Vu les procédures suivantes :
Procédures contentieuses antérieures :
I. M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision par laquelle le président de la société Orange a implicitement rejeté sa demande du 23 octobre 2014 tendant à obtenir l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison des fautes commises par son employeur ainsi que la reconstitution de sa carrière.
Par un jugement n° 1500507 du 5 mai 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
II. Par une autre requête, M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le président de la société Orange sur sa demande du 25 novembre 2015 tendant à ce que soient établis des listes d'aptitudes et des tableaux d'avancement au titre des années 2003 à 2015 et à ce qu'il soit nommé au grade de chef de secteur dès le 1er novembre 2003.
Par un jugement n° 1601008 du 10 octobre 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédures devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 28 juin 2017 sous le n° 17MA02688 et un mémoire en réplique enregistré le 21 février 2018, M. E..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement du 5 mai 2017 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet révélée par le silence gardé par la société Orange sur sa demande du 23 octobre 2014 tendant à la reconstitution de sa carrière et à l'indemnisation de ses préjudices ;
3°) d'enjoindre à la société Orange de reconstituer sa carrière en le réintégrant au 6ème échelon du grade de chef de secteur, avec une ancienneté acquise de deux ans et sept mois, à compter du 1er novembre 2003 puis au 7ème échelon du grade de chef de district au 1er avril 2011 avec rétablissement rétroactif des promotions d'échelon jusqu'à la date de la décision à intervenir ;
4°) de condamner la société Orange à lui verser la somme de 12 098,97 euros au titre de la réparation des pertes de traitement subies, après l'avoir indexée sur l'évolution annuelle du point d'indice, et de procéder au versement des cotisations correspondantes au service des pensions de retraites de La Poste et de France Télécom ;
5°) de condamner la société Orange à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi en raison du retard pris dans la reconstitution de sa carrière ;
6°) de condamner la société Orange à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité du dispositif de promotion interne mis en place depuis 2004 par France Télécom, devenu la société Orange ;
7°) d'enjoindre à la société Orange de le promouvoir au grade de chef de district ;
8°) de mettre à la charge de la société Orange les dépens ainsi qu'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
* il est en droit d'obtenir la reconstitution rétroactive de sa carrière, par application des principes résultant de la décision du Conseil d'État Rodiere du 26 décembre 1965 et mis en oeuvre dans une autre décision n° 372041 du 3 juillet 2015 ; en conséquence, il doit être réintégré rétroactivement au 6ème échelon du grade de chef de secteur, avec une ancienneté acquise de deux ans et sept mois, à compter du 1er novembre 2003 puis au 7ème échelon du grade de chef de district au 1er avril 2011 ; il est également en droit d'obtenir le rappel des traitements afférents à l'avancement qu'il avait une chance sérieuse d'obtenir ainsi que le versement par son employeur des cotisations de retraite correspondantes ;
* la société Orange a commis une faute en s'abstenant encore à ce jour de procéder à la reconstitution de sa carrière ; il a subi, à ce titre, un préjudice qui ne saurait être évalué à une somme inférieure à 10 000 euros ;
* elle a également commis une autre faute en mettant en place, depuis 2004, un dispositif de promotion interne méconnaissant, dans la mesure où il n'offre que la voie du concours interne, les articles 26 et 58 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ainsi que le décret n° 54-865 du 2 septembre 1954 ; il est en droit d'obtenir une somme de 30 000 euros au titre d'une perte de chance sérieuse de promotion, de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence.
Par des mémoires enregistrés le 14 novembre 2017 et le 23 janvier 2018, la société Orange, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête de M. E... et à ce qu'il soit mis à sa charge la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 1er mars 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 mars 2018.
Des mémoires présentés pour la société Orange ont été enregistrés les 16 mars 2018, 18 juin 2018, 16 octobre 2018, 30 novembre 2018 et 31 janvier 2019 et n'ont pas été communiqués.
II. Par une requête, enregistrée le 11 décembre 2017 sous le n° 17MA04702 et un mémoire en réplique enregistré le 31 août 2018, M. E..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 10 octobre 2017 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) à titre principal, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Nîmes ;
3°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le président de la société Orange sur sa demande du 25 novembre 2015 tendant à ce que soient établis des listes d'aptitudes et des tableaux d'avancement au titre des années 2003 à 2015 et à ce qu'il soit nommé au grade de chef de secteur dès le 1er novembre 2003 ;
4°) d'ordonner à la société Orange de réexaminer rétroactivement ses possibilités de promotion interne aux grades de chef de secteur et de chef de district en établissant les listes d'aptitude et les tableaux d'avancement pour les années 2003 à 2004 et 2005 à 2015 ;
5°) d'ordonner à la société Orange de le nommer au grade de chef de secteur à compter du 1er novembre 2003 ;
6°) de mettre à la charge de la société Orange les dépens ainsi que la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
* le jugement est entaché d'omission de statuer et l'affaire doit être renvoyée devant le tribunal administratif de Nîmes ;
* sa demande est fondée sur les décisions n° 18633 et 217006 rendues par le Conseil d'État les 5 mai 1999, 8 décembre 2000 et 15 juillet 2004 ainsi que sur le jugement n° 1000105 rendu par le tribunal administratif de Bordeaux et l'arrêt n° 14BX00472 rendu par la cour administrative d'appel de Bordeaux permettant un réexamen rétroactif des droits à l'avancement d'un agent ;
*
jusqu'en 2004, il a été privé de toute possibilité de promotion interne alors qu'il disposait d'une chance sérieuse d'avancement, ainsi que l'a estimé la Cour dans un arrêt n° 09MA01440 du 5 avril 2011 ; depuis 2004, le dispositif de promotion interne mis en place par la société Orange méconnaît, dans la mesure où il n'offre que la voie du concours interne, les articles 26 et 58 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ainsi que le décret n° 54-865 du 2 septembre 1954 ;
* il doit être réintégré rétroactivement au 1er novembre 2003 au grade de chef de secteur.
Par un mémoire enregistré le 31 juillet 2018, la société Orange, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête de M. E... et à ce qu'il soit mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 3 octobre 2018, la clôture de l'instruction a été prononcée le
même jour.
Des mémoires présentés pour la société Orange ont été enregistrés les 12 octobre 2018, 30 novembre 2018 et 7 février 2019 et n'ont pas été communiqués.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
* la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
* la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;
* le décret n° 54-865 du 2 septembre 1954 modifié ;
* le décret n° 76-4 du 6 janvier 1976 ;
* le décret 85-1238 du 25 novembre 1985 ;
* le décret n° 90-1225 du 31 décembre 1990 ;
* le décret n° 92-945 du 7 septembre 1992 ;
* le décret n° 2004-1300 du 26 novembre 2004 ;
* le décret n° 2011-1675 du 29 novembre 2011 ;
* le décret n° 2011-1679 du 29 novembre 2011 ;
* le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
* le rapport de Mme Tahiri,
* les conclusions de M. Coutel, rapporteur public,
* et les observations de Me C..., substituant Me D... représentant M. E....
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., né en 1958, a intégré le service public des postes et télécommunications en 1977 au grade d'agent d'exploitation du service des lignes (AXSL), avant d'être promu, en 1988, au grade de conducteur de travaux du service des lignes (CDTXL). À la suite des modifications de statuts des agents de France Télécom par la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, il a refusé l'intégration dans l'un des corps de " reclassification " créés en 1993 et a opté pour conserver son grade de conducteur de travaux du service des lignes dans un corps de " reclassement " où il est resté titulaire du même grade jusqu'en 2016. Par un courrier du 23 octobre 2014, il a demandé à la société Orange, d'une part, de reconstituer sa carrière et, d'autre part, de réparer les préjudices résultant du retard mis dans la reconstitution de sa carrière et de l'illégalité du dispositif de promotion interne mis en place depuis 2004. Par un courrier du 25 novembre 2015, il a également sollicité l'établissement des listes d'aptitudes et des tableaux d'avancement au titre des années 2003 à 2015 et sa nomination au grade de chef de secteur dès le 1er novembre 2003. S'étant vu opposer des refus implicites nés du silence gardé par la société Orange pendant deux mois sur ses demandes, M. E... a saisi le tribunal administratif de Nîmes d'une première demande tendant à l'annulation de ce refus implicite, à ce qu'il soit enjoint la reconstitution de sa carrière en le réintégrant au 6ème échelon du grade de chef de secteur, avec une ancienneté acquise de deux ans et sept mois, à compter du 1er novembre 2003 puis au 7ème échelon du grade de chef de district au 1er avril 2011 avec rétablissement rétroactif des promotions d'échelon, à la condamnation de la société Orange à lui verser la somme de 12 098,97 euros, représentant la perte de traitement et des sommes accessoires à ce traitement induite par sa reconstitution de carrière, indexée sur l'évolution annuelle du point d'indice et de procéder au versement des cotisations correspondantes au service des pensions de retraites de la Poste et de France Télécom, la somme de 10 000 euros en indemnisation du préjudice subi du fait du retard pris pour reconstituer sa carrière ainsi que la somme de 30 000 euros au titre du préjudice subi du fait de l'illégalité du processus de promotion et d'avancement mis en place par France Télécom depuis novembre 2004. Il a, ultérieurement, saisi le même tribunal d'une seconde demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le président de la société Orange sur sa demande du 25 novembre 2015, à ce qu'il soit ordonné à la société Orange de réexaminer rétroactivement ses possibilités de promotion interne aux grades de chef de secteur et de chef de district en établissant les listes d'aptitude et les tableaux d'avancement pour les années 2003 à 2004 et 2005 à 2015 et à ce qu'il soit nommé au grade de chef de secteur à compter du 1er novembre 2003. M. E... fait appel des jugements du tribunal administratif de Nîmes du 5 mai 2017 et du 10 octobre 2017 qui ont rejeté ses deux demandes.
2. Les requêtes, enregistrées sous les n° 17MA02688 et 17MA04702 sont relatives à la situation d'un même agent, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.
Sur la régularité du jugement n° 1601008 du 10 octobre 2017 :
3. Il ressort du jugement attaqué, et notamment de son point 2, que les premiers juges ont répondu au moyen tiré de l'illégalité de l'absence d'établissement à titre rétroactif de listes d'aptitudes et de tableaux d'avancement en indiquant, d'une part, que l'administration ne peut conférer une portée rétroactive aux décisions relatives à la carrière des fonctionnaires que dans la mesure nécessaire pour assurer la continuité de leur carrière et procéder à la régularisation de leur situation et en estimant, d'autre part, que l'arrêt de la Cour n° 09MA01440 du 5 avril 2011 n'impliquait pas la reconstitution rétroactive de la carrière de M. E... ou l'établissement rétroactif de listes d'aptitude ou de tableaux d'avancement.
Dès lors, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments invoqués par M. E... et d'écarter expressément les jurisprudences citées par l'intéressé, n'a pas entaché le jugement attaqué d'une omission de statuer.
Sur le bien-fondé des jugements :
En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation des décisions implicites rejetant les demandes de M. E... du 3 octobre 2014 et du 25 novembre 2015 en tant qu'elles tendent à la reconstitution administrative et financière de sa carrière, à l'indemnisation des préjudices résultant du retard pris dans cette reconstitution et à l'établissement de listes d'aptitude et de tableaux d'avancement :
4. Dans son courrier du 3 octobre 2014, M. E... a sollicité la reconstitution administrative et financière de sa carrière à compter du 1er novembre 2003 au moyen de sa nomination rétroactive au 6ème échelon du grade de chef de secteur puis au 7ème échelon du grade de chef de district au 1er avril 2011, l'indemnisation du retard pris dans la reconstitution de sa carrière ainsi que son inscription sur la liste d'aptitude des inspecteurs de France Télécom au titre de l'année 2014. Dans son second courrier du 25 novembre 2015, il a sollicité à nouveau sa nomination rétroactive au grade de chef de secteur à compter de 2003 mais également l'établissement de listes d'aptitude et de tableaux d'avancement aux grades de chef de secteur et de chef de district au titre des années 2003 à 2015.
5. D'une part, en l'absence de toute décision de justice ou de texte d'ordre général ouvrant droit à une reconstitution de carrière ou lorsqu'une telle obligation ne résulte pas de la nécessité d'assurer à l'agent le déroulement continu de sa carrière, l'autorité administrative ne peut, sans méconnaître le principe de non rétroactivité des actes administratifs, accueillir une demande tendant à la mise en oeuvre rétroactive de voies d'avancement ou à ce que les promotions dont un agent a été privé aient une portée rétroactive pour valoir à compter des dates auxquelles il estimait y avoir droit.
6. Les demandes présentées par M. E... tendant à l'établissement de listes d'aptitudes et de tableaux d'avancement pour les années antérieures à 2014 ainsi qu'à sa nomination au grade de chef de secteur en 2003 puis au grade de chef de district en 2011 présentent un caractère rétroactif. Si l'intéressé se prévaut de l'arrêt n° 09MA01440 rendu par la Cour le 5 avril 2011, lui allouant une indemnité totale de 7 000 euros aux motifs que France Télécom a commis une faute consistant à priver de manière générale les fonctionnaires "reclassés" de toute possibilité de promotion interne et que M. E... a subi une perte de chances d'accéder au grade supérieur, cette décision, rendue dans le cadre d'un contentieux exclusivement indemnitaire et non dans l'hypothèse de l'annulation d'une mesure d'éviction évoquée dans la décision Rodière du 26 décembre 1925, ne lui ouvre pas droit à une reconstitution de carrière. Contrairement à ce que soutient M. E..., il n'en résulte pas une inégalité injustifiée entre agents placés dans une situation similaire dès lors qu'il lui appartenait de saisir, à l'époque où il estimait y avoir droit, son employeur d'une demande d'avancement et, le cas échéant, de contester devant le juge de l'excès de pouvoir le refus qui aurait pu lui être opposé. En outre, les mesures sollicitées rétroactivement par M. E... ne sont pas nécessaires pour assurer un caractère continu au déroulement de sa carrière et ne sont pas prévues par un texte. Par suite, en dépit des arrêts n° 372041 du 3 juillet 2015, n° 186313 du 5 mai 1999 et n° 217006 du 8 décembre 2000, rendus par le Conseil d'État dans les litiges concernant d'autres parties au regard des moyens qu'elles invoquaient, il n'est pas fondé à soutenir que la société Orange était tenue de procéder à une reconstitution rétroactive de sa carrière et d'établir rétroactivement des tableaux d'avancement et des listes d'aptitudes. Il n'est pas davantage fondé à soutenir qu'elle aurait commis une faute en s'en abstenant.
7. D'autre part, si M. E... sollicite également dans son courrier du 23 octobre 2014 son inscription sur la liste d'aptitude des inspecteurs de France Télécom au titre de l'année 2014 et dans son courrier du 25 novembre 2015 l'établissement de listes d'aptitude ou de tableaux d'avancement au grade de chef de district et de chef de secteur au titre de l'année 2015, il résulte des dispositions des décrets du 29 novembre 2011 relatif aux statuts particuliers des corps du service des lignes de France Télécom et du 29 novembre 2011 relatif au statut particulier du corps des inspecteurs de France Télécom, alors en vigueur, que l'avancement dans les grades de ces corps est organisé uniquement par la voie d'un concours interne sur épreuves.
En ce qui concerne les conclusions fondées sur l'illégalité du dispositif de promotion interne mis en place depuis 2004 :
8. D'une part, aux termes de l'article 26 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 : " En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...), non seulement par voie de concours (...), mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : 1°) Examen professionnel ; 2°) Liste d'aptitude établie après avis de la commission paritaire du corps d'accueil (...). ". En vertu de l'article 10 de la même loi : " (...) les statuts particuliers pris en la forme indiquée à l'article 8 ci-dessus peuvent déroger, après avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l'État prévu à l'article 13 ci-après, à certaines des dispositions du statut général qui ne correspondraient pas aux besoins propres de ces corps ou aux missions que leurs membres sont destinés à assurer, notamment pour l'accomplissement d'une obligation statutaire de mobilité. Les statuts particuliers de corps interministériels ou communs à plusieurs départements ministériels ou établissements publics de l'État peuvent déroger, après avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l'État, à certaines des dispositions du statut général qui ne correspondraient pas aux besoins propres à l'organisation de la gestion de ces corps au sein de chacun de ces départements ministériels ou établissements. ". L'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 susvisée prévoit que : " Les dispositions de l'article 10 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée s'appliquent à l'ensemble des corps de fonctionnaires de La Poste et de France Télécom. ".
9. D'autre part, il résulte des dispositions de l'article 16 du décret du 2 septembre 1954 fixant le statut particulier des corps du service des lignes des postes, télégraphes et téléphones, en vigueur jusqu'au 1er décembre 2011, que : " Les chefs de secteur sont recrutés : / 1°) Par voie de concours ouvert aux agents techniques de 1re classe et aux conducteurs de chantier n'ayant pas dépassé l'âge de 40 ans et comptant au service des lignes au moins six ans de services effectifs accomplis en qualité de titulaire ou de stagiaire. / 2°) Au choix, par tableau d'avancement précédé d'un examen professionnel, dans la limite de 1/10 du nombre des vacances à pourvoir parmi les conducteurs de chantier. Les candidats à l'examen doivent être âgés de 40 ans au moins et de 50 ans au plus et être en possession du 5ème échelon de leur garde. ". Depuis le 1er décembre 2011, l'article 11 du décret du 29 novembre 2011 relatif aux statuts particuliers des corps du service des lignes de France Télécom prévoit que les chefs de secteur sont recrutés uniquement par la voie d'un concours interne sur épreuves ouvert aux conducteurs de travaux des lignes de France Télécom justifiant, à la date de clôture des candidatures, d'au moins six mois d'ancienneté au 4ème échelon de leur grade.
10. Si la société Orange fait valoir qu'elle a fait le choix, à compter du 1er décembre 2004, de privilégier la voie du concours pour la promotion interne des fonctionnaires reclassés, cette circonstance ne la dispensait pas de faire application des dispositions réglementaires des statuts particuliers et notamment celles susmentionnées du statut du corps des chefs de secteur telles qu'issues du décret du 2 septembre 1954, lesquelles prévoyaient, jusqu'à la date d'entrée en vigueur du décret du 29 novembre 2011, l'établissement de tableaux d'avancement précédés d'un examen professionnel pour l'accès à ce corps. Dès lors, M. E... est seulement fondé à soutenir que la société Orange a commis une illégalité fautive en s'abstenant, entre 2004 et 2011, d'organiser une autre voie de promotion interne que le concours.
11. Toute illégalité fautive est, comme telle, et quelle qu'en soit la nature, susceptible d'engager la responsabilité de l'administration dès lors qu'elle présente un lien de causalité suffisamment direct et certain avec les préjudices subis.
12. M. E... soutient que si des tableaux d'avancement précédés d'examens professionnels avaient été instaurés depuis 2004, il aurait bénéficié d'une chance sérieuse de bénéficier d'une promotion, la Cour ayant admis en 2011 qu'il avait perdu une chance d'accéder dès octobre 2003 au grade de chef de secteur auquel il a finalement été effectivement promu en 2016. Toutefois, il n'apporte aucune précision sur les appréciations portées sur sa manière de servir entre 2004 et 2011 et ne verse aucune pièce sur ce point alors que la voie d'avancement en cause est notamment fondée sur la compétence professionnelle et la manière de servir des intéressés. Dès lors, il n'établit pas avoir été privé d'une chance sérieuse d'obtenir une promotion au grade supérieur entre 2004 et 2011. En revanche, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subis par M. E..., du fait de la faute ainsi commise par la société Orange, en l'évaluant à la somme de 1 000 euros.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué n° 1500507 du 5 mai 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation de son préjudice moral à concurrence de 1 000 euros.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
14. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation des requêtes de M. E..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Dès lors, ses conclusions aux fins de réexamen rétroactif des possibilités de promotion interne aux grades de chef de secteur et de chef de district ainsi que celles tendant à sa promotion effective à ces mêmes grades ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
15. D'une part, aucun dépens n'a été exposé au cours de l'instance d'appel. Les conclusions présentées à ce titre par M. E... ne peuvent donc qu'être rejetées.
16. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Orange le paiement à M. E... d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que la société Orange, qui a la qualité de partie perdante dans la présente instance, bénéficie d'une somme au titre des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige.
D É C I D E :
Article 1er : La société Orange est condamnée à verser à M. E... la somme de 1 000 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes n° 1500507 du 5 mai 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La société Orange versera à M. E... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. E... et les conclusions présentées par la société Orange sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et à la société Orange.
Délibéré après l'audience du 2 avril 2019, où siégeaient :
* M. Gonzales, président,
* M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
* Mme Tahiri, premier conseiller.
Lu en audience publique le 23 avril 2019.
N° 17MA02688,17MA04702 2