Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... D...épouse B...a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la société Eiffage Languedoc-Roussillon, venant aux droits de la société Mazza, à lui verser la somme de 100 100 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du dépôt de déchets de chantier sur un terrain ayant appartenu à son père.
Par un jugement n° 1600176 du 12 décembre 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 février et le 23 novembre 2018, Mme B..., représentée par la SCP Dombre, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 décembre 2017 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) de condamner la société Eiffage Route Méditerranée, venant aux droits de la société Eiffage Languedoc-Roussillon, à lui verser la somme de 100 100 euros ;
3°) de mettre à sa charge la somme de 23 800 euros au titre des frais d'expertise, ainsi que celle de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'autorisation donnée par son père est irrégulière, dès lors, d'une part, que celui-ci avait été placé en liquidation judiciaire, et, d'autre part, que son état de santé faisait obstacle à ce qu'il ait régulièrement pu donner son consentement ;
- les déchets déposés excèdent ceux ayant été autorisés ;
- les préjudices dont elle demande l'indemnisation sont établis.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 13 et 29 novembre 2018, la société Eiffage Route Méditerranée, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête présentée par Mme B... ;
2°) de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 ;
- le code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Merenne,
- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., représentant la Société Eiffage route Méditerranée.
Considérant ce qui suit :
1. Par un marché signé le 16 mars 1998, le département de l'Hérault a confié à la société Mazza l'exécution de travaux d'aménagement de la route départementale n° 999. Pour l'exécution des prestations relatives à l'évacuation des déblais excédentaires, l'entreprise s'est rapprochée de Jean-ClaudeD..., qui, par un courrier du 21 avril 1998, daté par erreur du 21 avril 1988, l'a autorisée à déposer " environ 30 000 mètres cubes de matériaux issus du terrassement exécuté pour le compte du conseil général de l'Hérault sur la RD 999 " sur un terrain dont il était propriétaire au lieu-dit de Ferrussac à Saint-Julien-de-la-Nef (Gard).
2. Mme B..., ayant droit de Jean-Claude D...suite au décès de celui-ci en 2004, fait appel du jugement du 12 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Eiffage Route Méditerranée, venant aux droits de la société Mazza, à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du dépôt de déchets de chantier sur ce terrain.
Sur l'autorisation donnée par le propriétaire du terrain :
3. D'une part, il résulte d'une jurisprudence établie de la Cour de cassation que les actes juridiques accomplis par le débiteur en liquidation judiciaire, dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens, ne sont pas frappés de nullité mais simplement d'inopposabilité à la procédure collective.
4. Il suit de là que la liquidation judiciaire de M. D... prononcée par un jugement du 11 janvier 1996 par le tribunal de grande instance de Nîmes n'affecte pas la validité de l'autorisation donnée par celui-ci par le courrier du 21 avril 1998 mentionné au point 1, mais la rendait seulement inopposable à cette procédure collective, à laquelle le présent litige est étranger et qui a d'ailleurs été close le 5 juillet 2004 suite au décès de M. D....
5. D'autre part, en se bornant à produire des résultats d'analyse datant du 3 décembre 2003, Mme B..., en tout état de cause, n'établit pas que Jean-Claude D...aurait été dans l'incapacité juridique de consentir à la date à laquelle l'autorisation a été donnée, le 21 avril 1998.
6. Il apparaît dès lors manifestement que la contestation par Mme B... de la validité de l'autorisation donnée par Jean-Claude D...à la société Mazza ne peut être accueillie.
Sur la régularité des dépôts effectués au regard de l'autorisation donnée :
7. D'une part et ainsi qu'il a été dit au point 1, Jean-Claude D...a autorisé la société Mazza à déposer sur son terrain 30 000 mètres cubes de matériaux. L'expert nommé conjointement par les juges des référés du tribunal administratif et du tribunal de grande instance de Nîmes a évalué à 15 000 mètres cubes le volume de matériaux effectivement déposés par la société Mazza. La société Eiffage Route Méditerranée a en outre indiqué que le surplus de déblais issus des travaux de terrassement de la RD 999, dont le volume a été estimé à 31 946 mètres cubes, a été déposé par la société Mazza sur deux autres sites qu'elle avait identifiés, ce qui n'est pas utilement contesté par la requérante. Il ne résulte dès lors pas de l'instruction que le volume des matériaux déposé par la société Mazza aurait excédé celui autorisé par Jean-ClaudeD....
8. D'autre part, si un rapport de la société Socotec Industries, repris par un rapport de l'inspecteur des installations classées, a mis en évidence la présence de métaux lourds (arsenic, cadmium, plomb, zinc et cuivre) sur le site dit " plateforme Mazza ", il ressort de ces mêmes documents que l'absence de mesure du fond géochimique local, compte tenu de la présence de mines métalliques dans le voisinage, et donc d'anomalies géochimiques, ne permet pas de se prononcer quant à l'influence des déchets sur les teneurs mesurées en éléments métalliques. En outre, il ressort du rapport d'expertise que si la " plateforme Mazza " a été dénommée ainsi par l'expert par commodité, elle comporte également des déchets provenant d'autres sources. Le même expert retient enfin que les déblais apportés par la société Mazza sont constitués de matériaux inertes, calcaires et argileux. Il ne résulte en conséquence pas de l'instruction que les dépôts réalisés par la société Mazza auraient été à l'origine de la présence de métaux lourds.
9. Il résulte de ce qui précède que la responsabilité de la société Eiffage Route Méditerranée n'est pas engagée. Mme B... n'est en conséquence pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
10. Il y a lieu de laisser les frais d'expertise à la charge de Mme B..., ainsi que l'a fait le tribunal administratif.
11. Il y a également lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B..., en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la société Eiffage Route Méditerranée.
12. Les dispositions du même article font en revanche obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par Mme B... sur le même fondement.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Mme B... versera à la société Eiffage Route Méditerranée la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D...épouse B...et à la société Eiffage Route Méditerranée.
Copie en sera adressée pour information à l'expert judiciaire.
Délibéré après l'audience du 29 mai 2019, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président de chambre,
- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,
- M. Merenne, premier conseiller.
Lu en audience publique le 13 juin 2019.
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N° 18MA00488