Roquette-sur-Var a procédé à la mise sous scellés du chantier sur la parcelle cadastrée section A n° 906. La fin de non-recevoir tirée de ce que cette demande ne serait pas dirigée contre une décision doit donc être également écartée.
Sur la légalité de l'arrêté du 24 avril 2014 :
7. L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. S'agissant d'un acte réglementaire, une telle exception peut être formée à toute époque, même après l'expiration du délai du recours contentieux contre cet acte. S'agissant d'un acte non réglementaire, l'exception n'est, en revanche, recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où l'acte et la décision ultérieure constituant les éléments d'une même opération complexe, l'illégalité dont l'acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte.
8. Il ressort de la correspondance adressée le 27 mars 2014 par M. E... que celui-ci avait connaissance à cette date de l'arrêté interruptif de travaux du 19 mars 2014 et qu'il a formé, à cette occasion, un recours gracieux à l'encontre de cette mesure. En raison du silence conservé par l'autorité municipale sur ce recours, celui-ci a été rejeté implicitement au terme du délai de droit commun de deux mois. Il en résulte que cet arrêté interruptif de travaux n'avait pas acquis un caractère définitif le 17 juillet 2014, date d'enregistrement de la demande de M. E... devant le tribunal administratif de Nice. Enfin, il résulte des termes même de cette requête que M. E... doit être regardé comme ayant soulevé le moyen tiré de l'illégalité de l'arrêté interruptif de travaux dès son premier mémoire. M. E... était par suite recevable à invoquer l'illégalité de l'arrêté du 19 mars 2014 à l'encontre de l'arrêté portant mise sous scellés du 24 avril 2014.
9. Il ressort des énonciations du procès-verbal dressé le 19 mars 2014 par le maire de la commune de La Roquette-sur-Var que les nouveaux travaux ayant justifié l'arrêté interruptif du même jour portaient sur une nouvelle construction de 12 m² et sur le creusement d'une tranchée destinée à enfouir des tuyaux d'assainissement. La copie des clichés joints à ce procès-verbal, lesquels seraient de nature à établir la réalité de ce chantier non autorisé, n'est toutefois pas produite par la commune. Il ressort également des pièces du dossier et notamment du constat d'huissier réalisé à la demande de M. E... le 16 novembre 2015 que la réalité du chantier de construction d'un bâtiment de 12 m², postérieurement au placement de scellés sur le chantier n'est pas établi par d'autres pièces probantes. Enfin il n'est pas utilement contesté par la commune que la tranchée réalisée dans le sol pour permettre un futur raccordement au réseau d'assainissement public serait dispensée de toute formalité au titre du code de l'urbanisme par application des dispositions de l'article R. 421-4 du code de l'urbanisme. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté interruptif de travaux du 19 mars 2014 portait pour partie sur des travaux dont la réalité n'est pas établie et pour partie sur des travaux qui, n'étant soumis à aucune formalité préalable au titre du code de l'urbanisme, n'entraient pas plus dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme. M. E... est, dès lors, fondé à se prévaloir de l'illégalité de l'arrêté du 19 mars 2014 à l'encontre de l'arrêté du 24 avril 2014 pris pour en assurer la bonne exécution.
10. Il résulte de ce qui précède que M. E... est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nice du 7 janvier 2017 et de l'arrêté du 24 avril 2014 du maire de la commune de La Roquette-sur-Var.
Sur les frais de justice :
11. M. E... n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'État au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée. D'autre part, son avocat n'a pas demandé que lui soit versée une somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font également obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur le même fondement à l'encontre de M. E... par la commune de La Roquette-sur-Var, laquelle en tout état de cause n'a pas la qualité de partie à l'instance.
D É C I D E :
Article 1er : L'arrêté du 24 avril 2014 portant placement de scellés du maire de la commune de La Roquette-sur-Var et le jugement du tribunal administratif de Nice du 7 janvier 2017 sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. E... est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de la commune de La Roquette-sur-Var tendant à la mise à la charge de M. E... d'une somme sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., à Me B...D..., à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la commune de La Roquette-sur-Var.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nice.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2019, où siégeaient :
- M. Portail, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Gougot, premier conseiller.
- M Silvy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 mars 2019.
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N° 17MA00803