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02/05/2019 | FRANCE | N°17MA04281

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 02 mai 2019, 17MA04281


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner la commune de Cap d'Ail à lui verser la somme totale de 23 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à la suite de sa chute le 4 mai 2013 sur la plage " Marquet ".

Par un jugement n° 1504373 du 3 octobre 2017, le tribunal administratif de Nice a condamné la commune de Cap d'Ail à verser à M. B...la somme de 6 500 euros et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requ

ête et un mémoire enregistrés le 2 novembre 2017 et le 11 juin 2018, la commune de Cap d'Ai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner la commune de Cap d'Ail à lui verser la somme totale de 23 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à la suite de sa chute le 4 mai 2013 sur la plage " Marquet ".

Par un jugement n° 1504373 du 3 octobre 2017, le tribunal administratif de Nice a condamné la commune de Cap d'Ail à verser à M. B...la somme de 6 500 euros et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 2 novembre 2017 et le 11 juin 2018, la commune de Cap d'Ail, représentée par la SCP Bernardini Gaulmin, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 3 octobre 2017 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal ;

3°) à titre subsidiaire, de réduire à de plus justes proportions l'indemnité octroyée ;

4°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ont été méconnues, dès lors que les conclusions prononcées par le rapporteur public lors de l'audience n'ont pas été conformes à l'information sur le sens des conclusions communiquée aux parties avant celle-ci ;

- l'imputabilité des dommages à un ouvrage public ou à des travaux publics n'est pas établie ;

- il n'y a pas de défaut d'entretien normal dès lors que l'accès à l'escalier était condamné et que l'accès à emprunter était signalé ;

- les dommages sont imputables à un comportement fautif de la victime ;

- les indemnisations accordées présentent un caractère disproportionné.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 mai 2018, M.B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de la commune de Cap d'Ail ;

2°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Nice du 3 octobre 2017 en tant qu'il a rejeté ses demandes indemnitaires au titre de la perte de gains professionnels et du préjudice d'agrément et a limité la réparation des autres chefs de préjudice, et de condamner la commune de Cap d'Ail à lui verser la somme totale de 23 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Cap d'Ail la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la commune de Cap d'Ail ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants (RSI Auvergne) qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jorda-Lecroq,

- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., substituant la SCP Bernardini Gaulmin, représentant la commune de Cap d'Ail.

Considérant ce qui suit :

Sur la régularité du jugement :

1. Aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, si le rapporteur public prononcera ou non des conclusions et, dans le cas où il n'en est pas dispensé, le sens de ces conclusions ". Les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le rapporteur public qui, après avoir communiqué le sens de ses conclusions en application de ces dispositions, envisage de modifier sa position doit, à peine d'irrégularité de la décision, mettre les parties à même de connaître ce changement.

2. Il ressort de la procédure qu'avant la tenue de l'audience du tribunal administratif de Nice, le rapporteur public a porté à la connaissance des parties le sens des conclusions qu'il envisageait de prononcer dans les termes suivants : " Satisfaction totale ou partielle (...) Condamnation de la commune à payer 2 500 euros de dommages et intérêts ". Si la commune de Cap d'Ail soutient, à l'appui de sa requête, que le jour de l'audience, le rapporteur public a conclu à sa condamnation à verser la somme de 6 500 euros, sur laquelle devrait être imputée la somme de 4 000 euros reçue au titre de la provision accordée par l'ordonnance du juge des référés du tribunal du 30 juillet 2015, soit dans un sens différent, sans l'avoir mise à même de connaître ce changement de position, il était loisible à l'avocat qui la représentait de signaler ce fait dans ses observations orales ou dans une note en délibéré. Il ne ressort d'aucun élément au dossier que, dans les observations orales qu'il a présentées après les conclusions du rapporteur public en application de l'article R. 732-1 du code de justice administrative, ainsi que cela ressort des mentions du jugement attaqué, l'avocat de la commune de Cap d'Ail se serait plaint de ce que le sens de ces conclusions qu'il venait d'entendre aurait différé de celui qui avait été préalablement communiqué aux parties ou qu'une note en délibéré présentée en application de l'article R. 731-3 du même code, en aurait fait mention. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, l'irrégularité invoquée, qui, au surplus, tiendrait seulement, à la supposer avérée, à une ambiguïté sur le sort de la provision accordée, ne peut être tenue pour établie.

Sur la responsabilité :

3. Il appartient à l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'ouvrage. Le maître de l'ouvrage ne peut être exonéré de l'obligation d'indemniser la victime qu'en rapportant, à son tour, la preuve soit que l'ouvrage était en état d'entretien normal, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure.

4. Il résulte de l'instruction, et notamment des attestations de deux témoins directs, que M. B...a chuté le 4 mai 2013 à la nuit tombée, vers 21h45, en empruntant un escalier d'accès à la plage communale " Marquet " à Cap d'Ail, escalier au bas duquel existait un vide correspondant à la hauteur de plusieurs marches. La circonstance que ces attestations, établies par les personnes qui accompagnaient la victime au moment de l'accident, ne sont pas datées ne suffit pas, à elle seule, à remettre en cause leur contenu. L'attestation du 16 mai 2013 du chef de corps des sapeurs-pompiers de Monaco également produite, faisant état de l'intervention de ceux-ci le 4 mai 2013 à 21h48 sur la plage " Marquet " pour une personne blessée par chute dans les escaliers, indique que les trois dernières marches de l'escalier manquaient. L'accident a en outre été relaté dans la presse locale. La matérialité des faits et le lien de causalité entre le dommage et l'ouvrage public sont ainsi établis.

5. La commune de Cap d'Ail, en se bornant à produire une photographie non datée montrant l'accès à cet escalier bloqué, ainsi que le compte rendu de la réunion de lancement des prestations du 5 avril 2013 dans le cadre du marché du SIVOM de Villefranche-sur-Mer notamment relatif à l'entretien des plages et programmant le début des travaux de régalage de la plage " Marquet " les 6 et 7 mai 2013, n'établit pas l'existence de mesures de sécurité et de signalisation adéquates concernant l'état non contesté de cet escalier le soir de l'accident de M. B.... Elle n'apporte ainsi pas la preuve qui lui incombe de l'entretien normal de l'ouvrage. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que la responsabilité de la commune de Cap d'Ail était engagée.

6. En revanche, le fait pour M. B...d'avoir emprunté cet escalier de nuit sans prendre de précautions particulières alors que les lieux n'étaient pas éclairés est constitutif d'une faute d'imprudence de nature à exonérer la personne publique d'un tiers de sa responsabilité.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

7. M. B...demande le versement d'une somme de 8 000 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels. Il soutient qu'entre la date de l'accident litigieux, le 4 mai 2013, et la date de reprise de son activité professionnelle, le 22 juillet 2013, en qualité de gérant non salarié d'un supermarché, il n'a perçu aucun revenu de remplacement. Toutefois, il résulte de l'instruction, en particulier de ses avis d'imposition au titre des années 2012 et 2013, que la perte de gains professionnels durant cette période n'est pas établie.

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

8. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Nice, que M. B...a présenté un déficit fonctionnel temporaire total du 4 au 13 mai 2013 ainsi que le 20 juin suivant, un déficit fonctionnel temporaire partiel à hauteur de 50 % du 14 mai au 19 juin 2013, et un déficit fonctionnel temporaire partiel à hauteur de 10 % du 21 juin au 21 juillet 2013. Les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante du préjudice correspondant au déficit fonctionnel temporaire ainsi subi en fixant le montant de sa réparation à la somme de 500 euros. Cette somme doit être ramenée à 335 euros en raison du partage de responsabilité exposé au point 4.

9. Il résulte de l'instruction que les souffrances endurées par M. B...doivent être évaluées à 3 sur une échelle allant de 1 à 7. Les premiers juges ont insuffisamment évalué ce préjudice, dont il y a lieu de fixer l'indemnisation à la somme de 4 200 euros. Cette somme doit être ramenée à 2 800 euros en raison du partage de responsabilité exposé au point 4.

10. Les premiers juges ont également fait une appréciation insuffisante de la réparation du déficit fonctionnel permanent de 2 % de M.B..., âgé de 31 ans à la date de la consolidation le 4 mai 2014. Il y a lieu de fixer la réparation au titre de ce préjudice à la somme de 2 500 euros. Cette somme doit être ramenée à 1 665 euros en raison du partage de responsabilité exposé au point 4.

11. Les premiers juges ont justement apprécié le préjudice esthétique permanent de M. B..., évalué à 1 sur une échelle allant de 1 à 7, en fixant à la somme de 1 000 euros l'indemnisation due à ce titre. Cette somme doit être ramenée à 665 euros en raison du partage de responsabilité exposé au point 4.

12. M. B...n'apporte aucun élément de nature à établir la pratique de la course à pied et de la musculation antérieurement à l'accident. Il n'est donc pas fondé, ainsi que l'ont retenu à juste titre les premiers juges, à demander une indemnité au titre du préjudice d'agrément.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Cap d'Ail est seulement fondée à demander que l'indemnité qu'elle a été condamnée à verser à M. B...soit ramenée à la somme de 5 465 euros, sous déduction de la provision de 4 000 euros versée en application de l'ordonnance du 30 juillet 2015 du juge des référés du tribunal administratif de Nice. M. B...n'est pas fondé à demander une meilleure indemnisation.

Sur les frais liés à l'instance :

14. D'une part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...la somme que demande la commune de Cap d'Ail au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Cap d'Ail qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. B...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : L'indemnité de 6 500 euros que la commune de Cap d'Ail a été condamnée par le tribunal administratif de Nice à verser à M. B...est ramenée à la somme de 5 465 euros, sous déduction de la provision de 4 000 euros versée en application de l'ordonnance en date du 30 juillet 2015 du juge des référés du tribunal administratif de Nice.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 3 octobre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par M.B..., y compris au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune du Cap d'Ail, à M. D...B...et à la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants (RSI Auvergne).

Délibéré après l'audience du 11 avril 2019, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,

- MmeE..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 2 mai 2019.

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N° 17MA04281


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA04281
Date de la décision : 02/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-01-02 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages sur les voies publiques terrestres. Défaut d'entretien normal.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: Mme Karine JORDA-LECROQ
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : SCP BERNARDINI GAULMIN - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-05-02;17ma04281 ?
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