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05/12/2019 | FRANCE | N°18MA00436

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 05 décembre 2019, 18MA00436


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner le centre hospitalier de Castelnaudary à lui verser la somme de 136 200 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison du harcèlement moral et de la discrimination dont il a été victime de la part de son administration et au titre de la part variable de l'indemnité de chef de pôle.

Par un jugement n° 1506366 du 30 novembre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Pr

océdure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 janvier 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner le centre hospitalier de Castelnaudary à lui verser la somme de 136 200 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison du harcèlement moral et de la discrimination dont il a été victime de la part de son administration et au titre de la part variable de l'indemnité de chef de pôle.

Par un jugement n° 1506366 du 30 novembre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 janvier 2018 et le 4 novembre 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 30 novembre 2017 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Castelnaudary à lui verser une somme de 136 200 euros ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Castelnaudary la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il a été victime de discrimination en raison de son origine étrangère et d'une rupture de l'égalité de l'accès aux emplois publics dès lors qu'il aurait dû être recruté en qualité de clinicien hospitalier ;

- le harcèlement moral est établi ;

- son préjudice moral, la perte de rémunération, la perte de chance et les troubles dans les conditions d'existence doivent être indemnisés ;

- il a droit au paiement de la part variable de l'indemnité de chef de pôle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2019, le centre hospitalier de Castelnaudary, représenté par Lavalette Avocats Conseils, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. C... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 84-131 du 24 février 1984 ;

- l'arrêté du 23 octobre 2001 ;

- l'arrêté du 11 juin 2010 ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les conclusions de M. Argoud, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., qui a exercé en tant que praticien hospitalier contractuel à temps plein en médecine polyvalente du 7 octobre 2013 au 6 avril 2015 au centre hospitalier de Castelnaudary, relève appel du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 30 novembre 2017 rejetant sa demande de condamnation de ce centre hospitalier à lui verser la somme de 136 200 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison du harcèlement moral et de la discrimination dont il a été victime de la part de son administration et au titre de la part variable de l'indemnité de chef de pôle.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droit et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ".

3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. Le juge se détermine au vu de ces échanges contradictoires qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

4. La pression journalière excessive et presque insurmontable de la hiérarchie ainsi que l'ambiance délétère invoquées par le requérant, qui engendreraient selon lui un contexte de travail très stressant et un rythme de travail effréné ne sont pas constitutifs en eux-mêmes de harcèlement moral. En outre, les trois attestations produites par le requérant et le courrier adressé par le docteur Sol, président de la commission d'établissement au maire de la commune de Castelnaudary, s'ils font état de pratiques managériales contestables, de difficultés de communication avec la direction, de l'autoritarisme du directeur et du caractère conflictuel des relations des médecins avec l'administration, ne mentionnent aucun fait ni ne décrivent de comportement précis du directeur de l'établissement à l'encontre du requérant susceptible de laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral dont il aurait été victime. Si M. C... soutient qu'il a été désavoué et dénigré par sa hiérarchie après l'arrivée d'un nouveau médecin ainsi que lors d'une réunion de pôle, qu'il a subi des humiliations devant les équipes de soins du fait de consignes données au personnel à son insu et qu'il a été décrédibilisé en raison d'ordres et de contre-ordres reçus et du retrait d'une note de rappel au service pendant qu'il était en congé, il ne produit pas plus en appel qu'en première instance de documents susceptibles d'établir la réalité des faits invoqués. Par ailleurs, les agressions que le requérant affirme avoir subies de la part d'une infirmière de son service et du responsable de la qualité au sein de l'hôpital sans aucune intervention de la part de l'administration ne sont pas davantage établies. Il ressort enfin des courriels échangés entre le requérant, la direction et l'un des médecins du service dirigé par M. C... que le directeur du centre hospitalier l'a soutenu lors de son différend avec le docteur Rohart et que ce dernier lui a présenté des excuses. Il suit de là que c'est à bon droit que le tribunal a considéré que l'ensemble de ces éléments n'étaient pas susceptibles de faire présumer l'existence, à l'égard de M. C..., d'un harcèlement moral au sens de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983.

5. En deuxième lieu, aux termes du 4° de l'article R. 6152-402 du code de la santé publique : " Les praticiens contractuels mentionnés à l'article R. 6152-401 ne peuvent être recrutés que dans les cas et conditions suivants : (...) 4° Pour occuper, en cas de nécessité de service et lorsqu'il s'avère impossible d'opérer un tel recrutement en application des dispositions statutaires en vigueur, un poste de praticien à temps plein ou à temps partiel resté vacant à l'issue de chaque procédure statutaire de recrutement. Le contrat peut être conclu pour une période maximale de six mois renouvelable dans la limite d'une durée totale d'engagement de deux ans ; (...) ". L'article L. 6152-1 du même code disposait, dans sa version alors en vigueur, que " Le personnel des établissements publics de santé comprend (...) 3° Des médecins (...) recrutés par contrat sur des emplois présentant une difficulté particulière à être pourvus ; (...) ". Aux termes de l'article R. 6152-5 dudit code, alors applicable : " Sur proposition des directeurs généraux d'agence régionale de santé, le directeur général du Centre national de gestion établit une liste de postes à recrutement prioritaire qui, d'une part, sont conformes aux objectifs définis par les schémas régionaux d'organisation sanitaire, d'autre part, présentent des difficultés particulières de recrutement et d'exercice. / Le praticien hospitalier, nommé ou en fonction sur l'un des postes mentionnés à l'alinéa précédent, s'engage par convention conclue avec le directeur de l'établissement de santé à exercer ses fonctions pendant cinq ans. Un praticien ne peut pas signer plus d'un engagement de servir dans le même établissement au cours de sa carrière. / Un arrêté des ministres chargés du budget et de la santé précise les modalités d'application de ces dispositions. ". L'article 1er de l'arrêté du 23 octobre 2001 fixant les modalités d'application des dispositions relatives aux postes à recrutement prioritaire prévues à l'article 5 du décret n° 84-131 du 24 février 1984 modifié portant statut des praticiens hospitaliers et à l'article 3-1 du décret n° 85-384 du 29 mars 1985 modifié portant statut des praticiens exerçant leur activité à temps partiel dans les établissements d'hospitalisation publics alors applicable disposait : " En application de l'article 5 du décret du 24 février 1984 susvisé, une liste de postes à recrutement prioritaire est établie une fois par an par le ministre chargé de la santé sur proposition motivée des directeurs d'agence régionale de l'hospitalisation. Cette liste, établie par région, est publiée au Journal officiel. / Peuvent figurer sur cette liste les postes vacants ou non vacants, conformes aux objectifs définis par les schémas régionaux d'organisation sanitaire, qui présentent des difficultés particulières de recrutement et d'exercice ".

6. M. C... a été recruté par le centre hospitalier de Castelnaudary sur le fondement de l'article R. 6152-402, 4° du code de la santé publique. S'il soutient que c'est en raison de son origine étrangère que ne lui a pas été proposée la conclusion du contrat à durée déterminée plus rémunérateur prévu par les dispositions de l'article L. 6152-1 du même code, alors qu'il en remplissait les conditions, il résulte toutefois de l'ensemble des dispositions citées au point précédent qu'un praticien ne peut pas être recruté sur un poste présentant une difficulté particulière à être pourvu si le poste en cause ne figure pas sur la liste annuelle de postes à recrutement prioritaire établie par région par le ministre chargé de la santé. Il n'est pas établi par le requérant et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date à laquelle M. C... a été recruté au mois d'octobre 2013 ou à la date à laquelle il a demandé à bénéficier de ce contrat, au mois de janvier 2015, le poste qu'il occupait figurait sur cette liste (ni même qu'une liste régionale avait été établie). Dès lors, l'intéressé ne peut utilement soutenir que le refus de le recruter sur un poste présentant des difficultés particulières de recrutement et d'exercice serait discriminatoire et sans lien avec des difficultés de son inscription au tableau de l'ordre départemental des médecins de l'Aude, les contraintes budgétaires et l'absence d'accord de l'agence régionale de santé qui lui auraient, selon lui, été opposés à tort par le centre hospitalier de Castelnaudary pour rejeter sa demande ni que les missions qu'il exerçait et ses compétences justifiaient qu'il soit recruté sur le fondement de l'article L. 6152-1 du code de la santé publique. Il en est de même du caractère irrégulier, à le supposer établi, du recrutement dans son service du docteur Piponnier qui est sans lien avec la discrimination raciale dont M. C... affirme être victime. Au surplus, le refus de recruter, avant l'embauche du docteur Piponnier, les candidats d'origine étrangère proposés par l'intéressé ne permet pas d'établir qu'il aurait été victime de discrimination.

7. Il résulte de ce qui vient d'être dit que M. C... n'apporte pas, à l'appui de ses dires, un faisceau d'indices suffisamment pertinents pour faire présumer qu'il aurait été victime d'un harcèlement moral ou pour établir qu'il aurait subi une discrimination, ces agissements ne pouvant être regardés, contrairement à ce que le requérant soutient, comme ayant excédé les limites de l'exercice du pouvoir hiérarchique.

8. En troisième lieu, en l'absence de fautes du centre hospitalier de Castelnaudary, les conclusions de M. C... tendant à l'indemnisation de son préjudice moral, de la perte de rémunération, de la perte de chance de poursuivre sa carrière au sein de cet établissement et des troubles dans les conditions d'existence consécutifs au harcèlement moral et à la discrimination dont il soutient avoir été l'objet doivent être rejetées.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 6146-7 du code de la santé publique, dans sa version alors en vigueur : " Une indemnité de fonction est versée aux chefs de pôle. Elle est modulée en fonction de la réalisation des objectifs figurant dans le contrat de pôle. Le montant et les modalités de versement de cette indemnité sont fixés par arrêté des ministres chargés de la santé et du budget. ". L'article 1er de l'arrêté du 11 juin 2010 fixant le montant et les modalités de versement de l'indemnité de fonction des chefs de pôles dispose que " L'indemnité prévue à l'article R. 6146-7 du code de la santé publique comprend : / 1. Une part fixe mensuelle d'un montant de 200 euros ; / 2. Une part variable annuelle d'un montant maximum de 2 400 euros déterminé par le directeur de l'établissement en fonction de la réalisation des objectifs figurant dans le contrat de pôle. ".

10. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des extraits des rapports d'activités du centre hospitalier de Castelnaudary au titre des années 2013 et 2014 et du contrat de pôle conclu pour une durée de quatre ans le 11 mai 2012 entre le directeur de l'hôpital et le chef de pôle qui était alors en exercice produits par M. C..., qui faisait office de chef de pôle, que l'intéressé a rempli les objectifs attendus d'un chef de pôle pour l'activité d'hospitalisation. Il ne démontre pas, en revanche, que les objectifs relatifs aux autres activités du pôle, les objectifs financiers et les objectifs de gestion définis aux articles 5 à 7 du contrat ont également été atteints. Il n'est, dans ces conditions, pas fondé à soutenir qu'il a rempli les objectifs du contrat de pôle sur l'année 2014 ni, par suite, à demander que le centre hospitalier de Castelnaudary soit condamné à lui payer la part variable annuelle, d'un montant de 2 400 euros, qui n'est due que lorsque l'ensemble des objectifs assignés au chef de pôle sont remplis.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Castelnaudary, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. C... une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le centre hospitalier de Castelnaudary.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : M. C... versera au centre hospitalier de Castelnaudary une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au centre hospitalier de Castelnaudary.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2019 où siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- Mme D..., présidente-assesseure,

- Mme E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 5 décembre 2019.

2

N° 18MA00436


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA00436
Date de la décision : 05/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-11 Fonctionnaires et agents publics. Dispositions propres aux personnels hospitaliers.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : BRIAND SACHA

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-12-05;18ma00436 ?
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